04/09/2009
Entre deux tentations...
La pensée du jour : "Prière du matin. Seigneur, place sur mon chemin un grand amour qui illumine et saccage ma vie !" Michel TOURNIER, Petites proses (un de mes livres de chevet).
Petite parenthèse avant de parler des autres chansons de l'album « La tentation du bonheur ». Envie d'évoquer quelques points importants :
Grâce à « La tentation du bonheur », j'ai appris ce qu'était un « deus ex machina » (cf. « La nostalgie de Dieu ») : Cette expression est invariable, de genre masculin et, comme sa forme l'indique, composée de mots latins. Littéralement, un deus ex machina, c'est un dieu descendu au moyen d'une machine. Définition du Petit Larousse : personne ou événement venant opportunément dénouer une situation dramatique sans issue, notamment au théâtre.
Quant au curé d'Ars (évoqué dans « 24 heures dans la nuit d'un faune »), il s'appelait Jean-Marie Vianney. Il est né à Dardilly, près de Lyon, en 1786, il est mort à Ars-sur-Formans en 1859. Il fut le curé d'Ars durant 41 ans et attira les foules par sa sainteté. On connaît son visage, souvent représenté :
Bételgeuse (« Critique du chapitre 3 ») est une étoile de la Constellation d'Orion.
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29/08/2009
Méthode de dissection : La tentation du bonheur
La pensée du jour : "Le désespoir est une forme supérieure de la critique. Pour le moment, nous l'appellerons bonheur". Léo FERRE.
Année de parution : 1996
Titres :
24 heures dans la nuit d'un faune
Critique du chapitre 3
La nostalgie de Dieu
Orphée nonante huit
Tita dong-dong song
Sentiments numériques revisités
Mojo – dépanneur tv (1948-2023)
Copyright apéro mundi
Psychopompes / métempsychose du sportswear
Des adieux ... / ...
La philosophie du chaos
Une pochette sobre pour cet album. Devant, on voit Thiéfaine, tout de blanc vêtu. L'attitude est rêveuse, les traits de l'artiste plutôt reposés. Derrière, le voilà vêtu de noir, debout, appuyé contre un mur. A l'intérieur du livret, on découvre de jolis clichés : Thiéfaine avec sa guitare, souvenir de l'enregistrement des cordes à Abbey Road, Hugo et Lucas, quelques feuilles noircies de l'écriture de Thiéfaine, etc.
Le livret s'ouvre sur ces mots puissants de Ferré : « Le bonheur ça n'est pas grand-chose... c'est du chagrin qui se repose ». Histoire de bien rappeler que le bonheur, s'il daigne parfois visiter nos vies, n'est qu'un pont fragile entre deux abîmes... D'emblée, on sait que l'optimisme n'est toujours pas, malgré le titre, du monde de Thiéfaine...
De toute façon, la première chanson (« 24 heures dans la nuit d'un faune », et l'on songe à « L'après-midi d'un faune », poème de Mallarmé qui fut mis en musique par Debussy), la première chanson, donc, malgré la musique plutôt enjouée, n'est pas fondamentalement gaie ! Thiéfaine se demande, dans un premier temps, si les morts s'amusent autant que les vivants, puis, à la fin, la question dérive vers une interrogation plus grave : les morts s'ennuient-ils autant que les vivants ? Les morts se sentent-ils aussi seuls que les vivants ?
Vient ensuite la critique du chapitre 3. Vous connaissez tous ce texte du livre de l'Ecclésiaste dans lequel il est dit, en substance, qu'il y a un temps pour tout (j'ai déjà mis ce texte ici, il y a longtemps). Notamment, comme le rappelle l'exergue, « un temps pour aimer et un temps pour haïr, un temps de guerre et un temps de paix ». Au court temps d'amour, Thiéfaine oppose celui, bien plus long, de la haine... « Pour un temps d'amour, tant de haine en retour ». Une grande chanson, une sorte de prolongement de « Crépuscule-transfert ». Ainsi l'allusion aux ruines de Bosnie, ainsi ces mots : « Qu'est-ce que la planète terre
dans l'oeil d'un rat maudit ? », mots qui en rappellent étrangement d'autres : « A quoi peut ressembler ton spleen, ton désespoir et ton chagrin
Vus d'une des étoiles anonymes
de la constellation du chien ».
Une chanson lourde de colère, de tristesse, une de mes préférées sur cet album.
Ensuite, « La nostalgie de Dieu » nous répète inlassablement que Dieu est amour. Mais ici, l'amour n'est pas un sentiment noble, non, c'est d'amour physique qu'il est question : « God is sex machine » (on appréciera le glissement de « deus ex machina » vers « deus sex machine » !!). « God gode ! » Thiéfaine joue sur les mots et se laisse entraîner dans une jubilatoire série de blasphèmes en tous genres : « Dieu est un drôle de mec », « Jésus change le beurre en vaseline » !!!
« Orphée nonante huit » (et ce titre, le nom d'un personnage de la mythologie grecque associé à un nombre, n'est pas sans rappeler, à mon avis, Amphitryon 38, de Giraudoux) est la quatrième chanson de l'album. Je me souviens de Thiéfaine présentant ce morceau en concert : « Ce con d'Orphée n'a pas pu s'empêcher de se retourner », dira-t-il (ou un truc dans le genre !) Belle mélodie, belles paroles. Une chanson qui se boit comme du petit-lait, tranquille.
Puis, c'est « Tita dong-dong song », dont le refrain est constitué en grande partie d'amusantes onomatopées empruntées à Lucas. Après les paroles de la chanson, dans le livret, on trouve un « Tita dong-dong song glossaire » ! Une chanson dont la musique est terriblement empreinte de mélancolie...
« Moi j'écoute ton sommeil
et j'étudie tes rêves
et je n'suis plus pareil
quand le soleil se lève »... Conclusion puissante de ce grand cri d'amour !
La suite pour bientôt...
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29/07/2009
"Fragments d'hébétude" : suite
La pensée du jour : "Mais l'homme a besoin aussi de confort spirituel. La beauté est la charpente de son âme. Sans elle, demain, il se suicidera dans les palais de sa vie automatique". Jean GIONO.
Je reprends les choses là où je les ai laissées. Mille excuses, je devais revenir le 23 juillet, et j'ai six jours de retard !! Il faut dire que j'ai passé quelques soirées de cette semaine à écrire sur les thèmes récurrents dans l'oeuvre de Thiéfaine. Comme ça, un truc pour moi, que je ne mettrai pas sur le blog. Et qui, sans doute, restera en plan, comme pas mal de choses que j'entreprends et qui n'aboutissent pas, faute de temps, et de je ne sais quoi d'autre... Ce n'est pas la motivation qui manque non plus, mais parfois, l'inspiration (vaste mot !) se tire. D'où l'intérêt de faire des réunions où on cause HFT. Cela oblige à aller jusqu'au bout de ses projets d'écriture... Bref...
Revenons-en à « Fragments d'hébétude », un album qui m'est cher. La tournée « Fragments », ce fut pour moi l'occasion d'aller voir Thiéfaine pour la première fois. Avec ma mère, dont les certitudes furent quelque peu ébranlées ce soir-là. Comment ? Sa fille, d'ordinaire si sérieuse, d'apparence en tout cas, écoutait ça ? Ces textes par moments licencieux ? Ces chansons qui parlaient de joints et compagnie ?! « Mais maman, moi, je ne fume pas. Mon joint, c'est Thiéfaine, combien de fois faudra-t-il que je te le dise ?! ». Je pense quand même que, voyant la foule haute en couleur (et en odeurs !) qui s'était déplacée ce soir-là, ma mère avait eu les chocottes. Mais bon, elle était contente malgré tout : Thiéfaine avait chanté « Animal en quarantaine », « Je t'en remets au vent » et quelques autres titres qu'elle affectionnait tout particulièrement. Quant à moi, j'étais sortie tout simplement éblouie, ébahie, de la salle de concert. Mais c'est une autre histoire.
« Fragments d'hébétude », donc. Les acrobaties verbales que j'aime le plus sur cet album sont :
« A quoi peut ressembler ton spleen
ton désespoir et ton chagrin
vus d'une des étoiles anonymes
de la constellation du chien ? »
« Peu à peu je vois s'estomper
les rêves de mon esprit tordu
je commence même à oublier
les choses que je n'ai jamais sues
peut-être eussé-je dû frapper plus
et me lever tôt le matin
peut-être encore eût-il fallusse
baby que je buvasse un peu moins ».
« T'as momifié ton coeur / tatoué ton numéro
bancaire sur les parois internes de ton crâne ».
« Oh ! Le vent se lève
au large des galaxies
et je dérêve
dérive à l'infini ».
Très beau, le verbe « dérêver » qui vient se coller juste derrière « dériver ». Belle trouvaille !
« La terre tremble
et tu t'essuies la bouche ».
« Tu titubes au milieu des flammes
de l'enfer d'où renaît la phénix
soldant les débris de ton âme
sous une Mustang Ford 66 ».
« Comme un arbre mort
au milieu du désert
juste une valse noire
dans le silence des pierres ».
Je note à propos de cette chanson que j'ai l'impression qu'il s'agit d'une évocation d'un passé pas tout à fait digéré. Allusion à l'univers de la drogue aussi, non ?
« Souvenir éphémère
beauté blême et transfert
dans tes jardins d'Eden
solitude transparente
de ces longs jours d'attente
à te fixer les veines ».
« Terrien, t'es rien »... Et c'est sur ces mots magiques que nous allons nous quitter ce soir, comme dirait Hubert !!
23:36 | Lien permanent | Commentaires (22)
22/07/2009
Décortiquer des fragments, pas une mince affaire !!!
La pensée du jour : "Le grand vide des choses de l'absence". Claudie GALLAY. Pas besoin de verbe, pas besoin d'en dire davantage...
Voilà un album que, pendant de bien trop longues années, je n'ai pas su apprécier à sa juste valeur... C'est d'ailleurs celui que j'ai le moins écouté. Pour préparer cette note, je lui ai de nouveau accordé une attention particulière. Celle qu'il mérite tout simplement. Et j'ai découvert des trésors, dans les textes, les mélodies. On se plaint de ce que l'actualité thiéfainienne soit assez pauvre en ce moment, on se trompe : il n'est que de réécouter certains albums pour y dénicher des richesses qui, jusque là, nous avaient échappé ! Bref, il y a donc toujours une actualité du côté de chez Thiéfaine !
« Fragments d'hébétude » date de 1993. Le titre interpelle déjà pas mal, non ? Ces « fragments d'hébétude », ce sont les quatorze morceaux qui constituent l'album. Quatorze réactions étonnées, voire hébétées, face à différents événements : la guerre, le temps qui passe, l'indifférence de ceux qui, quand la terre tremble, ne trouvent rien de mieux à faire que de s'essuyer la bouche...
Le tout s'ouvre sur « Crépuscule-Transfert ». Ah, je me souviens, je me souviens : fin octobre 1995, Sarreguemines. Je vois Hubert pour la première fois et j'en suis, comment dire, toute chose. Ce concert, je l'ai attendu, espéré, rêvé. Nous y sommes donc, ma maman et moi. Et Thiéfaine, pour annoncer « Crépuscule-Transfert », dit quelque chose du genre : « A la fin du siècle dernier, mon grand-père maternel, que je n'ai malheureusement pas connu, a été précepteur à la Cour de Bosnie-Herzégovine et, à l'école, quand j'en parlais à mes petits camarades, ils me disaient : « La Bosnie-Herzégovine, ça existe même pas ! Mon pauvre Thiéfaine, tu sais plus quoi inventer pour te rendre intéressant. Maintenant, je crois que les petits enfants, dans les cours de récré, savent que la Bosnie-Herzégovine, ça existe. Voici une chanson qui aurait pu s'intituler Sarajevo-Transfert ». Sublime cri d'horreur, d'incompréhension, d'hébétude, devant l'ampleur de la connerie et de l'horreur humaines... « L'horreur est humaine, clinique et banale
enfant de la haine, enfant de la peur
L'horreur est humaine, médico-légale
enfant de la haine, que ta joie demeure ! »
La musique est bien balancée, elle vous explose à la face dès que le CD est mis dans l'appareil. J'adore cette entrée en matière. On fonce direct dans le vif du sujet, on ne cherche pas de préambule. Cet album s'annonce d'entrée de jeu comme un coup de poing !
Ensuite, il y a cette chanson si ... particulière, si phénoménale, si thiéfainienne : « Les mouches bleues ». Pendant longtemps, j'ai détesté cette chanson, je ne sais pas trop pourquoi. Et puis, cela fait plusieurs mois déjà que j'ai changé d'avis ! Si, jusqu'à il y a quelque temps, je n'aimais que deux ou trois prouesses textuelles des « mouches bleues » (« il est trop tard pour s'abîmer dans des scories émotionnelles », « peu à peu je vois s'estomper les rêves de mon esprit tordu, je commence même à oublier les choses que je n'ai jamais sues », etc.), voilà que je me surprends à apprécier ce morceau sur toute la ligne...
Bon, je ne sais combien de lignes déjà, consacrées à seulement deux chansons de cet album. Alors la suite pour demain. Je peux déjà vous dire que les morceaux que je préfère sur « Fragments » sont « Crépuscule-Transfert », « Animal en quarantaine », « Encore un petit café », « Juste une valse noire », « Maalox Texas Blues ». Je note à ce propos que je n'ai jamais entendu « MTB » en concert, quel dommage !
23:00 | Lien permanent | Commentaires (5)
01/07/2009
Drôles d'objets
La pensée du jour : "Tout est hasard, ou rien n'est hasard. Si je croyais à la première possibilité, je ne pourrais pas vivre, mais je ne suis pas encore convaincue de la seconde". Etty HILLESUM, Une vie bouleversée.
Pour rire, Sam et moi sommes allés voir quels produits le site Amazon proposait quand on tapait "Thiéfaine". Eh bien, je vous invite à faire de même ! On peut commander son tapis de souris ou sa peluche "J'aime Thiéfaine". Ou bien une flasque "Thiéfaine" ! Amusant !
22:42 | Lien permanent | Commentaires (5)
25/06/2009
Le tee-shirt "HF Thiéfaine Scandale mélancolique Tour"
La pensée du jour : "Tout sera gardé dans une mémoire sans souvenir. Le grain de sel qui fond dans l'eau ne disparaît pas puisqu'il rend l'eau salée". Eugène IONESCO.
Quand je porte ce tee-shirt, je ne passe jamais inaperçue ! C'est d'ailleurs sans doute la raison pour laquelle je le mets peu, finalement. Toujours peur de me faire remarquer ! Mais bon, n'empêche qu'hier, je l'ai mis pour aller en ville. Il y a quelques années, je l'avais mis pour aller faire des courses et j'étais tombée sur un monsieur qui portait lui aussi un tee-shirt de la tournée « Scandale mélancolique ». Le même jour au même endroit. Il faut le faire quand même. Surtout que nous nous étions tous deux avoué que nous ne mettions pas très souvent le tee-shirt en question.
Bref... Hier, donc, je l'avais. Je vais dans une parfumerie, je m'achète une eau de toilette. A la caisse, je vois bien que la vendeuse me regarde avec insistance. Et de me demander : « Je suis en train de chercher... Zut, c'est comment déjà ? HF, c'est quel prénom ? ». Je la renseigne. Et elle me dit que mon tee-shirt est sympa et sobre. Ce à quoi je rétorque : « Oui, de toute façon, je ne voudrais pas me trimbaler avec la tête de Thiéfaine sur un tee-shirt ». Sa réaction : « Oui, c'est sûr, d'autant que ce n'est pas Brad Pitt » !!!! Evidemment, je ne pouvais pas laisser la discussion s'achever ainsi, je me suis donc exclamée : « D'accord, mais Brad Pitt n'écrit pas de belles chansons » ! Non mais !!
14:49 | Lien permanent | Commentaires (16)
16/06/2009
Méthode de dissection : "Chroniques bluesymentales", suite et fin.
La pensée du jour : "Si je devais faire mon propre bilan, alors je devrais dire que je suis le résultat de mes heures perdues". CIORAN.
La suite s'ouvre sur une chanson qui a la pêche ! Et qui commence par ces mots : « Je regarde passer les zumains de ma rue
un peu comme on reluque au zoo les zébus
triés, normalisés, fonctionnels, uniformes
avec leurs initiales gravées sur leurs condoms ».
Dès les premiers mots, le poète qui parle ici nous donne à voir sa différence. Contemplant ses contemporains, il a l'impression d'assister à une mauvaise pièce. Ce spectacle l'écoeure tellement qu'il aimerait pouvoir s'arracher les yeux. « Mais ce serait malveillance » vu qu'il a déjà vendu son cadavre à la science. Bref, il n'a pas la frite, faudra repasser demain... Dans la dernière strophe, on sent le coup de griffe envoyé à tout ce qui se fait sur le marché en matière de musique. « J'écoute la mode en boîte sur mon ghetto-blaster ». Le coup de griffe envoyé à tous les opportunistes qui retournent leur veste en fonction de la direction du vent...
Encore une allusion à la culture allemande : cette fois, Thiéfaine évoque Schopenhauer (1788-1860). Un philosophe allemand dont j'ai déjà parlé ici et que j'admire tout particulièrement.
On passe ensuite à un autre registre : « Portrait de femme en 1922 ». « Je t'ai rencontrée une nuit
au détour d'un chemin perdu
qui ne conduisait nulle part ».
J'aime bien cette histoire « tendue au-dessus du hasard » où l'art du portrait est totalement chamboulé ! Qu'apprenons-nous de cette femme ? Pas grand-chose ! Le mystère plane, elle se donne sans se donner, elle n'est qu'effluve et revient d'ailleurs ... pour repartir vers nulle part et personne. S'agirait-il là d'une femme qui, étant à tout le monde, n'appartient en fait à personne ?
Ensuite, c'est « Misty dog in love ». Coup d'oeil dans mon Robert et Collins, qui m'apprend que « misty » veut dire « embrumé, embué, brumeux, nébuleux, flou ». D'où, peut-être, l'expression « je te veux dans mon brouillard » ? J'adore cette chanson, ce cri d'amour finement érotique.
« Je te veux chaude et lascive
glamoureuse et sans contrôle ».
« Je te veux quand j'abandonne
ma racine à ta blessure ». Et l'on se souviendra de la chanson de Ferré, « Cette blessure » :
« Cette blessure où va ma lèvre à l'aube de l'amour
Où bat ta fièvre un peu comme un tambour ». (...)
« Cette blessure d'où je viens »...
Cri d'amour grandiose que ce « Misty dog in love », cri d'amour qui atteint son sommet dans les mots de la fin : « Je te veux dans la prière
des dieux suppliant l'Humain »... L'Humain avec un « H » majuscule ! Retournement de situation : ici, ce sont les dieux qui prient et supplient. L'homme, grâce à cet amour qui habite à la fois son sexe et son coeur, devient soudain supérieur aux dieux, leur fait un pied de nez, les soumet à sa loi !
L'album s'achève sur « Villes natales et frenchitude ». Une musique lancinante pour bien exprimer l'ennui ! J'en profite pour rappeler que je suis déjà allée visiter la ville natale de Thiéfaine, Dole, et que je lui ai consacré un album photo sur ce même blog (on peut toujours le regarder). Pour bien saisir le sens de « Villes natales et frenchitude », il faut aller à Dole un samedi soir ! « Faut pas rêver d'une tornade », même si la ville est bien agréable par ailleurs...
Ici, un « pékin dans les ruelles » (sans doute Thiéfaine lui-même) vient se souvenir. Il fait un petit périple dans la ville, allant de la crèche municipale au lycée, en passant par la statue du grand homme... Qui donc ? Pasteur, peut-être ?
On sent bien qu'entre Dole et Thiéfaine, il y a un drôle de lien. C'est un peu comme Rimbaud et Charleville-Mézières !! Une fois encore, le poète montre ici sa différence :
« Mais t'as jamais vu les visages
de tes compagnons d'écurie
t'étais déjà dans les nuages
à l'autre bout des galaxies ».
Voilà donc l'album d'un homme qui se sent constamment en exil auprès de ses contemporains. Et tout a commencé très tôt. Exil dans la cour de récré, exil au milieu des « zumains » de sa rue, exil encore dans son ghetto-blaster... Un très bel album que, je le répète, je chéris tout particulièrement. Et vous ?
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15/06/2009
Dans la série "Méthode de dissection " : "Chroniques bluesymentales".
La pensée du jour : "542 lunes et 7 jours environ
que je traîne ma carlingue dans ce siècle marron
542 lunes et 7 jours environ
et tu vois mon amour j'suis toujours aussi con". Hubert-Félix THIEFAINE
Fred06 me faisait remarquer, tout à l'heure dans un SMS, que mon blog était hanté par le calme plat depuis quelques jours. Eh oui, j'étais en sortie avec les élèves. Mais me voilà de retour, et toujours prête !
Que diriez-vous de parler ce soir de l'album « Chroniques bluesymentales » ? (Pour l'instant, je mets entre parenthèses le livre de Chapuzet car je n'ai pas réussi à en lire une seule ligne depuis mon retour. De plus, Sam me l'a piqué !).
« Chroniques bluesymentales », ah, « Chroniques bluesymentales » ! Un chef-d'oeuvre à mes yeux !
L'album s'ouvre, magnifique, sur « Demain les kids », chanson elle-même amorcée par un chant grégorien. Le texte de « Demain les kids » est splendide. « Les charognards titubent au-dessus des couveuses et croassent de lugubres et funèbres berceuses, kill the kid »...
« Dans les ruines de l'école où brûle un tableau noir
Une craie s'est brisée en écrivant espoir »...
« Demain les kids », cri de révolte devant les souffrances endurées par les enfants en ce bas monde, mais aussi mise en garde adressée aux adultes. « Attention monde adulte inutile et chagrin
demain les kids en armes demain les kids enfin » !
Deuxième chanson, « Pogo sur la deadline ». Alors celle-ci, je me l'écoute à fond la gomme quand j'ai besoin de me défouler. Je ne sais pas très bien qui elle vise, mais c'est sacrément bien envoyé, tout ça !
« Mais quand j't'ai vu marcher à côté d'tes rangers
en pleine éclipse mentale et mouillant tes pampers
j'ai sorti mes kleenex et mon mercurochrome
pour mettre un peu de couleur sur ta gueule de fantôme ».
« Un automne à Tanger », troisième chanson de cet album, est d'une grande puissance, d'une immense beauté. Pour moi, la force poétique du texte trouve son apogée dans ces mots :
« Les vagues mouraient blessées
à la marée sans lune
en venant féconder
le ventre des lagunes ».
J'aime aussi :
« d'ivresse en arrogance
je reste et je survis
sans doute par élégance
peut-être par courtoisie
mais j'devrais me cacher
et parler à personne
et ne plus fréquenter
les miroirs autochtones ».
J'aime aussi l'introduction dont Thiéfaine a paré cette chanson sur la tournée « Bluesymental tour ». Vous savez, le texte de Paul Bowles. Très, très fort !
Place ensuite à « Camera terminus ». « Enfin seuls » !
« Au pied des temples usés
des statues délabrées
le fleuve roule sa semence
limoneuse et gluante ». Décidément, ici, l'eau reste étroitement liée à l'image de la fécondité, entre les vagues qui viennent féconder le ventre des lagunes et ce fleuve qui roule sa semence ! Ce sont, allez savoir pourquoi, des images qui me parlent totalement !
Puis, c'est « 542 lunes et 7 jours environ ». Chanson dont il me faudrait recopier l'intégralité si je devais en extraire mes passages préférés ! J'en suis tout simplement dingue. L'harmonica, le texte, tout me botte dans cette histoire de lunes ! Là encore, quelle construction finement ciselée ! Le début plante le décor : « La terre est un macdo recouvert de ketchup », etc. Puis, un « je » pointe subitement le bout de son nez :
« J'y suis né d'une vidange de carter séminal
dans le garage intime d'une fleur sentimentale ».
Une strophe sur la naissance de ce « je », une autre sur ses sulfureuses amours, et déjà la troisième vient tout faire vaciller :
« La geisha funéraire s'tape des rassis crémeux
chaque fois que j'raye un jour d'une croix sur mon pieu ».
(...)
« Mais un jour faut partir et finir aux enchères
entre les gants stériles d'une soeur hospitalière
et je me vois déjà guignol au p'tit matin
traînant mon vieux flight-case dans le cimetière des chiens
oh meine kleine Mutter mehr Licht ! »
La voilà, la première allusion à l'Allemagne ! « Mehr Licht », ce sont les derniers mots que prononça monsieur Goethe ! Je leur ai consacré une note il y a fort longtemps déjà... « 542 lunes », très belle chanson sur le temps qui passe et nous entraîne dans sa spirale infernale. On a beau « contrôler ses viandes, surveiller ses systoles », un jour il faut partir...
La suite une autre fois, peut-être ? Je risque de faire trop long sinon. Vous l'aurez sûrement compris, je chéris tout particulièrement cet album ! Comme tous ceux de Thiéfaine, finalement. Chacun, à sa façon, me raconte une histoire. Parfois même, c'est la mienne, d'histoire, qui défile devant mes yeux... « Chroniques bluesymentales », c'est un des premiers albums de Thiéfaine qu'il me fut donné de découvrir. Tout de suite, j'étais tombée sous le charme de cette écriture à la fois sentimentale et trash...
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