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05/07/2006

La postface de Max-Pol Fouchet

Ce soir, comme j'avais envie de mettre sur le blog un petit quelque chose qui soit en rapport avec Au-dessous du volcan et comme j'avais déjà mis un extrait de la préface et plusieurs passages du roman, je me suis dit : "Allons donc faire un tour du côté de la postface. Pourvu d'ailleurs qu'il y en ait une!" Oui, il y en a une, écrite par Max-Pol Fouchet. Elle ne m'a pas dévoilé la fin de l'histoire (car je n'ai pas fini le roman). De toute façon, on devine aisément, dès les premières lignes, que ce truc ne va pas, ne peut pas finir bien. Le Consul est empêtré dans son alcoolisme, cette dépendance l'enferme dans une tour de marbre (le marbre du tombeau, oui!), et l'amour qu'Yvonne lui porte est, évidemment, voué à l'échec. Comment pourrait-il en être autrement? On devine illico qu'ici, un drame va se jouer, s'est déjà joué, et qu'aucun salut n'est possible. On devine qu'ici, c'est la mort qui règne en maître et que rien ne vient rompre l'immense solitude de chacun. Cela me rappelle Cohen : "Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte"... Ici, Yvonne essaie pourtant de rejoindre le Consul dans sa solitude, mais ... Laissons parler Max-Pol Fouchet!

"A première vue, un roman où l'amour et l'alcool s'octroient les grands rôles. Soyons-en convenus, pour l'instant, - parce que ce roman d'amour est d'une présence inoubliable, - parce que cette description de l'alcoolisme est d'une incomparable authenticité. Les vains appels d'Yvonne, les cris désespérés du Consul, - pour ne parler ni de Hugh, ni de monsieur Laruelle, - qui les entendrait sans déchirement? Mais ces simples mots d'Yvonne : 'Nous pourrions être heureux tous les deux', dépassent l'histoire proprement dite : rarement l'impossibilité du couple fut aussi cruellement exprimée. De même, l'alcoolisme de Geoffrey Firmin n'est pas simple vice, tare physiologique. Sa femme le sait : 'De toute façon, ce n'est pas la boisson', et le Dr. Vigil aussi : 'maladie de l'âme'. Impossible de s'y tromper, on nous mène par la main : ce roman d'amour est un roman de l'amour. De l'amour terrestre? Oui, d'abord. Et, une fois encore, se bornerait-il là, ce serait déjà un beau livre de passion et de mort. Mais comment l'amour terrestre se limiterait-il à lui seul pour un homme comme le Consul - (et Malcolm Lowry pourrait dire, comme tel autre de son héroïne : Le Consul, c'est moi) - dont le regard perce les apparences, voit à travers ce qui est vu, lit les visionnaires et les aventuriers de l'esprit, rêve d'écrire un livre sur la connaissance secrète? Le Mexique, où le livre se situe, est plus que le Mexique. Certes, la tragédie s'accorde avec la 'peine éternelle qui jamais ne dort du vieux Mexique' - pourtant on nous avertit que nous ne sommes pas là, 'mais dans le coeur'. Nous voici prévenus".

04/07/2006

Malcolm Lowry encore

Voici un extrait d’Au-dessous du volcan. En lisant les premières lignes de ce passage, j’ai su que je le mettrais sur le blog, tant le style qui y est employé est puissant et beau. Comme, en plus, il est question d’Oaxaca dans ces quelques lignes, je ne vais pas me priver !

 

« … Nuit : et une fois de plus, le corps à corps nocturne avec la mort, la chambre trépidante d’orchestres démoniaques, les bribes de sommeil apeuré, les voix à la fenêtre dehors, mon nom répété sans cesse avec mépris par des groupes d’arrivants imaginaires, les clavecins de la ténèbre. Comme s’il n’y avait pas assez de vrais bruits dans ces nuits couleur de cheveux gris. Non tels que le fracas déchirant des villes d’Amérique, le bruit de pansements arrachés à d’immenses géants à l’agonie. Mais les chiens parias qui hurlent, les coqs qui annoncent l’aube toute la nuit, le battement de tambour, le gémissement qu’on retrouve plus tard blanc monceau de plumes sur les fils télégraphiques aux arrière-jardins, ou volaille perchée dans les pommiers, la peine éternelle qui jamais ne dort du grand Mexique. Pour moi j’aime traîner ma peine à l’ombre des vieux monastères, ma faute dans les cloîtres, au bas des tapisseries et dans les miséricordes d’inimaginables cantinas, où des clients tardifs à la triste figure et des mendiants culs-de-jatte boivent à l’aube, dont la froide beauté jonquille se redécouvre en la mort. Aussi quand tu partis, Yvonne, j’allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot. Te dirai-je, Yvonne, le terrible voyage à travers le désert, dans le chemin de fer à voie étroite, sur le chevalet de torture d’une banquette de troisième classe, l’enfant dont nous avons sauvé la vie, sa mère et moi, en lui frottant le ventre de la tequila de ma bouteille, ou comment, m’en allant dans ma chambre en l’hôtel où nous fûmes heureux, le bruit d’égorgement en bas dans la cuisine me chassa dans l’éblouissement de la rue, et plus tard, cette nuit-là, le vautour accroupi dans la cuvette du lavabo ? Horreurs à la mesure de nerfs de géant ! Non, mes secrets sont de la tombe et ils doivent être tus. Et c’est ainsi parfois que je pense à moi-même comme à un grand explorateur qui, ayant découvert un extraordinaire pays, n’en peut jamais revenir pour faire don au monde de son savoir : mais le nom de ce pays est enfer ».

 

Plus loin, on peut lire encore ceci : « Je me demande si c’est parce que ce soir mon âme est vraiment morte que j’éprouve pour l’instant quelque chose comme la paix ».

 

En fait, dans ce passage, un des personnages écrit une lettre à la femme qu’il aime. A un moment, il s’interrompt. Quand il se remet à écrire, il commence par ces mots, que l’ami Hubert ne bouderait pas, me semble-t-il :

« « Plusieurs mescals plus tard » !

Et ça, donc : « Tu vas me croire fou, mais c’est de cette manière que je bois aussi, comme absorbant un éternel sacrement ».

03/07/2006

Pulque mescal y tequila

Comme je sais que des "non-initiés" se baladent parfois sur ce blog, j'y mets le texte de la chanson "Pulque mescal y tequila". Comme ça, si le coeur leur en dit, ils pourront trouver les liens entre les extraits d'Au-dessous du volcan et le texte de Thiéfaine.

PULQUE MESCAL Y TEQUILA

(une de mes chansons préférées, soit dit en passant, pour son rythme, pour ses paroles, pour "et dans la douceur des latrines loin des clameurs de la calle je respire l'odeur alcaline des relents d'amour périmé", pour "et je picole en compagnie d'un spectre imbibé de strychnine", pour "et dans ma tristesse animale d'indien qu'on soûle et qu'on oublie"!)

 

Tombé d'un D.C. 10 fantôme

sur un aéroport désert

j'ai confié mon âme à un gnome

qui jonglait sous un revolver

puis j'ai pris la première tangente

qui conduit vers les cantinas

où la musique se fait bandante

pour la piéta dolorosa

Pulque, mescal y tequila

Cuba libre y cerveza

ce soir je serai borracho

hombre! que viva Mejico

borracho! como no?

Dans le bus pour Cuernavaca

j'révise ma tendresse des volcans

Hôtel-Casino d'la Selva

le soleil se perd au ponant

et je picole en compagnie

d'un spectre imbibé de strychnine

welcome senor Malcolm Lowry

sous la lune caustique et sanguine

Jour des morts à Oaxaca

près de la tombe n°7

je promène ma cavalera

en procession jusqu'aux toilettes

et dans la douceur des latrines

loin des clameurs de la calle

je respire l'odeur alcaline

des relents d'amour périmé

"no se puede vivir sin amor" hombre

"no se puede vivir sin amor"

chinga de su madre

otro Cuba libre

borracho! como no?

De retour à Tenochtitlan

au parc de Chapultepec

les singes me balancent des bananes

sur des slogans de fièvre aztèque

et dans ma tristesse animale

d'indien qu'on soûle et qu'on oublie

j'm'écroule devant le terminal 

des bus à Mexico-city

Pulque, mescal y tequila

Cuba libre y cerveza

ce soir je suis "el borracho"

un' perdido de Mejico

 

Et pour revenir sur "no se puede vivir sin amor" (qui veut dire, je suppose, "on ne peut pas vivre sans amour"),  j'ai envie de citer Romain Gary, encore une fois :

"Et je ne vous dis pas que l'on ne peut pas vivre sans amour : on peut, et c'est même ce qu'il y a de si dégueulasse".

 

"Hôtel-Casino d'la Selva le soleil se perd au ponant"

Je suis donc plongée dans Au-dessous du volcan. Par cette chaleur, c'est malin! Bref, en voici déjà quelques passages qui sont de taille à éclairer le texte "Pulque mescal y tequila" :

"L'Hôtel-Casino de la Selva se dresse juste en dehors de la ville sur une colline un peu plus élevée, près de la gare du chemin de fer. Il est construit fort en retrait de la route principale, et entouré de jardins et de terrasses qui commandent en tout sens un ample panorama. Somptueux, il y règne un certain air de splendeur désolée. Car ce n'est plus un Casino. On ne peut même pas jouer ses consommations aux dés dans le bar. Les spectres des joueurs ruinés le hantent".

 

"Oh, je sais, mais nous avions pris une si horrible soûlerie cette nuit avant, si perfectamente borracho, qu'il me semble, le Consul est aussi malade que je suis".

 

Un peu plus loin, un des personnages dit : "No se puede vivir sin amor". 

 

Si je trouve encore des passages de ce genre, je les balancerai sur le blog! 

02/07/2006

"Welcome senor Malcolm Lowry sous la lune caustique et sanguine"

Malcolm LOWRY :

Ecrivain anglais. Né à Birkenhead (Cheshire) le 28 juillet 1909, mort à Ripe (Sussex) le 29 juin 1957. Hanté par la mer, Lowry s'engagea comme matelot à 17 ans et voyagea jusqu'en Extrême-Orient; il assista ainsi à la révolution chinoise et reçut une balle au genou. De retour en Angleterre, il reprit ses études, entra à Cambridge, où il occupa la chambre de Marlowe au Collège Sainte-Catherine, et obtint son diplôme de maître ès arts. Tout en visitant les pays nordiques et l'Espagne, il écrivit ensuite son premier roman, Ultramarine, publié en 1932. Marié mais toujours instable et déjà fasciné par l'alcool, Lowry fit un séjour à Paris, où il se lia avec Cocteau, puis gagna New York, où il composa Le Caustique lunaire. Un engagement comme scénariste le conduisit de là à Hollywood, mais bientôt lassé par ce travail mercenaire, il abandonna son emploi et sa femme pour visiter le Mexique.

Revenu à Hollywood, deux ans plus tard, Malcolm Lowry y rencontra Margerie Bonner, qui devait être son soutien inlassable, et qu'il épousa en 1940 à Vancouver. Le couple s'établit ensuite à Dollarton, en Colombie britannique (Canada), et Lowry y travailla sept années à la mise au point de son chef-d'oeuvre : Au-dessous du volcan. Nouveaux voyages : Mexique, Haïti, France (où Lowry, en 1948, vint surveiller la traduction du Volcan mais n'émergea guère de ses visions et de l'alcool), puis retour au Canada jusqu'en 1953, Lowry revenant alors se fixer en Angleterre - dans le village où il mourra, - après avoir visité l'Italie et la Sicile. Un premier recueil de textes posthumes, fragments d'un vaste ensemble inachevé, a paru sous le titre : Ecoute ma voix, ô Seigneur.

Si le rayonnement d'Au-dessous du volcan ne cesse de croître, c'est qu'il s'agit d'une somme où, à travers l'histoire romanesque utilisée comme trame, une infinité de plans sont peu à peu découverts cependant que s'y élabore une mythologie nouvelle de nos angoisses et de notre besoin de dépassement, de connaissance.

Bernard Noël, Dictionnaire des auteurs, Robert Laffont, octobre 1990.

Encore une histoire de volcan

A propos de volcan, tiens, justement, je me suis lancée hier dans la lecture du roman Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry. Lorsque Thiéfaine fait référence à un auteur ou à une oeuvre, j'aime essayer de creuser. En général, je ne suis pas déçue!

Alors, monsieur Malcolm Lowry, qui étiez-vous? Petit coup d'oeil dans le dictionnaire, où je lis ceci :

Ecrivain britannique, né en 1909, mort en 1957. Ses romans offrent une vision désespérée de la solitude (Au-dessous du volcan, 1947).

Bon, cela ne nous en dit pas énormément. En revanche, dans la préface du roman, écrite par Malcolm Lowry, je lis :

"Le récit, expliquai-je, s'ouvre le jour des morts, en novembre 1939, dans un hôtel appelé Casino de la Selva, selva signifiant bois, et peut-être ne sera-t-il pas inutile de mentionner que le livre fut conçu tout d'abord, d'une manière assez prétentieuse, sur le sempiternel modèle des Ames mortes de Gogol, et comme le premier volet d'une sorte de Divine comédie ivre. (...) Le thème du bois sombre, indiqué encore une fois au chapitre VII quand le Consul entre dans une lugubre cantina appelée El Bosque, ce qui signifie aussi bois, se résout au chapitre IX, celui qui relate la mort de l'héroïne, et où le bois devient réalité et fatalité".

 

Ou encore : "Ce roman, pour me servir de la phrase de Edmund Wilson, a pour sujet les forces dont l'homme est le siège, et qui l'amènent à s'épouvanter devant lui-même. Le sujet en est aussi la chute de l'homme, son remords, son incessante lutte pour la lumière sous le poids du passé, son destin".

 

"Après ce long préambule, mon cher lecteur français, il serait peut-être honnête de vous avouer que l'idée chère à mon coeur était de faire, dans son genre, une sorte d'oeuvre de pionnier et d'écrire enfin une authentique histoire d'ivrogne".

 

En fait, je suis en possession de ce livre depuis le 27 décembre 2002 (l'avantage de noter des dates partout!!). J'en avais déjà lu la préface à l'époque et n'avais pas poussé plus loin la curiosité. En relisant cette fameuse préface, j'ai du mal à comprendre pourquoi elle ne m'avait pas mise en appétit en 2002. Je vais réparer cette erreur dans les jours qui viennent et lire enfin ce roman! Cela me permettra sans doute de faire également une relecture plus éclairée de la géniale chanson "Pulque mescal y tequila"!  D'ailleurs, je viens de me souvenir que dans la préface de son roman, Malcolm Lowry évoquait le mescal et la tequila. Voici ce qu'il en dit :

"Au Mexique, le mescal est une boisson du tonnerre de Dieu, mais une boisson que l'on peut obtenir dans n'importe quelle cantina plus facilement, si je puis dire, que le whisky écossais dans l'impasse des Deux-Anges. (Soit dit en passant, je m'aperçois que j'ai fait du tort au mescal et à la tequila qui sont des boissons que j'aime beaucoup, et pour cela, je devrais peut-être présenter des excuses au gouvernement mexicain). Mais le mescal est aussi une drogue que l'on prend sous la forme de 'boutons de mescal', et la transcendance de ses effets est une des épreuves bien connues des occultistes".

Suite au prochain numéro!

27/06/2006

Volcan

Tout d'abord, ces quelques mots d'Elias Canetti :

"Le côté décisif des premières rencontres : enthousiasme ou rejet. Je ne puis aborder aucun être nouveau avec indifférence ou froideur. Toute rencontre devient pour moi un volcan".

 

Il y a quatorze ans, pour moi, le volcan, ce fut ça :

 

"Pauvre petite fille sans nourrice

arrachée du soleil

il pleut toujours sur ta valise

et t'as mal aux oreilles

tu zones toujours entre deux durs

entre deux s.o.s.

tu veux jouer ton aventure

mais t'en crèves au réveil...

 

tu fais toujours semblant de rien

tu craques ta mélanco

de 4 à 5 heures du matin

au fond des caboulots

et tu remontes à contrecoeur

l'escalier de service

tu voudrais qu'il y ait des ascenseurs

au fond des précipices

 

oh! mais laisse allumé, bébé

y a personne au contrôle

et les dieux du radar sont tous out

et toussent et se touchent se poussent

et se foutent et se broutent

oh! mais laisse allumé, bébé

y a personne au contrôle

et les dieux du radar sont tous out

et toussent et se touchent et se poussent

et se foutent et se mouchent

dans la soute à cartouches...

 

maintenant tu m'offres tes carences

tu cherches un préambule

quelque chose qui nous foute en transe

qui fasse mousser nos bulles

mais si t'as peur de nos silences

reprends ta latitude

il est minuit sur ma fréquence

et j'ai mal aux globules

 

oh! mais laisse allumé, bébé

y a personne au contrôle

et les dieux du radar sont tous out

et toussent et se touchent et se poussent

et se foutent et se broutent

oh! mais laisse allumé, bébé

y a personne au contrôle

et les dieux du radar sont tous out

et toussent et se touchent et se poussent

et se foutent et se mouchent

dans la soute à cartouches.."

 

C'était donc "Mathématiques souterraines", paroles et musique d'Hubert-Félix THIEFAINE...

23/06/2006

"La part Rimbaud"

Allez, ce soir, un peu de Romain Gary, pour nous mettre du baume au coeur! Tous les passages qui suivent sont extraits du magnifique livre d'entretiens La nuit sera calme.

"On s'étonne lorsqu'un homme 'distingué' dit 'putain de merde' ou 'bordel de Dieu'. Mais chacun sa façon de vomir". 

 

"Les chiens se sont toujours occupés de moi avec beaucoup d'amitié".

 

"Tout ce que le chercheur que je suis croit savoir est fait pour une bonne part de ce qui ne vaut pas la peine d'être connu".

 

"une âme sur charbons ardents à mille années-lumière de la paix intérieure".

 

"Si tu vois les grands poètes comme Vigny, les grands écrivains comme Constant, des esprits admirables comme Voltaire, et tant, tant d'autres dans tous les pays, tu aperçois souvent une étonnante dichotomie entre la beauté de leurs oeuvres et leurs vies ou activités souvent ignobles. Il se sentaient quittes envers les beaux sentiments lorsqu'ils en faisaient de la belle littérature".

 

"S'il y avait le moindre respect de la féminité, la sexualité aurait été depuis longtemps acceptée comme un échange dans l'égalité, sans 'prise' et sans 'preneur', sans 'conquérant' et sans 'conquête' ".

 

"Je voudrais te dire que pour moi toute la notion de 'profondeur de l'homme' n'a de profond que sa prétention. La 'profondeur' est un rapport tragique que l'homme a avec sa superficialité foncière, lorsqu'il en prend conscience. La tragédie profonde de l'homme, c'est sa superficialité, son insignifiance".

 

"Et maintenant que ma vie tire à sa fin, je ne cherche pas refuge dans l'abstraction, que ce soit Dieu ou la féminité, élevés au niveau d'un culte. Les au-delà, une 'autre vie' ne m'intéressent pas : j'aime trop dormir".

 

"L'homme sans mythologie de l'homme, c'est de la barbaque. Tu ne peux pas démythifier l'homme sans arriver au néant, et le néant est toujours fasciste, parce que, étant donné le néant, il n'y a plus aucune raison de se gêner".

 

"Ces rapports 'chien sans maître' avec Dieu ou avec l'absence de Dieu, que Dieu soit ressenti comme une présence ou comme un manque, sont toujours des rapports avec un collier et une laisse qui me sont totalement étrangers".

 

"Et elle louchait un tout petit peu, tu sais, de cette façon qui donne encore plus de regard"...

 

"Alors, avec mon filet à papillons, je cours, je cours, des romans, des reportages, des films et du vécu, du vécu qui n'est pas pour emporter mais pour être mangé sur place, ce n'est pas du donjuanisme dans les rapports avec la vie mais de l'amour... Et j'ai beau courir, glaner, je n'épuiserai jamais ça, je ne connaîtrai jamais l'assouvissement, c'est sans fin, inépuisable, tu as beau absorber ça par tous les pores de ta peau, tu as toujours faim, et ça te fait encore un personnage, une vie, un amour"...

 

"Car il s'agit pour nous, quelles que soient les idéologies, de trouver un équilibre entre la viande et la poésie, entre ce qui  est  notre  donnée  première  biologique,  animale,  et  la 'part Rimbaud' ".

 

"Disons que je vis avec Miss Solitude et je m'y attache un peu trop, c'est vrai, ce serait triste de prendre le pli, je n'aime pas les plis... Les deux dernières, les Miss Solitude 1972 et 1973, ont été des vraies reines de beauté dans le genre personne"...

 

"Evidemment, c'est inguérissable, je rêve encore de tomber amoureux, mais ce qu'on appelle tomber!... Seulement, à soixante ans, c'est très difficile, à cause du manque d'espace, d'horizon devant soit... ça manque de large, maintenant, on ne peut plus s'élancer... L'amour, ça va très mal avec les restrictions, les limites, avec le temps qui t'est compté, il faut croire qu'on a toute la vie devant soi, pour s'élancer vraiment... Sans ça, c'est seulement de la crème Chantilly".

 

"François Bondy : Tu as été heureux?

Romain Gary : Non... Si. Je ne sais pas. Entre les gouttes".