18/09/2006
Enivrez-vous!
La pensée du jour : "La même salive fait le crachat ou le baiser; le même désir fait le viol ou l'amour", André COMTE-SPONVILLE
Ce soir, je n'ai pas beaucoup de temps, je fais vite et sors un texte que j'avais en réserve (j'ai comme ça mes petits "surgelés" magiques, comme toutes les mamans organisées!!!!). Voici un joli texte de Baudelaire :
Enivrez-vous
Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise ».
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17/09/2006
Antonin Artaud encore
La pensée du jour : "Tu seras aimé le jour où tu pourras montrer ta faiblesse sans que l'autre s'en serve pour affirmer sa force", Cesare PAVESE.
Avant de consacrer une note (une de plus!) à Antonin Artaud, je tiens à parler un peu du Livre sur la Place. J'y ai croisé une ancienne élève, dont la première impulsion a été de me faire la bise, geste spontané qui m'a plutôt fait plaisir. J'ai discuté avec Dominique Bona, qui a écrit, il y a quelques années, une biographie sur Romain Gary. Je lui ai dit que je supposais qu'on ne pouvait qu'être sous le charme d'un tel homme quand on "étudiait" à fond sa vie, son oeuvre, tout... J'ai vu Richard Bohringer, pour lequel j'aurai toujours une profonde tendresse. Et, surtout, j'ai revu Etienne, ce fan de Thiéfaine rencontré il y a quelques mois à Voujeaucourt, et avec lequel j'ai bien papoté aujourd'hui. C'est chouette de croiser un autre fan d'Hubert à Nancy, ce n'est pas tous les jours que ça arrive!
Et maintenant, place à la déchirure...
Voici ce qu'écrivit Antonin Artaud suite à la loi de 1916 qui réprimait, outre "l'usage en société", le commerce et la détention frauduleuse de "substances vénéneuses", réservant leur seul usage légal à une médecine sous haute surveillance. Je ne souhaite pas particulièrement faire ici l'apologie des "substances illicites" (je suis plutôt comme Romain Gary, qui n'aimait pas ce qui peut altérer le comportement, mais enfin, "chacun sa religion, chacun son parachute"). Cependant, j'aime ce texte pour ses accents déchirants...
Monsieur le législateur,
Monsieur le législateur de la loi de 1916, agrémentée du décret de juillet 1917 sur les stupéfiants, tu es un con
Ta loi ne sert qu’à embêter la pharmacie mondiale sans profit pour l’étiage toxicomanique de la nation parce que
1° Le nombre des toxicomanes qui s’approvisionnent chez le pharmacien est infime ;
2° Les vrais toxicomanes ne s’approvisionnent pas chez le pharmacien ;
3° Les toxicomanes qui s’approvisionnent chez le pharmacien sont tous des malades ;
4° Le nombre des toxicomanes malades est infime par rapport à celui des toxicomanes voluptueux ;
5° Les restrictions pharmaceutiques de la drogue ne gêneront jamais les toxicomanes voluptueux et organisés ;
6° Il y aura toujours des fraudeurs ;
7° Il y aura toujours des toxicomanes par vice de forme, par passion ;
8° Les toxicomanes malades ont sur la société un droit imprescriptible, qui est celui qu’on leur foute la paix.
C’est avant tout une question de conscience.
La loi sur les stupéfiants met entre les mains de l’inspecteur-usurpateur de la santé publique le droit de disposer de la douleur des hommes ; c’est une prétention singulière de la médecine moderne que de vouloir dicter ses devoirs à la conscience de chacun. Tous les bêlements de la charte officielle sont sans pouvoir d’action contre ce fait de conscience : à savoir que, plus encore que de la mort, je suis le maître de ma douleur. Tout homme est juge, et juge exclusif, de la quantité de douleur physique, ou encore de vacuité mentale qu’il peut honnêtement supporter.
Lucidité ou non lucidité, il y a une lucidité que nulle maladie ne m’enlèvera jamais, c’est celle qui me dicte le sentiment de ma vie physique. Et si j’ai perdu ma lucidité, la médecine n’a qu’une chose à faire, c’est de me donner les substances qui me permettent de recouvrer l’usage de cette lucidité.
Messieurs les dictateurs de l’école pharmaceutique de France, vous êtes des cuistres rognés : il y a une chose que vous devriez mieux mesurer ; c’est que l’opium est cette imprescriptible et impérieuse substance qui permet de rentrer dans la vie de leur âme à ceux qui ont eu le malheur de l’avoir perdue.
Il y a un mal contre lequel l’opium est souverain et ce mal s’appelle l’Angoisse, dans sa forme mentale, médicale, physiologique, logique ou pharmaceutique, comme vous voudrez.
L’Angoisse qui fait les fous.
L’Angoisse qui fait les suicidés.
L’Angoisse qui fait les damnés.
L’Angoisse que la médecine ne connaît pas.
L’Angoisse que votre docteur n’entend pas.
L’Angoisse qui lèse la vie.
L’Angoisse qui pince la corde ombilicale de la vie. Par votre loi inique vous mettez entre les mains de gens en qui je n’ai aucune espèce de confiance, cons en médecine, pharmaciens en fumier, juges en mal-façon, docteurs, sages-femmes, inspecteurs-doctoraux, le droit de disposer de mon angoisse, d’une angoisse en moi aussi fine que les aiguilles de toutes les boussoles de l’enfer.
Tremblements du corps ou de l’âme, il n’existe pas de sismographe humain qui permette à qui me regarde d’arriver à une évaluation de ma douleur plus précise, que celle, foudroyante,de mon esprit !
Toute la science hasardeuse des hommes n’est pas supérieure à la connaissance immédiate que je puis avoir de mon être. Je suis seul juge de ce qui est en moi.
Rentrez dans vos greniers, médicales punaises, et toi aussi, Monsieur le Législateur Moutonnier, ce n’est pas par amour des hommes que tu délires, c’est par tradition d’imbécillité. Ton ignorance de ce qu’est un homme n’a d’égale que ta sottise à le limiter. Je te souhaite que ta loi retombe sur ton père, ta mère, ta femme, tes enfants, et toute ta postérité. Et maintenant avale ta loi.
19:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
16/09/2006
Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable
La pensée du jour : « Puis j’ai mis ma dernière tournée en me demandant si les morts se sentaient aussi seuls que les vivants », Hubert-Félix THIEFAINE.
Aujourd’hui, je vous propose encore du Romain Gary ! C’est plus fort que moi, j’adore cet écrivain ! Toutes les phrases qui vont suivre sont extraites du roman Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable.
« Depuis que l’homme rêve, il y a déjà eu tant d’appels au secours, tant de bouteilles jetées à la mer, qu’il est étonnant de voir encore la mer, on ne devrait plus voir que les bouteilles ».
« Jamais je n’avais aimé avec un don aussi total de moi-même. Je ne me souvenais même plus de mes autres amours, peut-être parce que le bonheur est toujours un crime passionnel : il supprime tous les précédents ».
« Jamais tu ne m’as demandé comme tant d’autres femmes : ‘A quoi penses-tu ?’ ce qui m’a toujours fait l’effet d’un passage de bulldozer ».
« Elle m’ouvrit la porte, vêtue de transparence, tenant encore dans ses bras un de ces bouquets de fleurs qui partent toujours à la recherche d’un cœur et ne trouvent qu’un vase ».
« Je ne sais si le jour déclinait ou s’il s’agissait d’une ombre plus profonde… »
« Il paraît qu’il ne faut pas avoir peur du bonheur. C’est seulement un bon moment à passer ».
« La conversation est une des formes les plus méconnues du silence ».
« un silence qui se prolonge un peu trop et que l’on interrompt avant qu’il ne devienne éloquent ».
21:43 | Lien permanent | Commentaires (0)
15/09/2006
Y'a d'la joie!!
La pensée du jour :
"A quoi te sert, Socrate, d'apprendre à jouer de la lyre puisque tu vas mourir?
-A jouer de la lyre avant de mourir".
Cité par Caroline THIVEL, dans son très beau livre Départs.
Hier, au Livre sur la Place, l’une des plus belles manifestations nancéiennes, je me suis acheté un livre épouvantable ! Je m’en délecte déjà !! Il s’agit de L’art de guillotiner les procréateurs, manifeste anti-nataliste. Dans ce livre assez saugrenu, Théophile de Giraud se demande si nous avons le droit de mettre des enfants au monde et, si oui, sous quelles conditions. En gros, ce n'est plus "alertez les bébés" du bon père Higelin, c'est carrément "arrêtez les bébés"!!! Des tas de citations se promènent dans ce bouquin et c’est sans grande surprise que l’on y retrouve Schopenhauer ou encore Antonin Artaud, nos deux optimistes de service !! Voici quelques phrases glanées çà et là :
« Je souffre affreusement de la vie.
Je sens l’appétit du ne pas être ». Antonin ARTAUD, Le suicide est-il une solution ?
« Le seul bonheur est de ne pas naître.
La fin du monde, voilà le salut ; préparer cette fin, voilà l’œuvre du sage ». Arthur SCHOPENHAUER, Entretien avec Challemel-Lacour.
« Notre état est si malheureux qu’un absolu non-être serait bien préférable ». Arthur SCHOPENHAUER, Le Monde comme Volonté et comme Représentation.
« Les Jours nous harcèlent et nous désarçonnent ;
Et cependant nous vivons,
Abominant notre vie, et nous épouvantant de mourir ». Lord BYRON, Manfred.
« Je n’étais pas né : je ne cherchais pas à naître, et n’aime guère la situation dans laquelle cette naissance m’a jeté. (…) Je voudrais n’avoir jamais vécu !
Donner naissance à ceux qui ne peuvent que souffrir durant de nombreuses années, puis mourir, il me semble que c’est simplement propager la mort, et multiplier le meurtre ». Lord BYRON, Caïn.
« J’ai reçu la vie comme une blessure, et j’ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. C’est le châtiment que je lui inflige ». LAUTREAMONT, Les Chants de Maldoror.
« La vie m’est un fardeau, je désire la mort et j’abhorre l’existence.
Oh ! que ne suis-je jamais né ! » Johann Wolfgang von GOETHE, Faust.
Tout cela est bien gai, n’est-ce pas ?!! Vous croyez que la Maison Borniol fait toujours « 15 % de réduction sur suicide collectif » ?!!!!!
Délicate Suricate, que diras-tu de cette avalanche de tristesse ?!!!! Bienvenue sur le blog des candidats au suicide !!!!!
20:05 | Lien permanent | Commentaires (6)
14/09/2006
"J'ai appris hier..."
D'abord, avant d'aborder la vie d'Antonin Artaud, ces quelques mots de Charles JULIET :
"si dérisoire
ce qui m'est donné
au regard
de ce qu'escomptait
ma soif".
1896 : Naissance d’Antoine Marie Joseph Artaud, dit Antonin, le 4 septembre à Marseille. Durant son enfance, il est au contact des langues entendues dans sa famille : grec, turc, italien.
« Me croirez-vous, Henri Thomas, si je vous dis que je ne viens pas de ce monde-ci, que je ne suis pas comme les autres hommes nés d’un père et d’une mère, que je me souviens de la suite infinie de mes vies avant ma soi-disant naissance à Marseille le 4 septembre 1896, 4 rue du Jardin-des-Plantes, et que l’ailleurs d’où je viens n’est pas le ciel mais quelque chose comme l’enfer de la terre à perpétuité. » (Lettre à Henri Thomas, 15 mars 1946).
1905 : Mort accidentelle à sept mois de sa petite sœur Germaine à laquelle il était très attaché. Ses parents auront en tout huit enfants dont trois seulement survécurent.
1910 : Elève au collège du Sacré-Cœur de Marseille, dirigé par des maristes. Il fonde avec des camarades une petite revue où il publie, sous le pseudonyme de Louis des Attides, ses premiers poèmes inspirés de Baudelaire et Edgar Poe.
1914 : Crise dépressive lors de sa dernière année de collège. Il ne se présente pas à la deuxième partie du baccalauréat, détruit ses écrits. Il est ajourné au conseil de révision. Il songe à devenir prêtre.
1915-1919 : Effectue plusieurs séjours dans des maisons de santé (dépressions, troubles « nerveux »). Prend pour la première fois de l’opium en 1919 pour lutter, écrira-t-il, contre « des états de douleurs errantes et d’angoisses ».
1920 : Il s’installe à Paris, confié par sa famille au docteur Toulouse. Il devient figurant de théâtre. Il est rapidement engagé dans la compagnie de Charles Dullin où il joue plusieurs petits rôles. Rencontre avec la comédienne Génica Athanasiou, à laquelle le lie une passion orageuse jusqu’en 1927.
1923 : Parution de son premier recueil de poèmes, Tric-trac du ciel.
1924 : Il envoie ses poèmes à Jacques Rivière ; parution de la Correspondance avec Jacques Rivière dans la NRF. Il rencontre André Breton et commence à collaborer à La Révolution surréaliste.
1925 : Publie dans de très nombreuses revues. Publication du Pèse-nerfs et de L’ombilic des limbes. Début du tournage du Napoléon d’Abel Gance (rôle de Marat).
1926 : Parution de « Fragments d’un Journal d’Enfer » dans la revue Commerce. Publication du manifeste du « Théâtre Alfred Jarry » qu’il fonde avec Roger Vitrac et Robert Aron. En novembre, il est exclu du groupe surréaliste en même temps que Philippe Soupault.
1927-1930 : De 1927 à 1929 ont lieu quatre spectacles du Théâtre Alfred Jarry. Les difficultés financières et le manque de soutien le contraignent pourtant à interrompre l’expérience de ce qui fut selon Robert Aron « le seul théâtre surréaliste qui ait tenté de s’établir à Paris ». Parallèlement, il tourne dans plusieurs films.
1932 : Son état de santé ne cesse d’empirer : il traverse des crises aiguës de souffrance et d’angoisse qui le conduisent à prendre des doses de plus en plus importantes de laudanum. A plusieurs reprises, il tente des cures de désintoxication, essaie des séances d’acupuncture, s’adresse en désespoir de cause à des voyantes et thaumaturges divers.
1933-1934 : Rencontre Anaïs Nin pour laquelle il éprouve une brève et fulgurante passion. Publication de Héliogabale ou l’Anarchiste couronné.
1935 : Il prépare le recueil de ses textes sur le théâtre, Le Théâtre et son double, qui paraîtra finalement en 1938.
1936 : Séjour au Mexique. Il passe le mois de septembre avec les Indiens de la sierra Tarahumara ; il dira y avoir été initié au rite du peyotl.
1937 : Projet de mariage puis rupture avec Cécile Schramme. Il entreprend successivement deux cures de désintoxication. Depuis son retour du Mexique, il apparaît de plus en plus exalté et parle de révélations qu’on lui aurait faites sur sa vie. Il décide que son nom doit disparaître. Parution des Nouvelles Révélations de l’Etre, signées Le Révélé.
Du 14 août au 29 septembre, il effectue un voyage en Irlande à la rencontre des anciennes cultures druidiques. Il est emprisonné à Dublin sans doute pour vagabondage et trouble à l’ordre public. Rapatrié de force sur un navire, il est remis à la police du Havre et interné d’office à Sotteville-lès-Rouen.
1938 : Il est transféré à Sainte-Anne où il est vu, entre autres, par Jacques Lacan qui l’aurait déclaré définitivement perdu pour la littérature.
1939-1943 : Séjour à l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, près de Paris. Considéré comme incurable, il ne reçoit aucun traitement. Il écrit de très nombreuses lettres aux médecins, à sa famille, à ses amis, à diverses personnalités du monde politique. Il se dit persécuté par les « Initiés » et réclame sans cesse qu’on vienne le délivrer. En novembre 1942, sa mère obtient, grâce à l’aide de Robert Desnos, le transfert de son fils en zone « libre », dans le service du docteur Ferdière à Rodez, où les restrictions (alimentaires, en particulier) sont moins sévères.
1943-mai 1946 : Séjour à l’hôpital psychiatrique de Rodez où ses conditions de vie s’améliorent. Il revient peu à peu à l’écriture littéraire. Il subit plusieurs séries d’électrochocs, thérapie qu’on supposait à l’époque d’une grande efficacité mais dont la violence le terrorise.
Dans le cadre de l’art-thérapie prôné par le docteur Ferdière, il adapte en français des textes de Lewis Carroll et d’Edgar Poe. Il écrit beaucoup et, à partir du début de l’année 1945, il commence à réaliser de grands dessins en couleurs. Il écrit et dessine tous les jours dans de petits cahiers d’écolier qui deviendront les Cahiers de Rodez, puis les Cahiers du retour à Paris - activité qui durera jusqu’à sa mort.
1946 : Libéré de l’asile, il arrive à Paris le 26 mai. Les amis qui ont organisé son retour l’installent à Ivry, en pensionnaire libre, dans la maison de santé du docteur Delmas.
1947 : Le 13 janvier, devant une salle comble, Artaud lit ses derniers poèmes, raconte sa vie d’interné, accuse la société de l’avoir envoûté.
En février, une exposition Van Gogh s’ouvre au musée de l’Orangerie à Paris. Artaud écrit en un mois l’un de ses plus beaux textes : Van Gogh le suicidé de la société.
Le 24 février, il écrivait à Jean Paulhan : « Ma vie de tous les instants est une lutte incessante contre la mort ». Il absorbe d’énormes quantités de laudanum pour soulager ses douleurs.
1948 : Une consultation à la Salpêtrière révèle un cancer inopérable du rectum. Interdiction le 11 février de l’émission radiophonique qu’il avait enregistrée : Pour en finir avec le jugement de Dieu.
Le 4 mars, il est trouvé mort, assis au pied de son lit, par le personnel de la maison de santé, probablement d’une surdose accidentelle d’hydrate de chloral, une drogue dont il connaissait encore mal les effets. Le 8 mars, il est enterré civilement au cimetière communal d’Ivry.
Ses restes sont transférés par sa famille en avril 1975 au cimetière Saint-Pierre de Marseille.
Tiens, dans cette biographie parue dans le Magazine littéraire de septembre 2004, il est question de Van Gogh, de Baudelaire, d’Edgar Allan Poe, de laudanum, de Dublin ! Inévitablement, on pense au « Jeu de la folie », non?!
Pour finir, quelques mots d’Antonin Artaud :
« Je suis un abîme complet ».
« L’absurde me marchait sur les pieds ».
« Là où d’autres proposent des œuvres je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit. La vie est de brûler des questions. Je ne conçois pas d’œuvre comme détachée de la vie. Je ne conçois pas non plus l’esprit comme détaché de lui-même. Chacune de mes œuvres, chacun des plans de moi-même, chacune des floraisons glacières de mon âme intérieure bave sur moi. Je me retrouve autant dans une lettre écrite pour expliquer le rétrécissement de mon être et le châtrage insensé de ma vie, que dans un essai extérieur à moi-même, et qui m’apparaît comme une grossesse indifférente de mon esprit ».
« Ma vie mentale est toute traversée de doutes mesquins et de certitudes péremptoires qui s’expriment en mots lucides et cohérents. Et mes faiblesses sont d’une contexture plus tremblante, elles sont elles-mêmes larvaires et mal formulées. Elles ont des racines vivantes, des racines d’angoisse qui touchent au cœur de la vie ».
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13/09/2006
Louis Calaferte
Voilà encore un auteur que j'aime beaucoup. Il me semble que c'est lui qui se définissait comme un "mortimiste". Ce soir, voici encore quelques mots de lui (et tant pis si je m'éloigne du sujet, mais, comme Romain Gary, je revendique haut et fort mon droit au "hors de propos"!!) :
"Simple, mais vrai contentement, que d'entrer au moment du coucher, dans la chambre agréablement aménagée et décorée. L'odeur de lessive des draps propres. Tiédeur de la pièce chauffée par le soleil de la journée, où flottent comme en traces légères les saveurs de la campagne.
Ce sont des sensations de cette nature, des minutes aussi fugaces, mais profondément ressenties, qui sont le bonheur; qu'il faut s'appliquer à savourer.
Ce sont ces instants, ces détails infimes que, plus tard, l'on regrette, qui vous bouleversent aux larmes lorsqu'ils sont à jamais disparus".
"On ne connaît rien de ceux qui nous entourent, de ceux qui nous sont chers. On les regarde sans les voir, on les entend sans les comprendre, on les aime sans les pénétrer : ils disparaissent, étrangers à nous comme à eux nous le sommes; et, après nous, ce désert se prolonge".
"On songe, par ces magnifiques journées de beau temps, à tous les malheurs qui nous pourraient accabler".
"Le grand bouquet, sur la commode de l'entrée, est fané. Nous mourons de vivre".
"Je suis criblé d'orages".
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12/09/2006
Emile Ajar, alias Romain Gary
La pensée du jour : "L'os de la réalité m'étrangle" (Louis CALAFERTE, Satori).
Toutes les phrases qui suivent sont tirées de Gros-Câlin, roman signé Emile Ajar :
« Je me suis d’ailleurs toujours demandé pourquoi le printemps se manifeste seulement dans la nature et jamais chez nous. Ce serait merveilleux si on pouvait donner naissance vers avril-mai à quelque chose de proprement dit ».
« En général, l’homme et la femme qui sont prédestinés ne se rencontrent pas, c’est ce qu’on appelle destin, justement ».
« Mon grand problème, monsieur l’angoisse, c’est le commissaire ».
« On voit donc que je sais parfaitement à chaque instant où j’en suis et c’est d’ailleurs là tout mon problème ».
« J’avais tellement besoin d’une étreinte amicale que j’ai failli me pendre ».
« J’ai commencé à m’intéresser aux nombres, pour me sentir moins seul. A quatorze ans, je passais des nuits blanches à compter jusqu’à des millions, dans l’espoir de rencontrer quelqu’un, dans le tas ».
« Et ma température est, aussi étrange que cela puisse paraître, 36°6, alors que je sens quelque chose comme 5° au-dessous de zéro. Je pense que ce manque de chaleur pourra être remédié un jour par la découverte de nouvelles sources d’énergie indépendantes des Arabes, et que la science ayant réponse à tout, il suffira de se brancher sur une prise de courant pour se sentir aimé ».
« J’étonnerai en disant que la Cordillère des Andes doit être très belle. Mais je le dis hors de propos pour montrer que je suis libre. Je tiens à ma liberté par-dessus tout ».
« D’ailleurs, je n’attendais nullement qu’il mette son bras autour de mes épaules, en me jetant un de ces ‘ça va ?’ qui permettent aux gens de se désintéresser de vous en deux mots et de vaquer à eux-mêmes ».
« Je sais également qu’il existe des amours réciproques, mais je ne prétends pas au luxe. Quelqu’un à aimer, c’est de première nécessité.
« Je ne sais quelle forme prendra la fin de l’impossible, mais je vous assure que dans notre état actuel avec ordre des choses, ça manque de caresses ».
« Il m’arrive souvent de me sentir de trop, comme tous ceux qui se sentent pas assez ».
« On disait jadis que les murs ont des oreilles qui vous écoutent, mais ce n’est pas vrai, les murs s’en foutent complètement, ils sont là, c’est tout ».
« Je ne sais si on mesure suffisamment toute l’importance qu’un événement peut prendre, lorsqu’il risque de ne pas se produire ».
« Je croisais mes bras sur ma poitrine avec une telle force que j’en éprouvai une véritable présence affective. Les bras sont d’une importance capitale pour la chaleur du réconfort ».
« Je note rapidement et en passant que j’aspire de tout mon souffle respiratoire à une langue étrangère. Une langue tout autre et sans précédent, avec possibilités ».
« Je me suis calmé peu à peu, et je fis un petit somme pour me récupérer. Je me récupérai du reste sans peine, indemne, avec toutes mes mutilations intactes et en bon état de marche ».
« Moins on existe et plus on est de trop. La caractéristique du plus petit, c’est son côté excédentaire. Dès que je me rapproche du néant, je deviens en excédent. Dès qu’on se sent de moins en moins, il y a à quoi bon et pourquoi foutre ».
« Je désire au contraire une montre qui aurait besoin de moi et qui cesserait de battre, si je l’oubliais ».
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10/09/2006
Un peu de Baudelaire
"Il fait beau à hurler. A ne pas croire au mal". Marie FOUGERE, Les lettres de Mauve.
Oui, en ce jour de grand soleil, le texte suivant tombe à point nommé:
L’étranger
-Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
-Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
-Tes amis ?
-Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
-Ta patrie ?
-J’ignore sous quelle latitude elle est située.
-La beauté ?
-Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle .
-L’or ?
-Je le hais comme vous haïssez Dieu.
-Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
-J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !
Charles BAUDELAIRE
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