18/04/2006
Pourquoi j'aime Thiéfaine en douze points que j'aimerais pouvoir exprimer de façon percutante mais ça va être coton!
J’aime Thiéfaine parce que :
-il a une écriture à nulle autre pareille dans le paysage musical français,
-il est, à ma connaissance, le seul chanteur français qui parle de poètes allemands ou qui case des mots allemands dans ses chansons,
-il est resté fidèle à ses idéaux, quoi qu’en disent certains (voir les forums où ça cause d’Hubert),
-il parvient à rassembler des gens qui viennent d’univers très différents : il n’est que d’observer les foules bigarrées qui viennent l’applaudir en concert pour avoir une idée de ce mélange des genres,
-son univers est complètement à part, sa poésie me file des électrochocs,
-il chante comme personne la mistoufle, « la dèche, le twist et le reste »,
-il a le génie des titres (j’y reviendrai plus longuement bientôt),
-lorsque j’écoute « Alligators 427 », toute seule la nuit, cela me fiche presque les chocottes, preuve que cette chanson a atteint son but (merde, si « le monde est aux fantômes, aux hyènes et aux vautours », il y a de quoi pétocher à mort, non ?)
-il « raccommode les yeux crevés » et « rafistole les chromosomes »,
-j’ai appris plein de mots grâce à lui (par exemple « sycophante », « caboulot », « systole »),
-pour les beaux yeux de son public qui lui réclame « L’étranger dans la glace » sur la présente tournée, il renonce aux caves de Reims et se cloître et bosse comme un dingue, toujours pour les beaux yeux de son public, afin d’avoir bien en main ce morceau fabuleux,
-il m’a donné envie de lire les Chants de Maldoror, le poème « Le corbeau », d’Edgar Allan Poe, Malcolm Lowry, et j’en oublie sans doute.
Bien entendu, à ces différents points pourront s’en ajouter d’autres au fil du temps !
Et vous, pourquoi aimez-vous Thiéfaine (en autant de points que vous voulez) ?!
23:44 | Lien permanent | Commentaires (7)
"Oh meine kleine Mutter mehr Licht!"
« Mehr Licht ! » veut dire « plus de lumière ! ». On dit souvent que ces mots furent les derniers que prononça le grand Goethe. Apparemment, l’écrivain voulait simplement signifier par là qu’il souhaitait voir entrer plus de lumière dans la pièce où il agonisait. On cite ces propos dans un sens tout différent pour dire : « Plus de clarté intellectuelle, plus de savoir, de vérité ! ».
Dans le génial Dictionnaire de la mort des grands hommes (Isabelle BRICARD, Le cherche-midi éditeur, 1995), on apprend que « ces mots très « goethiens » que la postérité a conservés et révère comme les « dernières paroles de Goethe » ne sont en fait que les avant-dernières paroles de Goethe, les dernières étant moins « goethiennes » mais plus touchantes. Tandis qu’il délirait dans cette inconscience qui le conduisait paisiblement vers la mort, Goethe serrait entre ses mains la main de sa belle-fille, Ottilie. Son souffle était si faible qu’on ne savait pas s’il vivait encore. Ottilie voulut dégager sa main, mais Goethe la serra en murmurant : « Allons, petite femme, laisse-moi encore un moment ta chère petite patte ». A onze heures et demie du matin, l’étreinte se desserra ».
Alors, quels furent vraiment les derniers mots de Goethe ?! Nous n’étions pas là pour les entendre !
11:46 | Lien permanent | Commentaires (1)
17/04/2006
Scorpions, mandragores, pourceaux et crapauds!
« Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules ombellifères. Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent, jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair. Cependant mon cœur bat. Mais comment battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je n’ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment ? Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand l’un d’eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu’il ne s’en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa bouche, le dedans de votre oreille : il serait ensuite capable d’entrer dans votre cerveau ».
Je trouve que Thiéfaine est un peu dans le même registre dans « Les dingues et les paumés » :
« Dans leurs chambres blindées leurs fleurs sont carnivores
et quand leurs monstres crient trop près de la sortie
ils accouchent de scorpions et pleurent des mandragores ».
On reste en tout cas dans le végétal et l’animal !!
20:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
"Ils ont cru s'enivrer des Chants de Maldoror"...
Des sept années qui lui restent à vivre, nous ne savons presque rien, sinon qu’il a habité dans de fort modestes meublés, dont il déménageait souvent. S’est-il livré, en cette tumultueuse fin de règne de Napoléon III, à des activités révolutionnaires ? Les voisins se plaignaient-ils du tapage de son piano qui résonnait à toute heure du jour et de la nuit ? Ou bien fuyait-il la police chargée de surveiller ses fréquentations subversives ? La guerre éclate, mettant fin à ses projets littéraires. Sa santé déjà précaire ne résiste pas à la vie désordonnée qu’il mène. Il meurt poitrinaire le 24 novembre 1870, laissant planer sur sa vie un mystère qui n’a jamais été totalement éclairci.
Les Chants de Maldoror, défendus par Léon Bloy, et par Rémy de Gourmont, seront réimprimés, de façon confidentielle, en 1874 et en 1890. Et c’est Blaise Cendrars qui, au début du XXème siècle, les fera reparaître. Les Surréalistes se chargeront alors de les faire connaître et de révéler l’œuvre énigmatique de Lautréamont au grand public.
Sources : Le grand livre de la poésie française, Marcel JULLIAN, éditions Fixot, 1988.
Les chants de Maldoror et autres œuvres, Comte de Lautréamont, Bookking International, Paris, 1995.
Quelques extraits des Chants de Maldoror :
« En descendant du grand au petit, chaque homme vit comme un sauvage dans sa tanière, et en sort rarement pour visiter son semblable, accroupi pareillement dans une autre tanière. La grande famille universelle des humains est une utopie digne de la logique la plus médiocre ».
« Ma poésie ne consistera qu’à attaquer, par tous les moyens, l’homme, cette bête fauve, et le Créateur, qui n’aurait pas dû engendrer une pareille vermine. Les volumes s’entasseront sur les volumes, jusqu’à la fin de ma vie, et, cependant, l’on n’y verra que cette seule idée, toujours présente à ma conscience ! »
« Quand une comète, pendant la nuit, apparaît subitement dans une région du ciel, après quatre-vingts ans d’absence, elle montre aux habitants terrestres et aux grillons sa queue brillante et vaporeuse. Sans doute, elle n’a pas conscience de ce long voyage ; il n’en est pas ainsi de moi : accoudé sur le chevet de mon lit, pendant que les dentelures d’un horizon aride et morne s’élèvent en vigueur sur le fond de mon âme, je m’absorbe dans les rêves de la compassion et je rougis pour l’homme ! »
« Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules ombellifères. Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent, jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair. Cependant mon cœur bat. Mais comment battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je n’ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment ? Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand l’un d’eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu’il ne s’en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa bouche, le dedans de votre oreille : il serait ensuite capable d’entrer dans votre cerveau ».
Cela donne une petite idée du style (succulent) de Lautréamont !
11:42 | Lien permanent | Commentaires (0)
15/04/2006
L'obsession des glandes?
Dans la rubrique « Jeu de mots », à « Erotisme », on trouve ces mots d’Hubert :
« C’est une histoire de glandes, plus le fantasme. L’amour, c’est une histoire de glandes sublimées. L’érotisme, c’est une histoire de glandes fantasmées ».
Et puis, bien avant, il y avait eu aussi : « Pas prendre pour un courrier du cœur les pulsions des glandes endocrines » !
Définition de l’amour version 2005 : « ce chagrin des glandes » !
Et à propos de « glander », cette fois, on trouve dans le même « Chorus » :
Jean Théfaine : « Ne rien foutre, ce serait quoi concrètement ? »
Réponse de Thiéfaine : « Je serais un grand contemplatif. Je me shooterais toute la journée avec plein d’images, en les oubliant deux secondes après. Je cultiverais l’inutilité ».
15:16 | Lien permanent | Commentaires (2)
Toutes les fois où j'ai vu Thiéfaine
Mardi 24 novembre 1998, Saint-Avold (57).
Dimanche 11 juillet 1999, Eurockéennes, Belfort (90).
Mercredi 3 novembre 1999, Salle Elsa Triolet, Longlaville (54).
Samedi 27 octobre 2001, Galaxie, Amnéville (57).
Jeudi 13 décembre 2001, Zénith, Nancy (54).
Samedi 3 août 2002, Champ des lutins, Gomené (22) : Festival Délirock.
Vendredi 20 septembre 2002, Les Arènes, Metz (57).
Samedi 25 octobre 2003, Salle Rameau, Lyon (69) : hommage à Léo Ferré.
Mercredi 26 mai 2004, Grand Théâtre, Dijon (21) : Histoire du soldat, Stravinsky.
Samedi 31 juillet 2004, Festival de bouche à oreille, Savigna (39).
Mardi 16 novembre 2004, Théâtre municipal, Thionville (57).
Mercredi 17 novembre 2004, Salle Poirel, Nancy (54).
Jeudi 18 novembre 2004, Théâtre de la Rotonde, Thaon-les-Vosges (88).
Jeudi 2 décembre 2004, Arsenal, Metz (57).
Vendredi 10 mars 2006, Rockhal, Esch-sur-Alzette (Luxembourg).
Samedi 18 mars 2006, La Cigale, Paris.
Mardi 4 avril 2006, Zénith, Nancy (54).
Jeudi 6 avril 2006, Zénith, Dijon (21).
Bien entendu, j’espère pouvoir ajouter une foule d’autres dates après Dijon !!!
14:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
14/04/2006
Hölderlin encore
Voici le texte « Hyperions Schicksalslied », que j’ai déjà mis sur ce blog. Cette fois, je propose la traduction en dessous :
Ihr wandelt droben im Licht
Auf weichem Boden, selige Genien !
Glänzende Götterlüfte
Rühren euch leicht,
Wie die Finger der Künstlerin
Heilige Saiten.
Schicksallos, wie der schlafende
Säugling, atmen die Himmlischen;
Keusch bewahrt
In bescheidener Knospe,
Blühet ewig
Ihnen der Geist,
Und die seligen Augen
Blicken in stiller
Ewiger Klarheit.
Doch uns ist gegeben,
Auf keiner Stätte zu ruhn,
Es schwinden, es fallen
Die leidenden Menschen
Blindlings von einer
Stunde zur andern,
Wie Wasser von Klippe
Zu Klippe geworfen,
Jahr lang ins Ungewisse hinab.
Friedrich HÖLDERLIN
Vous avancez là-haut dans la lumière
Sur un sol tendre, bienheureux génies ;
Les souffles scintillants des dieux
Vous effleurent à peine,
Ainsi les doigts musiciens
Les cordes saintes.
Les habitants du Ciel vivent purs de Destin
Comme le nourrisson qui dort ;
Gardé avec pudeur
En modeste bouton,
L’esprit éternellement
Fleurit en eux.
Et les yeux bienheureux
Considèrent la calme
Eternelle clarté.
Mais à nous il échoit
De ne pouvoir reposer nulle part.
Les hommes de douleur
Chancellent, tombent
Aveuglément d’une heure
A une autre heure,
Comme l’eau de rocher
En rocher rejetée
Par les années dans le gouffre incertain.
Traduction : Philippe JACCOTTET
14:03 | Lien permanent | Commentaires (0)
13/04/2006
Le concert de la Rockhal
Il y a une semaine, j’étais au concert de Dijon. Une semaine, déjà ! Le temps passe à une vitesse folle, cela me tue (au propre comme au figuré) ! Oserai-je dire que, bien qu’Hubert nous ait concocté quelques jolies surprises pour l’occasion, le concert de Dijon ne fut pas mon préféré?! Non, le concert que j’ai aimé par-dessus tout, ce fut, sans conteste, celui de la Rockhal, à Esch-sur-Alzette (au Luxembourg, le 10 mars). La Rockhal est une salle qui se trouve dans une usine désaffectée, plantée au beau milieu d’un décor loufoque. Cela fait très « Soleil cherche futur », les enfants en moins ! On a l’impression d’atterrir dans un grand nulle part ! Thiéfaine dira d’ailleurs, entre deux chansons, que lui et son équipe ont eu toutes les peines du monde à trouver la salle en question, ajoutant qu’il se verrait bien tourner dix clips dans ce décor hallucinant !
Ce soir-là, je vois la nouvelle tournée pour la première fois. Je me suis interdit de consulter les listes de titres qui circulaient sur internet, je veux avoir la surprise. Alors là, pour le coup, je vais l’avoir ! Le son rock me plaît d’emblée ! « Cabaret sainte Lilith », je ne m’y attendais pas du tout ! « Comme un chien dans un cimetière », la classe ! « Psychanalyse du singe », « Première descente aux enfers par la face nord » ! « Autoroutes jeudi d’automne ». L’extase est à son comble en ce qui me concerne ! J’adore cette chanson ! J’ai dû l’écouter et la fredonner environ quarante cinq mille fois dans ma vie ! « Elle me dit que la nuit l’a rendue trop fragile et qu’elle veut plus ramer pour d’autres Guernica ». C’est à pleurer tellement c’est beau ! On imagine bien, je trouve, le type à l’âme déglinguée qui, « le soir, dans la tempête », échoue dans des stations-service. La musique contribue à rendre cette atmosphère palpable. Bref, pour en revenir à la Rockhal. : je biche ! Seule ombre, légère, légère (mais quand même!) au tableau : un type ne cesse de seriner son monde, réclamant à cor et à cri « Lorelei ». C’est bon, ne t’excite pas, tu vas l’avoir, ta Lorelei ! Thiéfaine explique gentiment et habilement à ce monsieur que, Lorelei ou Lilith, il est toujours question de la même femme, de la Femme tout court. Une fois que le monsieur a eu « sa » Lorelei, il se calme et, comment dire, arrête de nous gonfler ! Merde alors, il était temps ! J’apprécie que Thiéfaine, à la fin de cette chanson, évoque le rocher de la Lorelei, qui se trouve en Allemagne. Ah, l’Allemagne, vaste sujet !
A la fin du concert, je n’ai qu’un regret : Thiéfaine n’a pas chanté « L’étranger dans la glace »…
Huit jours plus tard (le 18 mars, donc), j’assiste au concert de La Cigale. Cette fois, l’ami Hubert nous chante « L’étranger dans la glace », expliquant en préambule qu’il a tenu compte de la demande des internautes. Apparemment, je n’ai pas été la seule à déplorer l’absence de cette chanson. Merci, Hubert, pour ce cadeau ! Paraîtrait même que notre Thiéfaine national aurait bossé comme un forçat à Reims, pour avoir cette chanson bien en main. Paraîtrait même qu’il aurait renoncé à visiter les caves de la ville, rien que pour nos beaux yeux, en gros. Ouais, on peut toujours essayer d’y croire !!
Entre La Cigale et Dijon, il y eut Nancy. La dernière fois que j’avais vu Thiéfaine à Nancy, c’était à la salle Poirel. Evidemment, il y a un monde entre le Zénith et la salle Poirel. Mais, quand même, le concert du 4 avril était excellent !
J’ai trouvé le public de Nancy plus « impliqué » que celui de Dijon, mais cela n’engage que moi…
Il faudra absolument que je retourne à la Rockhal et fasse des photos de cet endroit insolite. Ce serait sympa de les mettre sur ce blog. On dégobillerait son âme dans ce lieu complètement dingue! Cela me donne envie d’y retourner!!
22:55 | Lien permanent | Commentaires (0)