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02/09/2006

"La tentation du bonheur"

La pensée du jour : "Il faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple" (Jacques Prévert).

 

Voici les paroles de la chanson "Le bonheur", de Léo Ferré, dont des extraits ouvrent le livret de l'album "La tentation du bonheur" :

 

"Madame?

Où courez-vous dans le silence

Du tohu-bohu de la rue

Madame?

Tu vas retrouver ton amant

Pendant que ton mari travaille

Madame?

Le bonheur ça vaut pas trois mailles

Madame?

Aussitôt là faut qu'il s'en aille

Alors...

 

Profite de l'après-midi

 

Madame?

Où courez-vous dans le vacarme

Et le silence du devoir

Madame?

Tu vas retrouver ton mari

Pendant que l'autre fait la pause

Madame?

Le bonheur ça n'est pas grand-chose

Madame?

C'est du chagrin qui se repose

Alors

 

Il ne faut pas le réveiller

Le bonheur...

Qu'est-c'que c'est?"

 

 

Le bonheur, pour moi, aurait été de pouvoir aller voir HFT au Zénith le 17 novembre... Bernique! En finissant à 17h30, je ne peux décemment pas arriver à Paris pour le concert. Bien énervant!! Je vais tâcher de me consoler avec les Nuits de Champagne!!

01/09/2006

"Critique du chapitre 3"

Allez, en cette pré-rentrée, la pensée du jour (pour se donner du courage !) : « Enseigner, c’est apprendre deux fois » (Joseph JOUBERT). J’attends avec impatience mon emploi du temps. Comment vais-je travailler le vendredi ? En d’autres termes : pourrai-je aller au Zénith le 17 novembre ?!!!!!!!

 

« Critique du chapitre 3 (du livre de l’Ecclésiaste) ». Oui, effectivement, Thiéfaine a raison : « pour un temps d’amour tant de haine en retour ». Il n’en reste pas moins vrai que le texte de l’Ecclésiaste est d’une grande beauté… Le voici :

« Toutes choses ont leur temps, et tout passe sous le ciel après le terme qui lui a été prescrit.

Il y a temps de naître et temps de mourir, temps de planter et temps d’arracher ce qui a été planté.
Il y a temps de tuer et temps de guérir, temps d’abattre et temps de bâtir.

Il y a temps de pleurer et temps de rire, temps de s’affliger et temps de sauter de joie.

Il y a temps de jeter les pierres et temps de les ramasser, temps d’embrasser et temps de s’éloigner des embrassements.

Il y a temps d’acquérir et temps de perdre, temps de conserver et temps de rejeter.
Il y a temps de déchirer et temps de rejoindre, temps de se taire et temps de parler.
Il y a temps pour l’amour et temps pour la haine, temps pour la guerre et temps pour la paix ». (Ecclésiaste, III).

 

 

Et en allemand alors, c’est éblouissant !!! Cela donne :

 

„Alles hat seine Zeit

 

 

Ein jegliches hat seine Zeit, und alles Vorhaben unter dem Himmel hat seine Stunde :

 

geboren werden hat seine Zeit, sterben hat seine Zeit; pflanzen hat seine Zeit, ausreißen, was gepflanzt ist, hat seine Zeit;

 

töten hat seine Zeit, heilen hat seine Zeit; abbrechen hat seine Zeit, bauen hat seine Zeit;

 

weinen hat seine Zeit, lachen hat seine Zeit; klagen hat seine Zeit, tanzen hat seine Zeit;

 

Steine wegwerfen hat seine Zeit, Steine sammeln hat seine Zeit; herzen hat seine Zeit, aufhören zu herzen hat seine Zeit;

 

suchen hat seine Zeit, verlieren hat seine Zeit; behalten hat seine Zeit, wegwerfen hat seine Zeit;

 

zerreißen hat seine Zeit, zunähen hat seine Zeit; schweigen hat seine Zeit, reden hat seine Zeit;

 

lieben hat seine Zeit, hassen hat seine Zeit; Streit hat seine Zeit, Friede hat seine Zeit“.

 

31/08/2006

"Scandale mélancolique"

La pensée du jour : « Le bonheur : se réjouir de la lumière du ciel et du vert de la forêt ». Jean-Claude PIROTTE, Mont Afrique.

 

Le titre du dernier album de Thiéfaine est, je trouve, d’une puissance incroyable. « Scandale mélancolique » ! Cela ouvre des tas de portes. « Scandale » : on croit connaître toutes les définitions de ce mot, et voilà qu’un coup d’œil jeté au Petit Larousse 2006 nous en présente pas moins de cinq, que voici :

  1. Effet fâcheux, indignations produits dans l’opinion publique par un fait, un acte estimé contraire à la morale, aux usages. Agir sans craindre le scandale.
  2. Affaire malhonnête qui émeut l’opinion publique. Un scandale financier.
  3. Querelle bruyante, tapage. Faire du scandale.
  4. Fait qui heurte la conscience, le bon sens, la morale, suscite l’émotion, la révolte. Le scandale de la faim dans le monde.
  5. RELIG. Parole ou acte répréhensibles qui sont pour autrui une occasion de péché ou de dommage spirituel.

Le mot vient du grec « skandalon », qui signifie « piège, obstacle ».

Quant à « mélancolie », le mot vient du grec « melas », -« anos », noir, et « khôle », bile.

La mélancolie, chez Thiéfaine, rien de bien nouveau sous le soleil. J’ai déjà dit quelque part que la mélancolie est tellement familière à l’ami Hubert qu’il lui a même donné un petit nom, « mélanco ».  Sans « le Soleil noir de la mélancolie », pour reprendre les mots de Gérard de NERVAL, la création artistique serait-elle possible ? Et surtout serait-elle aussi forte ?

Mélancolie. Le mot et surtout l’état qu’il désigne m’ont tellement obnubilée depuis l’arrivée, dans ma chaumière, de ce « scandale mélancolique », ou de cette « scandaleuse mélancolie »,  que j’ai même acheté un bouquin complet sur la question, Mélancolies de l’Antiquité au XXème siècle, d’Yves HERSANT. On y trouve quantité de beaux textes, aux titres aussi effrayants qu’enchanteurs : « L’ange du crépuscule », « Un fond ténébreux », « Le cœur à rien », « Les désordres de l’esprit », « La dialectique du désespoir », etc.  Dans l’introduction, Yves HERSANT explique que chez les écrivains et artistes cités dans son anthologie, « la mélancolie se dépasse elle-même ; en s’écrivant, en se peignant, (…), elle se transcende ou se sublime ». Et de citer ces jolis mots de RILKE : « Un monde naquit de la plainte, un monde où tout fut recréé ».

Quelques lignes encore, toujours extraites de l’introduction : « Maladie du corps pour les uns, de l’âme pour les autres, de leur ‘jointure’ pour les plus lucides, la mélancolie est trop instable sémantiquement pour qu’on la considère comme un concept. Selon les locuteurs, elle nomme tour à tour un sentiment vague et rêveur, un malaise existentiel ou une folie des plus redoutables, dont l’issue est le suicide ».  Le « Scandale mélancolique » de Thiéfaine ne pouvait donc,  c’est logique,  que déboucher sur un Suicide Tour !!!

Pour moi, la mélancolie thiéfainienne, c’est :

« J’ai traîné mes vingt siècles d’inutilité », « la vie c’est pas du bubble-gum et rien qu’le fait de respirer ça m’fout des crampes dans le sternum », « c’est depuis le début du monde que l’homme s’est déchiré », ce sont tant d’autres choses encore, c’est aussi et surtout ce qui m’a toujours réconciliée avec mes propres vagues à l’âme…

30/08/2006

Pensée des morts

La pensée du jour (c’est décidé, j’en mettrai une chaque jour sur ce blog, cela pourra être aussi bien un extrait d’une chanson de Thiéfaine ou d’une chanson d’un autre chanteur, un extrait de livre, etc.). Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de citer Marie Desplechin : « J’aime bien la poésie en allemand, la puissance d’évocation est considérable » (magazine Lire, septembre 2006). Et c’est sur ces bonnes paroles que je balance aujourd’hui sur ce blog l’intégralité de :

 

 

PENSEE DES MORTS

 

Voilà les feuilles sans sève

Qui tombent sur le gazon,

Voilà le vent qui s’élève

Et gémit dans le vallon,

Voilà l’errante hirondelle

Qui rase du bout de l’aile

L’eau dormante des marais,

Voilà l’enfant des chaumières

Qui glane sur les bruyères

Le bois tombé des forêts.

 

 

L’onde n’a plus le murmure

Dont elle enchantait les bois ;

Sous des rameaux sans verdure

Les oiseaux n’ont plus de voix ;

Le soir est près de l’aurore,

L’astre à peine vient d’éclore

Qu’il va terminer son tour,

Il jette par intervalle

Une heure de clarté pâle

Qu’on appelle encore un jour.

 

 

L’aube n’a plus de zéphire

Sous ses nuages dorés,

La pourpre du soir expire

Sur les flots décolorés,

La mer solitaire et vide

N’est plus qu’un désert aride

Où l’œil cherche en vain l’esquif,

Et sur la grève plus sourde

La vague orageuse et lourde

N’a qu’un murmure plaintif.

 

 

La brebis sur les collines

Ne trouve plus le gazon,

Son agneau laisse aux épines

Les débris de sa toison,

La flûte aux accords champêtres

Ne réjouit plus les hêtres

Des airs de joie ou d’amour,

Toute herbe aux champs est glanée :

Ainsi finit une année,

Ainsi finissent nos jours !

 

 

C’est la saison où tout tombe

Aux coups redoublés des vents ;

Un vent qui vient de la tombe

Moissonne aussi les vivants :

Ils tombent alors par mille,

Comme la plume inutile

Que l’aigle abandonne aux airs,

Lorsque des plumes nouvelles

Viennent réchauffer ses ailes

A l’approche des hivers.

 

 

C’est alors que ma paupière

Vous vit pâlir et mourir,

Tendres fruits qu’à la lumière

Dieu n’a pas laissé mûrir !

Quoique jeune sur la terre,

Je suis déjà solitaire

Parmi ceux de ma saison,

Et quand je dis en moi-même :

Où sont ceux que ton cœur aime ?

Je regarde le gazon.

 

 

Leur tombe est sur la colline,

Mon pied la sait ; la voilà !

Mais leur essence divine,

Mais eux, Seigneur, sont-ils là ?

Jusqu’à l’indien rivage

Le ramier porte un message

Qu’il rapporte à nos climats ;

La voile passe et repasse,

Mais de son étroit espace

Leur âme ne revient pas.

 

 

Ah ! quand les vents de l’automne

Sifflent dans les rameaux morts,

Quand le brin d’herbe frissonne,

Quand le pin rend ses accords,

Quand la cloche des ténèbres

Balance ses glas funèbres,

La nuit, à travers les bois,

A chaque vent qui s’élève,

A chaque flot sur la grève,

Je dis : N’es-tu pas leur voix ?

 

 

Du moins si leur voix si pure

Est trop vague pour nos sens,

Leur âme en secret murmure

De plus intimes accents ;

Au fond des cœurs qui sommeillent,

Leurs souvenirs qui s’éveillent

Se pressent de tous côtés,

Comme d’arides feuillages

Que rapportent les orages

Au tronc qui les a portés !

 

 

 

C’est une mère ravie

A ses enfants dispersés,

Qui leur tend de l’autre vie

Ces bras qui les ont bercés ;

Des baisers sont sur sa bouche,

Sur ce sein qui fut leur couche

Son cœur les rappelle à soi ;

Des pleurs voilent son sourire,

Et son regard semble dire :

Vous aime-t-on comme moi ?

 

 

C’est une jeune fiancée

Qui, le front ceint du bandeau,

N’emporta qu’une pensée

De sa jeunesse au tombeau ;

Triste, hélas ! dans le ciel même,

Pour revoir celui qu’elle aime

Elle revient sur ses pas,

Et lui dit : Ma tombe est verte !

Sur cette terre déserte

Qu’attends-tu ? Je n’y suis pas !

 

 

C’est un ami de l’enfance,

Qu’aux jours sombres du malheur

Nous prêta la Providence

Pour appuyer notre cœur ;

Il n’est plus ; notre âme est veuve,

Il nous suit dans notre épreuve

Et nous dit avec pitié :

Ami, si ton âme est pleine,

De ta joie ou de ta peine

Qui portera la moitié ?

 

 

C’est l’ombre pâle d’un père

Qui mourut en nous nommant ;

C’est une sœur, c’est un frère,

Qui nous devance un moment ;

Sous notre heureuse demeure,

Avec celui qui les pleure,

Hélas ! ils dormaient hier !

Et notre cœur doute encore,

Que le ver déjà dévore

Cette chair de notre chair !

 

 

L’enfant dont la mort cruelle

Vient de vider le berceau,

Qui tomba de la mamelle

Au lit glacé du tombeau ;

Tous ceux enfin dont la vie

Un jour ou l’autre ravie,

Emporte une part de nous,

Murmurent sous la poussière :

Vous qui voyez la lumière,

Vous souvenez-vous de nous ?

 

 

Ah ! vous pleurer est bonheur suprême,

Mânes chéris de quiconque a des pleurs !

Vous oublier c’est s’oublier soi-même :

N’êtes-vous pas un débris de nos cœurs ?

 

 

En avançant dans notre obscur voyage,

Du doux passé l’horizon est plus beau,

En deux moitiés notre âme se partage,

Et la meilleure appartient au tombeau !

 

 

Dieu du pardon ! leur Dieu ! Dieu de leurs pères !

Toi que leur bouche a si souvent nommé !

Entends pour eux les larmes de leurs frères !

Prions pour eux, nous qu’ils ont tant aimé !

 

 

Ils t’ont prié pendant leur courte vie,

Ils ont souri quand tu les as frappés !

Ils ont crié : Que ta main soit bénie !

Dieu, tout espoir ! les aurais-tu trompés ?

 

 

Et cependant pourquoi ce long silence ?

Nous auraient-ils oubliés sans retour ?

N’aiment-ils plus ? Ah ! ce doute t’offense !

Et toi, mon Dieu, n’es-tu pas tout amour ?

 

 

Mais, s’ils parlaient à l’ami qui les pleure,

S’ils nous disaient comme ils sont heureux,

De tes desseins nous devancerions l’heure,

Avant ton jour nous volerions vers eux.

 

 

Où vivent-ils ? Quel astre à leur paupière

Répand un jour plus durable et plus doux ?

Vont-ils peupler ces îles de lumière ?

Ou planent-ils entre le ciel et nous ?

 

 

Sont-ils noyés dans l’éternelle flamme ?

Ont-ils perdu ces doux noms d’ici-bas,

Ces noms de sœur et d’amante et de femme ?

A ces appels ne répondront-ils pas ?

 

 

Non, non, mon Dieu, si la céleste gloire

Leur eût ravi tout souvenir humain,

Tu nous aurais enlevé leur mémoire,

Nos pleurs sur eux couleraient-ils en vain ?

 

 

Ah ! dans ton sein que leur âme se noie !

Mais garde-nous nos places dans leur cœur ;

Eux qui jadis ont goûté notre joie,

Pouvons-nous être heureux sans leur bonheur ?

 

 

Etends sur eux la main de ta clémence,

Ils ont péché ; mais le ciel est un don !

Ils ont souffert ; c’est une autre innocence !

Ils ont aimé ; c’est le sceau du pardon !

 

 

Ils furent ce que nous sommes,

Poussière, jouet du vent !

Fragiles comme des hommes,

Faibles comme le néant !

Si leurs pieds souvent glissèrent,

Si leurs lèvres transgressèrent

Quelque lettre de ta loi,

Ô Père ! ô Juge suprême !

Ah ! ne les vois pas eux-mêmes,

Ne regarde en eux que toi !

 

 

Si tu scrutes la poussière,

Elle s’enfuit à ta voix !

Si tu touches la lumière,

Elle ternira tes doigts !

Si ton œil divin les sonde,

Les colonnes de ce monde

Et des cieux chancelleront :

Si tu dis à l’innocence :

Monte et plaide en ma présence !

Tes vertus se voileront.

 

 

Mais toi, Seigneur, tu possèdes

Ta propre immortalité !

Tout le bonheur que tu cèdes

Accroît ta félicité !

Tu dis au soleil d’éclore,

Et le jour ruisselle encore !

Tu dis au printemps d’enfanter,

Et l’éternité docile,

Jetant les siècles par mille,

Les répand sans les compter !

 

 

Les mondes que tu répares

Devant toi vont rajeunir,

Et jamais tu ne sépares

Le passé de l’avenir ;

Tu vis ! et tu vis ! les âges,

Inégaux pour tes ouvrages,

Sont tous égaux sous ta main ;

Et jamais ta voix ne nomme,

Hélas ! ces trois mots de l’homme :

Hier, aujourd’hui, demain !

 

 

Ô Père de la nature,

Source, abîme de tout bien,

Rien à toi ne se mesure,

Ah ! ne te mesure à rien !

Mets, ô divine clémence,

Mets ton poids dans la balance,

Si tu pèses le néant !

Triomphe, ô vertu suprême !

En te contemplant toi-même,

Triomphe en nous pardonnant !

 

 

Alphonse de Lamartine (1790-1869)

29/08/2006

Le 4 octobre 2002 à Mâcon

Le 4 octobre 2002, à Mâcon, lors d’un concert acoustique auquel je n’étais malheureusement pas, Thiéfaine évoqua Lamartine et Musset. Pour ce qui est du premier, il fit même plus que l’évoquer : il chanta « Pensée des morts », poème de Lamartine mis en musique par Brassens. Thiéfaine expliqua, pour présenter la chanson, qu’il avait visité le château de Lamartine lors d’un voyage scolaire. Je mets en lien un site qui présente des lieux liés à la vie du poète :

http://www.macon-tourism.com/fr/decouverte-itineraire-lamartine.html

D’ailleurs, petite parenthèse, au passage, pour dire que j’ai visité dernièrement l’incroyable maison de Pierre Loti à Rochefort. Gigantesque ! On tombe amoureux sur-le-champ de l’âme de cet immense bonhomme !!! Enfin, moi, en tout cas !!

Bref, revenons à nos moutons ! A Mâcon, donc, Thiéfaine chanta « Pensée des morts ». Puisque par chez nous le ciel s’obstine à rester chargé comme en un jour de Toussaint, je vous livre le texte chanté par Hubert : c'est, pour ainsi dire, de circonstance! Après avoir retrouvé l’original dans les Méditations poétiques du cher Alphonse, j’ai pu constater que le poème en question avait été, dans la version Hubert (et sans doute Brassens, il faudra que je me renseigne), tronqué, ou que certaines strophes avaient été déplacées, etc. Voici d’abord le texte que Thiéfaine chanta à Mâcon. Suivra, quand j’en aurai le courage, la version originale (plusieurs pages) ! Attention : âmes sensibles, s’abstenir, le père Lamartine n’ayant pas écrit grand-chose de bien gai, que je sache !!!

 

 

PENSEE DES MORTS

 

Voilà les feuilles sans sève

Qui tombent sur le gazon,

Voilà le vent qui se lève (version originale : s’élève)

Et gémit dans le vallon,

Voilà l’errante hirondelle

Qui rase du bout de l’aile

L’eau dormante des marais,

Voilà l’enfant des chaumières

Qui glane sur les bruyères

Le bois tombé des forêts.

 

C’est la saison où tout tombe

Aux coups redoublés des vents ;

Un vent qui vient de la tombe

Moissonne aussi les vivants :

Quoique jeune sur la terre,

Je suis déjà solitaire

Parmi ceux de ma saison,

Et quand je dis en moi-même :

Où sont ceux que ton cœur aime ?

Je regarde le gazon.

 

C’est alors que ma paupière

Vous vit pâlir et mourir,

Tendres fruits qu’à la lumière

Dieu n’a pas laissé mûrir !

Quoique jeune sur la terre,

Je suis déjà solitaire

Parmi ceux de ma saison,

Et quand je dis en moi-même :

Où sont ceux que ton cœur aime ?

Je regarde le gazon.

 

C’est un ami de l’enfance,

Qu’aux jours sombres du malheur

Nous prêta la Providence

Pour appuyer notre cœur ;

Il n’est plus ; notre âme est veuve,

Il nous suit dans cette épreuve (version originale : notre épreuve)

Et nous dit avec pitié :

Ami, si ton âme est pleine,

De tes joies ou de tes peines (version originale : De ta joie ou de ta peine)

Qui portera la moitié ?

 

C’est une jeune fiancée

Qui, le front ceint du bandeau,

N’emporta qu’une pensée

De sa jeunesse au tombeau ;

Triste, hélas ! dans le ciel même,

Pour revoir celui qu’elle aime

Elle revient sur ses pas,

Et lui dit : Ma tombe est verte !

Sur cette terre déserte

Qu’attends-tu ? Je n’y suis pas !

 

C’est une mère ravie

A ses enfants dispersés,

Qui leur tend de l’autre vie

Ces bras qui les ont bercés ;

Des baisers sont sur sa bouche,

Sur ce sein qui fut leur couche

Son cœur les rappelle à soi ;

Des pleurs troublent son sourire, (version originale : voilent son sourire)

Et son regard semble dire :

Vous aime-t-on comme moi ?

 

C’est l’ombre pâle d’un père

Qui mourut en nous nommant ;

C’est une sœur, c’est un frère,

Qui nous devance un moment ;

Tous ceux enfin dont la vie

Un jour ou l’autre ravie,

Emporte une part de nous,

Murmurent sous la poussière :

Vous qui voyez la lumière,

De nous vous souvenez-vous ? (version originale : Vous souvenez-vous de nous ?)

 

Voilà les feuilles sans sève

Qui tombent sur le gazon,

Voilà le vent qui se lève (version originale : s’élève)

Et gémit dans le vallon,

Voilà l’errante hirondelle

Qui rase du bout de l’aile

L’eau dormante des marais,

Voilà l’enfant des chaumières

Qui glane sur les bruyères

Le bois tombé des forêts.

27/08/2006

542 lunes et 7 jours environ

De retour de vacances et plongée sans transition dans la grisaille… Ciel baudelairien au-dessus de ma tête ! Je prendrais bien un petit Thiéfaine, histoire de me remettre d’aplomb. Aujourd’hui, ce sera « 542 lunes et 7 jours environ », qui reste une de mes chansons préférées !

 

 

"la terre est un Macdo recouvert de Ketchup

où l’homo cannibale fait des gloupses et des beurps

où les clowns en treillis font gémir la musique

entre les staccatos des armes automatiques

j’y suis né d’une vidange de carter séminal

dans le garage intime d’une fleur sentimentale

quand j’ai ouvert les yeux la lumière vagabonde

filait à 300 000 kilomètres à la seconde

j’ai failli me tirer mais j’ai fait bof areuh

j’suis qu’un intérimaire dans la continuité de l’espèce

et coucou beuh !

542 lunes et 7 jours environ

que je traîne ma carlingue dans ce siècle marron

542 lunes et 7 jours environ

et tu vois mon amour j’suis toujours aussi con

 

une fille dans chaque port et un porc qui sommeille

dans chaque salaud qui rêve d’une crampette au soleil

et les meufs ça couinait juteuses et parfumées

dans le bleu carnaval des printemps cutanés

j’en ai connu des chaudes à la bouche animale

à g’noux dans les toilettes ou dans la sciure des stalles

hélas pour mon malheur j’en ai connu des pires

qui voulaient que j’leur cause en mourant d’un soupir

et puis je t’ai connue mais j’vais pas trop charrier

attendu que j’suis lâche et que ton flingue est chargé

oh ma

sweet yéyéyé sweet lady

542 lunes et 7 jours environ

que je traîne ma carlingue dans ce siècle marron

542 lunes et 7 jours environ

et tu vois mon amour j’suis toujours aussi con

 

la geisha funéraire s’tape des rassis crémeux

chaque fois que j’raye un jour d’une croix sur mon pieu

pourtant j’contrôle mes viandes, je surveille mes systoles

et me tiens à l’écart des odeurs de formol

mais un jour faut partir et finir aux enchères

entre les gants stériles d’une sœur hospitalière

et je me vois déjà guignol au p ‘tit matin

traînant mon vieux flight-case dans le cimetière des chiens

oh meine kleine Mutter

mehr Licht !*

542 lunes et 7 jours environ

que je traîne ma carlingue dans ce siècle marron

542 lunes et 7 jours environ

et tu vois mon amour j’suis toujours aussi con"

 

*J’ai déjà parlé de ce « mehr Licht ». Ce sont les derniers mots qu’aurait dits Goethe. Cela me fait penser que je mettrais bien un poème ou deux de l’ami Goethe sur ce blog. Par exemple, je pourrais traduire le passage du Satyros cité dans « Diogène série 87 ». Je vais voir.

18/08/2006

L'étranger dans la glace

descendre dans la soufflerie

où se terre le mystère inquiet

des ondes et de l'asymétrie

des paramètres au coeur violet

je vois des voiles d'aluminium

au fond de mon regard distrait

des odeurs de mercurochrome

sur le registre de mes plaies

 

le vent glacé sur mon sourire

laisse une traînée de buée

quand je regarde l'avenir

au fond de mes yeux nécrosés

le vide a des lueurs d'espoir

qui laisse une ombre inachevée

sur les pages moisies de l'histoire

où je traîne ma frise argentée

 

mais mon regard s'efface

je suis l'étranger dans la glace

mais ma mémoire s'efface

 

la brume adoucit les contours

des ratures sur mes triolets

la valse des nuits et des jours

se perd dans un murmure discret

les matins bleus de ma jeunesse

s'irisent en flou multicolore

sur les molécules en détresse

dans le gris des laboratoires

 

mais mon regard s'efface

je suis l'étranger dans la glace

mais ma mémoire s'efface

 

Paroles : Hubert-Félix THIEFAINE

 

Quelle chanson magnifique! Comme dirait ma moitié, c'est un peu "Animal en cinquantaine", cette fois-ci!

 

A propos du temps qui passe, voici un très beau texte de Jean-Roger Caussimon : "J'entends passer le Temps" (la chanson a été interprétée par Léo Ferré).

 

J'entends, j'entends

Passer le Temps

Le Temps muet, aveugle et sourd

Un roulement sur un tambour

Une fontaine sur la place

Les aboiements d'un chien perdu...

Le Temps passe...

Et ne revient plus!

 

J'entends, j'entends

Passer le Temps

Comme il va vite et comme il court!

Déjà le soleil tourne court

Et ma fenêtre sur l'impasse

S'assombrit du soir revenu...

Le Temps passe...

Et ne revient plus!

 

J'entends, j'entends

Passer le Temps

Dans la prison, dans le couvent

Partout sur la rose des vents

J'entends qu'au loin c'est marée basse

Et bientôt j'entendrai le flux...

Le Temps passe...

Et ne revient plus!

 

J'entends, j'entends

Passer le Temps

Mon pas léger, mon coeur battant

C'était hier, adieu printemps!

Et vole en éclats cette glace

Où je crois voir un inconnu!

Le Temps passe...

Et ne revient plus!

 

J'entends, j'entends

Passer le Temps

Le Temps muet, aveugle et sourd

Un roulement sur un tambour

Une fontaine sur la place

Les aboiements d'un chien perdu...

Le Temps passe...

Et ne revient plus!

 

Et ne revient plus!

Diogène le Cynique

Philosophe grec (Sinope 413-323 avant J.C.). Il méprisait les richesses et les conventions sociales et logeait habituellement dans un tonneau. Alexandre le Grand, à Corinthe, lui ayant demandé s'il désirait quelque chose : "Oui, répondit Diogène, que tu t'ôtes de mon soleil". Il professait un si grand dédain pour l'humanité qu'on le rencontra un jour, dans les rues d'Athènes, en plein midi, une lanterne à la main, déclarant : "Je cherche un homme".

Source : Dictionnaire de la philosophie, Librairie Larousse, 1984.

 

Certains exigent donc que l'on s'ôte de leur soleil, et d'autres vous disent : "Casse-toi de mon ombre tu fous du soleil sur mes pompes"!!!!