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05/10/2006

Le Doc, JPADPS, HFT (je devrais les voir dans cet ordre-là!) : jour J moins deux!

Bon, cette note, c'est juste pour en énerver certains (ou peut-être certaines?!!)! Ah, Suricate, moi aussi j'aurais aimé que tu m'accompagnes! Cela m'aurait rappelé notre escapade à Berlin, le temps béni des vacances, etc. Mais tout cela n'est que partie remise! En attendant, écoute-moi donc en boucle le CD d'Hubert que je t'ai prêté! Et celui de Miossec aussi, tu as le droit!! J'espère revenir les yeux cernés lundi et vous raconter au plus vite, à Sév et à toi, le concert et tous les "à-côtés"!! Quelque chose me dit que ce concert va être d'enfer. Déjà, le cadre devrait me plaire : un théâtre! Je vous tiens au courant! Eventuellement, si je suis en forme dimanche, je mettrai une note ici.

Et la petite pensée du jour : "Je crois que j'ai toujours eu peur, et que cette peur est la condition de la joie", Jean-Claude PIROTTE.

04/10/2006

Hubert : jour J moins 3!!!!

Ben oui, quoi, je ne vois pas pourquoi seule JPADPS aurait droit à un titre aussi clinquant ! Et, de toute façon, je ne fais pas de la publicité mensongère : voilà, je l’avoue, ma passion a repris le dessus et je vais donc à Béthune samedi ! Hubert, quelles folies ne commet-on pas en ton nom ?! Faut-il être barge, tout de même !

 

Tiens, alors en pensée du jour, je vais vous balancer une petite phrase de Brel. Je cite de tête, j’espère rester fidèle aux propos du grand Jacques :

« Il faut se tromper, il faut être fou, il faut être imprudent, autrement on est infirme ».

03/10/2006

Renaud a retrouvé son flingue ... et pas que ça!

La pensée du jour, qui m'est revenue lorsque j'écoutais les chansons un peu nostalgiques de l'album "Rouge sang" :

"J'ai été un enfant, je ne le suis plus et je n'en reviens pas", Albert COHEN.

 

Il y a quelques jours encore, je me jurais presque de ne pas écouter le dernier album de Renaud, je faisais ma mauvaise tête, j’avais l’impression d’avoir perdu définitivement celui qui fut l’idole de ma jeunesse, juste après Jeanne Mas (ben oui !) et bien avant Gainsbourg, qui fut lui-même détrôné ensuite par l’ami Hubert !
Mais, vivre sous le même toit que ma moitié et penser qu’on échappera au dernier Renaud, c’est faire encore preuve d’une sacrée naïveté (à mon âge, voyons !) !  Comme ça, par hasard, il me dit que si je veux, je peux aller écouter l’album dans la cuisine. Une habile façon de me reléguer à mes fourneaux ?!! Non, je crois vraiment que cette fois, il n’y avait pas de mauvaise intention ! Le premier CD (car il y en a deux) était déjà dans l’appareil qui trône dans la cuisine. Voilà. Sceptique, je commence à l'écouter. Bon, « Les bobos », tout le monde connaît et en pense ce qu’il en veut. Moi, cette chanson me fait sourire. Je suis abonnée à Télérama (mais plus pour longtemps : j’ai constaté avec effroi que jamais Thiéfaine n’avait été évoqué, au cours des derniers mois, dans les pages du célèbre hebdomadaire : même quand il s’agissait du printemps de Bourges, rien, pas une ligne ! Jamais Thiéfaine ne fut annoncé comme participant à tel ou tel festival. Il y a des limites, quand même !), je lis Cioran, il m’arrive d’écouter Bashung, etc. En fait, chacun peut se retrouver dans cette chanson et c’est ça l’arnaque. Enfin, la subtilité ! Donc, ok, « Les bobos ». Je ne déteste pas. Et je me demande ce que ma fille comprend quand elle répète « les bobos », du haut de ses 18 mois ! A mon avis, pas la même chose que nous !!!!

Première chanson vraiment inconnue et à laquelle j’accorde une attention particulière : « Arrêter la clope ». Plutôt sympa. Quand on a connu l’enfer de cette saleté de dépendance et les tiraillements entre « j’voudrais bien arrêter » et « j’peux tout simplement pas arrêter », on se reconnaît aisément dans les propos du vieux renard !

Ensuite, il y a la très attendue « Elle est facho ». J’adhère d’emblée à la critique cinglante de Renaud. « J’ai retrouvé mon flingue », un bijou !

Peu après, je me prends une claque avec « Nos vieux ». Mince, c’est pas vrai, cette chanson me fait chialer ! Un monument !

Deuxième CD (bien sûr, d’autres chansons valent le détour, mais j’évoque celles qui m’ont vraiment remuée) ! « Adieu l’enfance ». Superbe. C’est empreint de nostalgie, ça se boit comme du petit-lait. Je pense à ma fille qui, un jour, merde, aura 26 ans aussi !

« Elsa »… Alors là, je suis bouleversée. « Rien à te mettre » : ça, c’est très drôle ! La gent masculine ayant côtoyé au quotidien la gent féminine sourira car il y a là du vécu !! Seulement, quand on doit filer en catastrophe au boulot après avoir hésité pendant des plombes entre telle tenue et telle autre, enfilant au bout du compte n'importe quel truc, se trouvant de toute façon l'allure d'une vache en tablier, se sentant moche irrémédiablement, la scène ne peut pas se terminer comme dans la chanson ! Et puis il y a aussi « Malone », chanson très touchante que Renaud a écrite pour son fils.

Vraiment, me voilà réconciliée avec ce renard diablement rusé ! Sur le plan musical, d’accord, on constatera quelques redites, mais l’ensemble est, à mes yeux en tout cas, une jolie réussite !

 

02/10/2006

Vie de Nietzsche : suite et fin

 

La pensée du jour : « Et je traînais derrière eux comme je l’ai fait toute ma vie derrière les gens qui m’intéressent, parce que les seules gens qui existent pour moi sont les déments, ceux qui ont la démence de vivre, la démence de discourir, la démence d’être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller ni sortir un lieu commun mais qui brûlent, qui brûlent, pareils aux fabuleux feux jaunes des chandelles romaines explosant comme des poêles à frire à travers les étoiles », Jack KEROUAC, Sur la route. 

 

 

C’est à Turin que Nietzsche fit la dernière étape de sa vie consciente. Il y écrivit Le Cas Wagner (1888), pamphlet violent, suivi du Crépuscule des idoles. « Il faut méditerranéiser la musique », tel est le thème positif de ces oeuvres. Puis L’Antéchrist, écrit en un mois à Sils-Maria, est une longue imprécation contre Jésus et ses disciples, dont Luther, et un éloge enthousiaste des grands hommes, tels César, Néron, César Borgia, Napoléon et Goethe. Le livre eut du retentissement à cause de sa violence. De retour à Turin à l’automne de la même année, il éprouve un sentiment perpétuel de joie qu’il traduit dans son dernier manuscrit : Ecce Homo. Il s’y montre, ainsi que dans les lettres qu’il adresse à ses amis, comme la synthèse de Dionysos et du Crucifié. La crise de démence, qui éclata à Turin en janvier 1889, détermina Franz Overbeck à aller chercher Nietzsche et à le ramener à Bâle. A propos de cette crise, Françoise GIROUD écrivait, dans Lou, histoire d’une femme libre (il s’agit d’un livre sur Lou Andreas-Salomé), les mots suivants :

« Nietzsche marchait dans la rue, à Turin, lorsqu’il s’est jeté au cou d’un vieux cheval de fiacre. Attroupement. Son logeur le voit et se précipite. On transporte Nietzsche, qui sanglote, à l’hôpital, où son vieil ami Overbeck va le chercher pour l’emmener dans une clinique psychiatrique, à Iéna, où il restera plusieurs années. Il passe ses derniers mois chez sa mère, dans un mutisme total, et meurt à Weimar, le 25 août 1900. Il avait 55 ans ».

Précision apportée par le Dictionnaire des auteurs : « Il fut reconnu d’après des examens médicaux que la paralysie générale dont Nietzsche fut atteint après sa crise de démence et sa période d’euphorie était due à une syphilis ancienne qui avait évolué d’une manière classique. Nietzsche mourut sans avoir repris sa lucidité ».

Pour évoquer l’état dans lequel sombra Nietzsche, les Allemands diraient « geistige Umnachtung ». « Umnachten » signifie « entourer de ténèbres ». Une expression forte, donc, et qui me touche particulièrement…

01/10/2006

Vie de Nietzsche : deuxième partie

La pensée du jour : "Si je devais faire mon propre bilan, alors je devrais dire que je suis le résultat de mes heures perdues", CIORAN.

 

La lecture d’Empédocle, celle des philosophes hindous connus à travers Oldenberg, celle plus récente de Karl Vogt (La Force), l’avaient mené à considérer l’Univers comme animé d’un mouvement cyclique. Un après-midi, se promenant à travers bois du côté de Silva-Plane, Nietzsche s’arrêta au pied du rocher de Surlei, qui surplombe les eaux du lac de Sils. C’est là, « à six mille cinq cents pieds au-dessus de la mer et beaucoup plus au-dessus des choses humaines », qu’il eut l’intuition que, la durée du monde n’ayant pas de terme et les éléments dont il se compose étant en nombre fini, les combinaisons qui le constituent à chaque instant sont également limitées. Un instant comme celui où Nietzsche convalescent contemple le lac au pied du rocher est donc fatalement appelé à revenir. C’est ainsi que le monde du devenir se rapproche du monde de l’être au point de coïncider presque avec lui. Cette ancienne croyance est renouvelée par Nietzsche qui la fait passer du domaine mythique au domaine mystique : l’important pour lui est moins la répétition de l’événement que la joie dionysiaque avec laquelle cette répétition est accueillie, et l’éternité du retour des choses n’a de signification que par l’instant qui marque pour nous ce retour, instant qui, lui, porte le caractère de l’éternel. L’homme, en même temps, devient un héros lorsqu’il accepte ou plutôt lorsqu’il veut cet éternel retour en apparence absurde et désespérant, et qu’il dit à la Nature : « Encore une fois ! » Nietzsche, une fois son exaltation retombée, fut tenté à trois reprises par le suicide. Puis il passa un hiver relativement heureux, malgré l’insuccès total d’Aurore. Il publia un nouveau recueil : Le Gai savoir. Au printemps, il partit pour la Sicile, puis pour Rome. Là, il rencontra Lou Salomé, dont il tomba amoureux. Mais, après une période de réflexion, Lou Salomé finit par rompre. Nietzsche retourna passer l’hiver à Rapallo. C’est là que prit corps la conception du Surhumain et que Nietzsche écrivit la première partie de Ainsi parlait Zarathoustra, son grand livre poétique dans lequel il exalte les valeurs vitales aux dépens des valeurs de connaissance. Wagner venait de mourir à Venise après avoir connu un succès triomphal. Un retour en Engadine permit à Nietzsche d’écrire sur le lieu même de « la vision » la deuxième partie de Zarathoustra, qui contient aussi des réminiscences d’un séjour à Rome en juin 1883, sous une forme lyrique. L’hiver suivant se passa à Nice, qui enchanta le voyageur et le retint plus que ses autres résidences.

Le sous-titre du livre était : Un livre pour tous et personne. Il se présentait en effet comme un substitut de l’Evangile, destiné à être répandu aussi largement que celui-ci, et en même temps comme une annonce, difficile à comprendre, des temps nouveaux. La culture moderne a besoin d’être fondée sur une croyance à des valeurs qui ne soient pas celles d’une décadence comme celles qui inspirent le christianisme, le pessimisme, le rationalisme, le moralisme et le socialisme. Zarathoustra est l’homme fort qui brise les anciennes tables de valeurs et les remplace par d’autres : ce n’est pas un pur destructeur, c’est un messie. En 1886, Nietzsche publia à ses frais un essai improvisé sur le sujet qui lui tenait à cœur : Par-delà le bien et le mal, avec pour sous-titre : Prélude à une philosophie de l’avenir.

Malgré ses déplacements, Nietzsche menait une vie monotone. Pendant cinq étés de suite il logea à Sils-Maria dans une chambre solitaire qui donnait sur une pinède et qu’il payait un franc par jour. Il y travaillait chaque matin en déclamant ses phrases et en martelant la cloison à coups de poing pour souligner leur rythme. Il se rendait ensuite à l’auberge voisine où il déjeunait en compagnie de dames qui revenaient chaque année et lui rendaient le service de remplir son assiette, car il y voyait à peine. A Nice où il passait l’hiver, Nietzsche lisait Stendhal, Maupassant, Baudelaire. La découverte de l’œuvre de Dostoïevski –c’était avec les Mémoires écrits dans un souterrain, où l’homme humilié devient à son tour un humiliateur- fut très importante dans sa vie. L’analyse du ressentiment faite par Dostoïevski aura une répercussion sur les derniers livres de Nietzsche.

 

 

Source : Toujours le fameux Dictionnaire des auteurs!

 

29/09/2006

Lilith version Primo Levi : suite et fin

La pensée du jour : "Mon Dieu, jamais je ne vous pardonnerai de ne pas exister", Christian BECK (le père de Béatrix BECK).

 

Toujours à propos de Lilith et toujours des extraits du recueil de Primo Levi :

 

« Et puis il y a aussi l’histoire de la semence. Lilith est friande de semence d’homme et se tient constamment à l’affût là où la semence peut se perdre : dans les draps en particulier. Toute la semence qui échappe à la seule destination admise, la matrice conjugale, elle s’en empare : toute celle que chaque homme a gaspillée dans sa vie, en rêve, par vice ou dans l’adultère. Tu imagines la quantité qu’elle reçoit : si bien qu’elle est toujours enceinte et ne cesse d’accoucher. Comme c’est une diablesse, elle accouche de diables, mais ils ne font pas grands dégâts, même si, probablement, ce n’est pas l’envie qui leur en manque. Ce sont de petits esprits malins, sans corps : ils font tourner le lait et le vin, courent la nuit dans les greniers et font des nœuds dans les cheveux des filles.
Mais ce sont quand même des fils d’homme : les fils de chaque homme, mais des fils illégitimes. Quand leur père meurt, ils viennent à l’enterrement en même temps que les fils légitimes, qui sont leurs demi-frères. Ils voltigent comme des papillons de nuit autour des cierges funéraires, piaillent et réclament leur part d’héritage. Tu ris, bien entendu, parce que tu es épicurien et que c’est à ton tour de rire. Mais un jour peut-être, tu sortiras d’ici, tu vivras, et tu auras l’occasion de voir, à certains enterrements, le rabbin et sa suite tourner sept fois autour du mort : eh bien, ça veut dire qu’il dresse une barrière autour du mort, pour que ses fils sans corps ne viennent pas le tourmenter.

Mais il me reste à te raconter l’histoire la plus bizarre de toutes, et il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle soit bizarre, parce qu’elle est racontée dans les livres de la Kabbale, et que les Kabbalistes étaient des gens qui n’avaient peur de rien. Tu sais que Dieu a créé Adam et qu’ensuite, s’étant aperçu qu’il n’était pas bon pour l’homme de rester seul, il a mis une compagne à ses côtés. Eh bien, les Kabbalistes disaient que pour Dieu non plus il n’était pas bon d’être seul, et que dès le début il s’était choisi pour compagne la Shekinà, c’est-à-dire sa propre présence dans le Monde ; si bien que la Shekinà est devenue la femme de Dieu, et donc la mère de tous les peuples. Lorsque le Temple de Jérusalem a été détruit par les Romains et que nous avons été dispersés et réduits en esclavage, la Shekinà s’est mise en colère, s’est détachée de Dieu et nous a suivis dans notre exil. Je te dirai qu’à moi aussi il m’arrive de penser la même chose : que la Shekinà s’est faite esclave elle aussi, qu’elle est là auprès de nous, dans cet exil dans l’exil, dans cette maison de boue et de douleur.

Et Dieu est resté seul ; comme il arrive à plus d’un, il  n’a pas su résister à la solitude et à la tentation, et il a pris une maîtresse : et tu sais qui ? Elle, Lilith, la diablesse, et ça a provoqué un scandale inouï. Bref, il semblerait que les choses se soient passées comme dans une dispute, quand une offense appelle une autre offense encore plus grave, tant et si bien que la dispute n’en finit pas et grossit comme une avalanche. Parce qu’il faut que tu saches que cette indécente liaison n’est pas finie et ne finira pas de sitôt : d’un côté elle est la cause du mal qui existe sur terre ; de l’autre, elle en est l’effet. Tant que Dieu continuera de pécher avec Lilith, il y aura du sang et de la douleur sur la terre ; mais un jour viendra où un puissant, celui que nous attendons tous, fera mourir Lilith et mettra fin à la luxure de Dieu et à notre exil ».

 

Personnellement, j’aime beaucoup cette dernière version !

 

28/09/2006

Belle ambiance chez la "Happydeutschlehrerin"!!

Ce soir ou un de ces jours, retournez donc chez "Happydeutschlehrerin"! Son blog a un goût de revenez-y, qu'elle y parle de ses aventures (ou mésaventures) professionnelles ou de ce cher Hubert! La veinarde va aller le voir à Béthune dans neuf jours et, moi qui ne sais toujours pas quand il me sera donné de revoir Thiéfaine en concert, je l'envie beaucoup!

Voici le lien :

http://happydeutschlehrerin.hautetfort.com/archive/2006/0...

Lilith

La pensée du jour : "Jai fini par acquérir durablement le sentiment de l'éphémère", Jean ROSTAND.

 

Saviez-vous que Primo Levi avait écrit un recueil de nouvelles intitulé Lilith ? J’ai dégoté ça dans une librairie tout à l’heure et me suis précipitée sur la nouvelle portant ce nom. En voici un extrait :

« C’est Lilith, me dit Tischler tout à coup.
-Tu la connais ? elle s’appelle comme ça ?

-Je ne la connais pas, je la reconnais. C’est elle Lilith, la première femme d’Adam. Tu ne la connais pas, l’histoire de Lilith ?

Je ne la connaissais pas, et Tischler rit avec indulgence : c’est bien connu, les juifs occidentaux, tous des épicuriens, des apicorsim, des mécréants. Et il continua :

-Si tu avais bien lu la Bible, tu te souviendrais que l’histoire de la création de la femme est racontée deux fois, de deux façons différentes : ah ! mais bien sûr, à vous autres, on vous apprend un peu d’hébreu à treize ans, et puis c’est terminé…

La situation commençait à prendre une tournure que j’aimais bien : celle du jeu, de la controverse entre le croyant et le sceptique, ignorant par définition, et à qui l’adversaire fait « grincer des dents » en lui démontrant son erreur. Je me prêtai au jeu, et répondis avec l’insolence de mise :

-Oui, il y a deux histoires, mais la deuxième n’est que le commentaire de la première.
-Faux.  Ça, c’est l’interprétation de ceux qui en restent aux apparences. Mais si tu lis comme il faut, et si tu réfléchis à ce que tu lis, tu t’apercevras que dans le premier récit il est écrit seulement : « Dieu les créa homme et femme » ; ça veut dire qu’il les a créés égaux l’un à l’autre, avec la même poussière. Tandis qu’à la page suivante, on lit que Dieu commence par former Adam, puis, pensant qu’il n’est pas bon pour l’homme de rester seul, prend une côte à Adam et de cette côte crée une femme ; ou plutôt une Männin, une hommesse, une femelle d’homme. Tu vois bien que là, il n’y a plus d’égalité qui tienne. Eh bien, il y en a qui croient qu’il s’agit non seulement de deux histoires, mais de deux femmes différentes, et que la première n’est pas Eve, la côte d’homme, mais Lilith. Seulement, l’histoire d’Eve est écrite et tout le monde la connaît, tandis que l’histoire de Lilith, on se contente de la raconter, si bien que peu de gens la connaissent. L’histoire, ou plutôt les histoires, car il y en a plusieurs… Je vais t’en raconter quelques-unes (…). La première histoire, c’est que le Seigneur non seulement les fit semblables, mais pétrit dans l’argile une forme unique, un Golem plus exactement, une forme sans forme. C’était une créature à deux dos, l’homme et la femme déjà unis ; puis il les sépara en deux, mais ils étaient impatients de s’unir à nouveau, et voilà Adam qui demande aussitôt à Lilith de se coucher par terre. Mais Lilith ne voulut rien savoir : pourquoi devrais-je me mettre dessous ? ne sommes-nous pas égaux, deux moitiés de la même pâte ? Adam chercha à user de la contrainte, mais comme ils étaient aussi de même force, il n’y parvint pas et finit par demander secours à Dieu : c’était un homme lui aussi, il lui donnerait raison. Et en effet Dieu lui donna raison, mais Lilith se rebella : ou les mêmes droits, ou rien ; et comme les deux hommes insistaient, elle blasphéma le nom du Seigneur, fut changée en diablesse et partit dans les airs comme une flèche pour aller s’établir au fond de la mer. Il y en a même qui prétendent en savoir plus, et qui racontent que Lilith habite très exactement au fond de la mer Rouge, mais que toutes les nuits elle prend son vol et tournoie de par le vaste monde, grattant à la vitre des maisons où il y a des nouveau-nés et cherchant à les étouffer. Il faut être très vigilant : si elle entre, on l’attrape avec une soucoupe renversée, et elle ne peut plus faire de mal.

Il arrive aussi qu’elle entre dans le corps d’un homme, et l’homme devient alors possédé ; dans ce cas, le meilleur remède est de l’amener devant un notaire ou un tribunal rabbinique et de faire dresser un acte en bonne et due forme par lequel l’homme déclare qu’il entend répudier la diablesse ».

 

Voilà pour la première version. D’autres suivront !