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07/05/2006

Une charogne

Avertissement : certaines âmes sensibles pourraient être écoeurées, voire scandalisées, par le contenu du poème qui va suivre. Pour ma part, j'en raffole!!!

UNE CHAROGNE

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,

Ce beau matin d'été si doux

Au détour d'un sentier une charogne infâme

Sur un lit semé de cailloux,

 

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,

Brûlante et suant les poisons,

Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique

Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,

Comme afin de la cuire à point,

Et de rendre au centuple à la grande Nature

Tout ce qu'ensemble elle avait joint;

 

Et le ciel regardait la carcasse superbe

Comme une fleur s'épanouir.

La puanteur était si forte que sur l'herbe

Vous crûtes vous évanouir.

 

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,

D'où sortaient de noirs bataillons

De larves, qui coulaient comme un épais liquide

Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,

Ou s'élançait en pétillant;

On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,

Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,

Comme l'eau courante et le vent,

Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique

Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,

Une ébauche lente à venir,

Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève

Seulement par le souvenir.

 

Derrière les rochers une chienne inquiète

Nous regardait d'un oeil fâché,

Epiant le moment de reprendre au squelette

Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,

A cette horrible infection,

Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,

Vous, mon ange et ma passion!

 

Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces,

Après les derniers sacrements,

Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,

Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté! dites à la vermine

Qui vous mangera de baisers,

Que j'ai gardé la forme et l'essence divine

De mes amours décomposés!

 

Charles BAUDELAIRE

04/05/2006

A part ça tout va bien, comme dit Schopenhauer (!!!)

Voici quelques phrases d'Arthur Schopenhauer :

"S'il y avait un Dieu, je n'aimerais pas être ce Dieu, la misère du monde me déchirerait le coeur".

 

"Si la vie et l'existence étaient un état agréable, tout le monde irait de mauvais gré au devant de l'état inconsient du sommeil et en sortirait avec plaisir. Mais c'est tout le contraire qui se passe : tout le monde a plaisir à aller se coucher et se lève à contrecoeur".

 

"Nous considérons avec une infinie compassion celui qui doit mourir et nous savons pourtant que ce qui lui arrive n'est que la fin d'un état qui n'a vraiment rien de désirable. N'est-ce pas la preuve que notre être le plus intime est un aveugle vouloir vivre?"

 

"On dit qu'après la mort le ciel nous demandera des comptes; je pense que nous pourrions d'abord lui demander des comptes sur la mauvaise plaisanterie de l'existence que nous avons dû subir sans même savoir pour quelle raison et à quelle fin".

 

"Nous sommes appelés à la vie par le désir tout à fait illusoire de la volupté et nous y sommes maintenus par la peur tout aussi certainement illusoire de la mort".

 

"Il me vient aussi peu à l'esprit de me mêler aux querelles philosophiques de mon époque que de descendre de chez moi lorsque je vois la populace se bagarrer dans la rue et de prendre part au pugilat".

 

"Se marier, c'est faire tout son possible pour se faire prendre en horreur par quelqu'un".

 

"Toute la vie est une tromperie. Elle nous mystifie, en gros comme en détail. Promet-elle quelque chose? elle ne le tient pas ou elle ne le tient que pour nous montrer que ce que nous désirions était sans valeur".

 

"Si l'on considère le monde tel qu'il se présente, comme le lieu de rassemblement d'êtres tourmentés et qui mourront bientôt, et si l'on pense qu'un Dieu les aurait tirés du néant, il faut dire qu'il s'est fait un plaisir étrange et dépourvu de bonté".

 

Mais, à part ça, tout va bien, comme dit Schopenhauer!!!

 

 

03/05/2006

Hors-série "Libération"

Avertissement : celui qui espère trouver un article-hommage sur Thiéfaine dans le hors-série édité par "Libération" aura d'abord envie de pleurer en feuilletant le magazine en question! Impossible de connaître le contenu exact du bidule avant d'en faire l'acquisition, il est vendu sous plastique. Sûre d'y dégoter un trésor, je l'achète. De retour à la maison, je feuillette nerveusement le magazine et me dis, au bout de quarante séances de ce genre : "Non, mais, c'est pas vrai, il n'y a rien sur Thiéfaine!" Je fais alors ce qu'il aurait fallu faire immédiatement : je consulte l'index. A la lettre "T", je vois Trénet. Et rien d'autre! De quoi bondir! Un peu plus loin, je vois "Et trois mots de..." Et voilà, l'ami Hubert a été relégué dans cette rubrique. A la page 62, je tombe sur ces mots : "A mon tour, avec une guitare et des mots, j'ai essayé d'ordonner mon chaos intérieur". Ce sera tout, merci d'être venu!

Bon, c'est vraiment maigrelet. Je pense que Thiéfaine aurait largement mérité sa place dans un hors-série consacré à la chanson française...

Pour se consoler, on trouvera quand même (et c'est pourquoi on ne pleurera pas, finalement, mais c'est limite!) des trésors dans ce magazine : l'interview d'Higelin est flamboyante, tout comme le monsieur lui-même. Il dit : "Depuis mon enfance, j'ai une solide dose intérieure de plaisir de vivre. Histoire de sauter de joie en pleine rue, de siffloter des airs pas possibles à mes robinets". Extra! Il y a aussi un très bel article sur Barbara, un autre sur Brigitte Fontaine. Et j'ai gardé le meilleur pour la fin : on pourra lire aussi deux pages somptueuses où Léo Ferré s'exprime. J'ai adoré sa définition du rêve : "Le rêve, c'est la Cadillac du pauvre". En lisant ces mots, j'avais réellement l'impression d'entendre la voix de Ferré.

Finalement, les dix euros, je ne les ai pas vraiment jetés par la fenêtre! Mais, quand même, je repose la question : quand Thiéfaine aura-t-il droit à la place qu'il mérite? Merde alors!!!!

Encore quelques mots à propos du "Fou du roi"

Je reviens une dernière fois sur l’émission « Le Fou du roi » :

Dans son introduction, Stéphane Bern a qualifié « Scandale mélancolique » d’album « lumineux, presque joyeux » ! Album lumineux ? Il y est question d’un « ciel de suie », de « la nuit qui bourdonne », d’« une pénombre au fond de la douleur », de « grisaille silencieuse », de « nuit carcérale », du « gris des laboratoires ». Enfin, Stéphane, tout de même ! Album joyeux ? « On attend l’ultime prédatrice », « les reines immortelles ont le silence austère des mères qui nous rappellent sous leur lingerie de pierre », « mon âme funérailleuse me fusille le cerveau », etc. J’ai l’impression que jamais Thiéfaine n’avait autant parlé de la mort dans un album. Il évoque également ses parents, chose qu’il n’avait jamais faite, et moi je trouve que les retours aux sources sentent la mort aussi ! Bref, monsieur Bern n’a, semble-t-il, pas fait correctement son travail et s’est contenté d’un à-peu-près incompatible avec le jusqu’auboutisme poétique de l’ami Thiéfaine. Une lecture en diagonale et une audition bien distraite, vous ne trouvez pas ?

 

01/05/2006

Concert de Thiéfaine hier soir à Voujeaucourt : j'y étais!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Tout d'abord, voici la liste des chansons auxquelles nous avons eu droit hier :

Cabaret sainte Lilith (cette fois, Thiéfaine n'a pas chanté "à contempler la noïlle dans les yeux des passants", mais "à contempler l'enfer dans les yeux des passants")

When Maurice meets Alice

Soleil cherche futur

Sweet amanite phalloïde queen

Confessions d'un never been

Psychanalyse du singe

Bipède à station verticale

Rock autopsie

Télégramme 2003

Première descente aux enfers par la face nord

Lorelei Sebasto Cha

Les dingues et les paumés

Après cela, il y a eu une brève interruption, à la suite de laquelle Thiéfaine est revenu chanter "Gynécées" et "La fille du coupeur de joints" (chanson qu'il a présentée comme une "petite ballade gentillette" qui allait nous mettre "un peu d'onirisme dans la tête").

A 22h12, tout le monde a quitté la scène, pour revenir deux minutes plus tard. Cette fois, place à "Alligators 427" et à "Narcisse 81".

Le concert a duré 1h30 et des briquettes. Le minimum syndical, quoi! C'était de circonstance! "Autoroutes jeudi d'automne", "Mathématiques souterraines", "Scandale mélancolique", "Comme un chien dans un cimetière", "Le jeu de la folie", "L'étranger dans la glace", "Quand la banlieue descendra sur la ville" : à la trappe! Pour moi, ces morceaux faisaient partie intégrante du paysage de cette tournée. Mais, bon, ne nous plaignons pas! Nous avons eu droit à un fort joli concert quand même. Le public était très réceptif et très réactif. Une fois encore, il était bien "coloré", comme j'aime! Il paraît que dans les stades de foot, toutes les couches de la société sont représentées. Dans les concerts de Thiéfaine aussi, tiens! Et notre artiste draine des gens de tous âges. J'ai vu une maman tenir dans ses bras sa fille de sept-huit ans et, à la fin du concert, j'ai discuté avec un couple qui avait découvert Thiéfaine grâce à ses enfants!

J'étais un peu mal placée au début. Je me suis avancée ensuite, mais j'étais derrière une armoire à glace qui se trémoussait dans tous les sens. Quand le colosse allait à gauche, ma voisine (de gauche, forcément!) se mettait devant moi, ce qui fait que j'ai passé une partie du concert à maugréer! Tout cela pour m'apercevoir, à la fin, quand j'ai décidé d'aller faire quelques photos, qu'il y avait largement moyen d'intégrer les premiers rangs par la droite. Bon, une autre fois, je ferai preuve d'un peu plus d'imagination!

Voici une photo que j'ai faite à la fin du spectacle :

 

 

 

 

Bon, de l'onirisme plein la tête, ça, pour le coup, j'en ai! Et puis, déjà, me taraude la lancinante question de savoir si je vais bientôt revoir Hubert!! Je sais, cela fait groupie nunuche, mais je m'en moque!

Et, ce matin, en reprenant la route, que vois-je en traversant Vieux-Charmont?! Cela ne s'invente pas!!!

30/04/2006

Concert de Thiéfaine ce soir à Voujeaucourt : j'y serai!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Oui, c'est vrai : je serai au concert de Voujeaucourt (dans le Doubs) ce soir! Je vous raconterai! Je suis énervée, en ébullition, en effervescence, comme si j'allais à un rendez-vous d'amour! Et cela fait des années que cela dure! Merci Hubert!

29/04/2006

"Piétinant dans la boue les dernières fleurs du mal"...

SPLEEN

 

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle

Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,

Et que de l’horizon embrassant tout le cercle

Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

 

Quand la terre est changée en un cachot humide,

Où l’Espérance, comme une chauve-souris,

S’en va battant les murs de son aile timide

Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

 

Quand la pluie étalant ses immenses traînées

D’une vaste prison imite les barreaux,

Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées

Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

 

Des cloches tout à coup sautent avec furie

Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,

Ainsi que des esprits errants et sans patrie

Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

 

-         Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,

Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,

Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,

Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

 

Charles BAUDELAIRE

"Baudelaire est mort hier, à onze heures du matin..."

Alors là, j’ai intérêt à faire quelque chose de potable ! Car j’adore Baudelaire. J’en ai plein la tête et le cœur ! Il m’arrive de me réciter « Spleen » en boucle (celui qui commence par « Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle »), de me dire «J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans », « Le Poète est pareil au prince des nuées, (…) ses ailes de géant l’empêchent de marcher », etc. Alors, grand Charles, saurai-je parler de toi comme il se doit ?!

Tout de toi me touche. L’enfance partie de travers avec ce père qui meurt en 1827, six ans après ta naissance, cette haine que tu voueras à son « remplaçant », le général Aupick, ce balancement entre spleen et idéal, ta fascination pour la beauté dont tu te demandes si elle sort « du gouffre noir » ou si elle « descend des astres », ton « avertissement » au lecteur et ces mots : « Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère ! », et surtout tes magnifiques Petits poèmes en prose, où un enfant riche et un enfant pauvre « se rient l’un à l’autre fraternellement, avec des dents d’une égale blancheur »…

Plus que tout, j’aime « Une charogne » !

« Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,

A cette horrible infection,

Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,

Vous, mon ange et ma passion ! ».

Il fallait oser, quand même !

 

Il y a aussi :

« Ne cherchez plus mon cœur; les bêtes l’ont mangé ».

 

« La musique souvent me prend comme une mer ! »

 

« Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,

Dont le doigt nous menace et nous dit Souviens-toi ! »

Il y a surtout :

« Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;

Adieu, vive clarté de nos étés trop courts ! »

 

« C’était hier l’été; voici l’automne !

Ce bruit mystérieux sonne comme un départ ».

 

Alors voilà,  « Baudelaire est mort hier, à onze heures du matin,

en zoomant d’apaisantes nuées crépusculaires,

fatigué d’un été qui le rongeait sans fin »…