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06/06/2006

La Loreley de Guillaume Apollinaire (mais je préfère celle de Heine!)

LA LORELEY

 

A Bacharach il y avait une sorcière blonde

Qui laissait mourir d’amour tous les hommes à la ronde

 

Devant son tribunal l’évêque la fit citer

D’avance il l’absolvit à cause de sa beauté

 

O belle Loreley aux yeux pleins de pierreries

De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie

 

Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits

Ceux qui m’ont regardée évêque en ont péri

 

Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries

Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie

 

Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley

Qu’un autre te condamne tu m’as ensorcelé

 

Evêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge

Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège

 

Mon amant est parti pour un pays lointain

Faites-moi donc mourir puisque je n’aime rien

 

Mon cœur me fait si mal il faut bien que je meure

Si je me regardais il faudrait que j’en meure

 

Mon cœur me fait si mal depuis qu’il n’est plus là

Mon cœur me fit si mal du jour où il s’en alla

 

L’évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances

Menez jusqu’au couvent cette femme en démence

 

Va-t’en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants

Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc

 

Puis ils s’en allèrent sur la route tous les quatre

La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres

 

Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut

Pour voir une fois encore mon beau château

 

Pour me mirer une fois encore dans le fleuve

Puis j’irai au couvent des vierges et des veuves

 

Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés

Les chevaliers criaient Loreley Loreley

 

Tout là-bas sur le Rhin s’en vient une nacelle

Et mon amant s’y tient il m’a vue il m’appelle

 

Mon cœur devient si doux c’est mon amant qui vient

Elle se penche alors et tombe dans le Rhin

 

Pour avoir vu dans l’eau la belle Loreley

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

 

Guillaume APOLLINAIRE (1880-1918)

Un joli poème de Heine

DIE LORELEI

 

Ich weiß nicht, was soll es bedeuten,
Dass ich so traurig bin;
Ein Märchen aus alten Zeiten,
Das kommt mir nicht aus dem Sinn.

 

Die Luft ist kühl und es dunkelt,
Und ruhig fließt der Rhein;
Der Gipfel des Berges funkelt
Im Abendsonnenschein.

Die schönste Jungfrau sitzet
Dort oben wunderbar,
Ihr goldnes Geschmeide blitzet,
Sie kämmt ihr goldenes Haar.

Sie kämmt es mit goldenem Kamme,
Und singt ein Lied dabei;
Das hat eine wundersame,
Gewaltige Melodei.

Den Schiffer im kleinen Schiffe
Ergreift es mit wildem Weh;
Er schaut nicht die Felsenriffe,
Er schaut nur hinauf in die Höh.

 

Ich glaube, die Wellen verschlingen
Am Ende Schiffer und Kahn;
Und das hat mit ihrem Singen
Die Lorelei getan.

 

Heinrich HEINE (1797-1856)

05/06/2006

Des adieux ... / ...

dans les carnets intimes du messager des runes

l’écriture est en transe et clignote à la une

des mystères / des amants et de leurs infortunes

des adieux … / …

et des mains maladroites et moites au soir trop chaud

raturent les fantaisies de Schumann au piano

les cris des martinets sur les toits de Soho

des adieux … / …

et les noires sentinelles drapées dans leurs guérites

n’ont plus besoin d’antennes-paraboles-satellites

pour capter le chagrin à son extrême limite

des adieux … / …

 

après de vagues lueurs / d’ultimes prolongations

on repart à genoux, le cœur sous perfusion

au bord de la faillite mentale mais sans passion

des adieux … / …

déjà le vieux veilleur mélancolique nous guette

annonçant des avis d’orage et de tempête

mais bientôt le silence nous fait mal à la tête

des adieux … / …

mais on finit toujours par noyer son cafard

dans un taxi-dancing ou dans un topless-bar

on finit toujours sur l’éternel quai de gare

des adieux … / …

 

Paroles et musique : Hubert-Félix THIEFAINE

 

Quelques remarques à propos de cette chanson :

*Une erreur s’est glissée dans le livret du CD. Le nom du compositeur allemand dont il est question ici (Robert Schumann, 1810-1856) s’écrit bel et bien avec deux « n ». Dans le livret, il n’y en a qu’un.

*Autre chose : ce texte mélancolique me fait penser à ces mots de José Cabanis :

« On ne devrait jamais se quitter. Ce silence qui succède à tant de jours vécus ensemble, ne plus rien savoir l’un de l’autre, passer de l’extrême intimité et des caresses les plus abandonnées à cette absence, je vois dans cette séparation acceptée plus qu’une préfiguration, qu’une image de la mort : c’est la mort elle-même, qui commence. (…) Qui peut dire d’ailleurs le mal que de telles séparations nous ont fait, et de combien notre vie s’en est trouvée abrégée ».

*Tiens, Guillaume Apollinaire a écrit une série de poèmes qu’il a intitulée « Le guetteur mélancolique »…

*« On finit toujours sur l’éternel quai de gare »… « On reste là sur le quai on attend ». Décidément, les quais de gare !

31/05/2006

"Baudelaire est mort hier, à 11 heures du matin, en zoomant d'apaisantes nuées crépusculaires, fatigué d'un été qui le rongeait sans fin"

CHARLES BAUDELAIRE (1821-1867)

 

Charles Baudelaire naît à Paris le 9 avril 1821. Il a six ans lorsque son père, un prêtre défroqué devenu fonctionnaire, meurt sexagénaire. Sa mère se remarie peu de temps après avec Aupick, un officier qui deviendra général commandant de la place de Paris. L’enfant prend ce beau-père en aversion, et dans les internats où il est pensionnaire, au gré des affectations du général Aupick, il s’ennuie, rêvant d’être « tantôt pape, tantôt comédien ».

Après son baccalauréat, il refuse d’entrer dans la carrière diplomatique avec l’appui de son beau-père. Il ne veut être qu’écrivain. Au grand dam de sa famille bourgeoise, qu’il effraie par ses frasques, il fréquente la jeunesse littéraire du Quartier Latin. Un conseil de famille, sous la pression du général Aupick, l’envoie aux Indes, en 1841, à bord d’un navire marchand. Mais Charles Baudelaire ne veut pas tenter l’aventure au bout du monde. Il ne désire que la gloire littéraire.

Lors d’une escale à l’Ile de la Réunion, il fausse compagnie au capitaine et revient à Paris prendre, lorsqu’il a atteint sa majorité, possession de l’héritage paternel. Il se lie avec Jeanne Duval, une actrice mulâtre dont, malgré de fréquentes brouilles et de nombreuses aventures, il restera toute sa vie l’amant et le soutien. Ami de Théophile Gautier, de Gérard de Nerval, de Sainte-Beuve, de Théodore de Banville, il participe au mouvement romantique, joue au dandy, et fait des dettes. Ses excentricités sont telles que sa mère et le général Aupick obtiennent en 1844 du Tribunal qu’il soit soumis à un conseil judiciaire.

Baudelaire, ulcéré, ne guérira pas de cette humiliation. Privé de ressources, il ne cessera dès lors de fuir les créanciers, déménageant, se cachant chez ses maîtresses, travaillant sans relâche ses poèmes tout en tentant de gagner sa vie en publiant des articles.

Un premier ouvrage marque ses débuts de critique d’art. Il encense son ami Delacroix, éreinte les peintres officiels. Cette même année, une tentative de suicide le réconcilie provisoirement avec sa mère. En 1846, il découvre l’œuvre d’Edgar Poe, ce maudit d’Outre-Atlantique, cet autre incompris qui lui ressemble, et, pendant dix-sept ans, va la traduire et la révéler.

Après la révolution de 1848, à laquelle il a participé plus par exaltation que par conviction (au cours des émeutes, il suggère à ses compagnons de tuer son beau-père… « Il faut aller fusiller le général Aupick ! », s’écrie-t-il), il poursuit ses activités de journaliste et de critique. En 1857, la publication des Fleurs du Mal, jugées obscènes, fait scandale. Baudelaire doit payer une forte amende. Seuls Hugo (qui lui écrira « Vous aimez le Beau. Donnez-moi la main. Et quant aux persécutions, ce sont des grandeurs. Courage ! »), Sainte-Beuve, Théophile Gautier et de jeunes poètes admiratifs le soutiennent. Amer, incompris, Baudelaire s’isole davantage.
Sa santé commence à se dégrader. Il étouffe, souffre de crises gastriques, et une syphilis contractée dix ans auparavant réapparaît. Pour combattre la douleur, il fume de l’opium, prend de l’éther. Physiquement, c’est une épave. Dans la solitude orgueilleuse où il est enfermé, deux lueurs : les écrits admiratifs de deux poètes encore inconnus, Stéphane Mallarmé et Paul Verlaine, sur son œuvre qui se résume à un seul recueil, Les Fleurs du Mal, auquel il faut ajouter les poèmes en prose du Spleen de Paris, des essais (Les paradis artificiels, étude sur les effets de l’opium et du haschisch), ses articles de critique et sa correspondance.

En 1866, lors d’un séjour en Belgique, une attaque le paralyse et le rend presque muet. Il agonise pendant un an ; des amis, pour l’aider à surmonter la douleur, viennent à son chevet lui jouer du Wagner. Il s’éteint à 46 ans, le 31 août 1867, dans les bras de sa mère.

 

Sources : Le grand livre de la poésie française, Marcel JULLIAN, Editions Fixot, 1988.

Préface du livre Le Spleen de Paris et Les Paradis artificiels, Bookking International, Paris, 1995.

 

"Baudelaire est mort hier, à 11 heures du matin, en zoomant d'apaisantes nuées crépusculaires"...

Allez, pour changer un peu, voici un texte de Baudelaire !

 

« LE JOUJOU DU PAUVRE

 

Je veux donner l’idée d’un divertissement innocent. Il y a si peu d’amusements qui ne soient pas coupables ! Quand vous sortirez le matin avec l’intention décidée de flâner sur les grandes routes, remplissez vos poches de petites inventions à un sol, - telles que le polichinelle plat mû par un seul fil, les forgerons qui battent l’enclume, le cavalier et son cheval dont la queue est un sifflet, - et le long des cabarets, au pied des arbres, faites-en hommage aux enfants inconnus et pauvres que vous rencontrerez. Vous verrez leurs yeux s’agrandir démesurément. D’abord ils n’oseront pas prendre ; ils douteront de leur bonheur. Puis leurs mains agripperont vivement le cadeau, et ils s’enfuiront comme font les chats qui vont manger loin de vous le morceau que vous leur avez donné, ayant appris à se défier de l’homme.
Sur une route, derrière la grille d’un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur d’un joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie.

Le luxe, l’insouciance et le spectacle habituel de la richesse rendent ces enfants-là si jolis, qu’on les croirait faits d’une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté.

A côté de lui, gisait sur l’herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d’une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroteries. Mais l’enfant ne s’occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu’il regardait :

De l’autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, sale, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la beauté, si, comme l’œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.

A travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes, la grande route et le château, l’enfant pauvre montrait à l’enfant riche son propre joujou, que celui-ci examinait avidement comme un objet rare et inconnu. Or, ce joujou, que le petit souillon agaçait, agitait et secouait dans une boîte grillée, c’était un rat vivant ! Les parents, par économie sans doute, avaient tiré le joujou de la vie elle-même.

Et les deux enfants se riaient l’un à l’autre fraternellement, avec des dents d’une égale blancheur ».

 

Extrait du Spleen de Paris, Charles BAUDELAIRE

 

30/05/2006

Encore quelques mots sur Rio Reiser...

Ce matin, j’ai fini la biographie de Rio Reiser, Das alles und noch viel mehr. Certains membres de la famille de l’artiste et quelques-uns de ses amis ont poussé les hauts cris contre ce livre qui dépeint sans fard la vie de Rio Reiser. Les proches du chanteur n’admettent pas, apparemment, qu’Hollow Skai réduise les dernières années de Rio Reiser à une ignoble déchéance. En même temps, loin de toutes ces polémiques, on pourra dire que le livre a le mérite d’être assez objectif. Hollow Skai dit qu'il a été bercé pendant 35 ans par les chansons de Rio Reiser et qu'il a été très choqué par la mort précoce de l’artiste. C’est à la fois une déclaration d’amour et une description un peu « brute de décoffrage » de la vie et de la personnalité de Rio Reiser. Moi qui ai toujours beaucoup aimé cet artiste, je l’aime encore davantage maintenant ! J’aime sa sensibilité à fleur de peau, ses histoires d’amour rocambolesques me touchent. Le frère de Rio Reiser aurait dit à Hollow Skai que le chanteur ne reçut jamais assez d’amour ("Er hat nicht genug Liebe gehabt, das hat nicht gereicht, das hat ihn unglücklich gemacht"). Alors, oui, de temps en temps, Rio Reiser était un peu trop fleur bleue dans ses textes. Oui, il a fait des concessions à un système qu’il avait d’abord épinglé au temps de Ton Steine Scherben. Mais ce fut toujours, certainement, en vertu de cette quête d’amour…

En dévorant ce bouquin et en essayant de me familiariser avec toutes les aspérités du caractère de Rio Reiser, j’avais sans cesse en tête cette phrase de Brel, citée un jour dans un fanzine de « HFT Aficionados Service Club » (celui de novembre 1998) : « Un artiste, c’est quelqu’un qui a mal aux autres »…

Ami Rio, puisse ta belle âme reposer en paix…

29/05/2006

"Moi, je pars pour Dublin sur un nuiteux cargo qui traverse le temps perdu de la sagesse et rejoins le bateau ivre d'Arthur Rimbaud"

Le bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,

Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :

Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,

Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J’étais insoucieux de tous les équipages,

Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,

Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais. Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots ! Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sûres, L’eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin. Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d’astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend ; Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l’amour ! Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : je sais le soir, L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes, Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir ! J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets ! J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes, Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs ! J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l’assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs ! J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux ! J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant ! Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises ! Echouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés des punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums ! J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants. Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux… Presque île, ballottant sur mes bords les querelles Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds. Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir, à reculons ! Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ; Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d’azur ; Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ; Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l’Europe aux anciens parapets ! J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : -Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles, Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ? Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
O que ma quille éclate ! O que j’aille à la mer !
Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons, Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons. Arthur RIMBAUD

PS : Bon, ça va encore sortir tout merdique! Vous rétablirez les strophes! Mille excuses, ce blog n'en fait qu'à sa tête!!!!

28/05/2006

Rio Reiser : "piment et alcools forts"

Dans le genre « piment et alcools forts », pour reprendre une expression chère à HFT, Rio Reiser n’était pas mal non plus. En écoutant plus attentivement le texte de sa chanson « Gefahr », on comprend que cet homme voulait brûler sa vie, quitte à se brûler les ailes, quitte à brûler les étapes et à mourir, par exemple, à 46 ans… Dans ce fameux texte, il dit en substance qu’il aime flirter avec les écueils, avec le danger, s’imbiber d’alcool, se jeter à corps perdu dans les paradis artificiels. Bref, le fil du rasoir, ça le connaît. Et il avoue haut et fort qu’il préfère son mode de vie à un quotidien bien au chaud dans ses pantoufles…

Rio Reiser rêvait, dans sa chanson « König von Deutschland », de tout ce qu’il aurait fait s’il avait été « roi d’Allemagne ». Cela ne vous rappelle rien ?!

Avant de mettre sur le blog le magnifique texte de « Gefahr », je tiens à rectifier un point de la note que j’ai écrite vendredi : en Allemagne, on trouve à présent la biographie de Rio Reiser, écrite par Hollow Skai. Me voilà en possession de ce bouquin !

GEFAHR

Na wie geht’s in euerem Kästchen? Fühlt ihr euch wohl in euerem Nestchen?
Oder hakt’s bei den Rädchen, verwirren sich vielleicht die Fädchen?
Ich will fliegen, tauchen, rasen, will nicht Angst, ich will Gefahr.
Ich will leben, will mich fühlen und ich zahl dir jetzt und bar.
Autobahn, linke Spur, hart am Abgrund, hart am Rand.
Ich allein in New York, jemand raubt mir den Verstand.
Unter Geiern, Löwenkäfig, giftige Schlangen in meinem Bett.
Alle Drogen, Alkohol, ich will Gefahr von A bis Z.
Ich steh gern auf Häuserdächern, geh gern über dünnes Eis.
Und ich tanz gern auf dem Seile, manche mögen’s eben heiß.
Ich will Gefahr, will sterben oder töten,
Spring aus den Wolken dem Haifisch ins Maul.
Ich spreng den Staudamm, bebe die Erde,
flieg auf nem Drachen von Pol zu Pol.
Ich will mein Blut sehen, ich will fallen,
ich will tauchen bis zum tiefen Rausch.
Eine Nacht in der Wüste, ein Wochenende im Irrenhaus.
Ich will verbrennen, explodieren, nix in der Hand und nichts mehr im Griff.
Alle Bremsen soll’n blockieren, volle Kraft aufs nächste Riff.
Ich will mich töten, will mich retten, will barfuß durch die Hölle gehen.
Ich will Fieber, ich will Frost, will die Welt nicht durch die Glotze sehen.
ich bin das große Unbekannte und heiße XYZ.
Du kriegst mich nicht auf deinen Radarschirm, ich bin ein unsichtbares Flugobjekt.
Musique : Rio REISER
Paroles : Rio REISER et Peter MÖBIUS