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20/12/2009

Aimez-vous Jacques ?

La pensée du jour : "Drôle de nuit de nos - talgie". Jacques HIGELIN.

 

Aimez-vous Jacques ? Jacques l'unique, Jacques le grand ? Je parle d'Higelin, bien sûr ! Je suis dingue de cet homme à la personnalité flamboyante ! L'année dernière, pour Noël, 655321 a eu la grandiose idée de m'offrir un livre sur cet artiste, livre qui était accompagné d'un CD sur lequel l'ami Jacques raconte sa vie, sa façon de voir les choses, son rapport au monde. Un pur moment de poésie, de délicatesse et de joie ! Un CD que j'ai beaucoup écouté en des temps extrêmement difficiles, un CD-béquille, un CD-baume au coeur.

Et voilà qu'il y a quelques semaines, Evadné m'annonçait que notre grand Jacques allait sortir un album en février 2010 ! Et voilà que ce soir, en flânant sur la page Myspace du père Higelin, je suis tombée sur la pochette de ce prochain CD intitulé "Coup de foudre". Très belle pochette d'ailleurs, en noir et blanc (regardez, je l'ai mise au-dessus de cette note). Mais allez voir plutôt ! Et il y a un titre à découvrir, déjà : "J'ai jamais su" (http://www.myspace.com/ jacques higelin). Une date à retenir aussi, pour les amis lorrains : le 21 mai 2010 ! Higelin sera à Toul ce jour-là. Moi aussi, tiens !!! Et même le papa d'un de mes élèves, qui est fan d'Higelin comme je le suis de Thiéfaine !!!!

J'aime Higelin parce qu'il parle d'amour avec une infinie douceur, parce que sa sensibilité flirte avec de délicates intonations féminines. Parce que c'est un homme lumineux, chaleureux. J'aime Higelin lorsqu'il chante ses douleurs d'amour ("je ne peux plus dire je t'aime, ne me demande pas pourquoi", "trop de serpents sous les caresses, trop d'amour à couteaux tirés"), je l'aime aussi quand il chante ses anomalies qui me font penser aux miennes ("je ne vis pas ma vie, je la rêve, c'est comme une maladie que j'aurais chopée tout p'tit"), je l'aime aussi lorsqu'il évoque sa mère (quelle sublime chanson il lui a dédiée ! Je l'ai découverte sur scène il y a deux ans, il me semble qu'elle devrait être sur le prochain album), j'aime Higelin lorsqu'il chante la paresse ("poil dans la main, payé à rien foutre"), je l'aime aussi quand il crie "Champagne !", quand il enchante Trénet, quand il explose de joie tout seul sur scène, bref, je le reçois cinq sur cinq.

Allez, rien que pour le plaisir :

"Pars, surtout ne te retourne pas"...

Mais aussi : "Douleur, douleur, douleur, regrets et remords

Amor doloroso

Si loin de toi j'ai mal j'ai froid j'ai peur

Je n'aime que toi".

Ou encore : "J't'aime telle, telle que t'es".

Ou ceci : "Tu serais l'ange et moi le diable"...

Et tant d'autres chansons, et tant d'autres morceaux de poésie... Vivement ce coup de foudre, donc, annoncé pour février ! C'est mon horoscope, vous voulez dire ? Grande classe !!!!!!!!

 

Je dédie cette note à Evadné. Elle sait toujours ce que les autres ignorent, voilà ce que je lui ai écrit ce soir. Elle sait mettre des mots sur ma peine. Et aussi des pansements. Je pense souvent à notre virée au Cap Fréhel, où nous sommes devenues immortelles (clin d'oeil à Brigitte Fontaine). A tous ces moments où elle a laissé son portable allumé rien que pour moi, pour recueillir mes pleurs. A tout ce que l'on partage et que je ne saurais résumer en quelques phrases... Elle aime beaucoup Higelin aussi, elle a décidément tout pour me plaire !!!!

 

 

19/12/2009

Propos sur le bonheur...

La pensée du jour : "J'ai connu le bonheur, mais ce n'est pas ce qui m'a rendu le plus heureux". Jules RENARD.

              

 

Revenons un peu aux albums « La tentation du bonheur » et « Le bonheur de la tentation ». Pas pour en reparler vraiment, juste pour citer comme ça, pêle-mêle, quelques phrases qui ont été dites sur le bonheur. Si vous en connaissez d'autres, n'hésitez pas à les ajouter en commentaires !

 

« Etre heureux, ce n'est pas bon signe, c'est que le malheur a manqué le coche. Il arrivera par la suivant ». Marcel AYME.

 

« Tout le monde n'est pas fait pour être heureux ». Paul CLAUDEL.

 

« Tant d'hommes qu'on croit heureux parce qu'on ne les voit que passer ». Astolphe de CUSTINE.

 

« Le plus grand secret pour le bonheur, c'est d'être bien avec soi ». Bernard Le Bovier de FONTENELLE.

 

« Ne peut rien pour le bonheur d'autrui celui qui ne sait être heureux lui-même ». André GIDE.

 

« Il faudrait convaincre les hommes du bonheur qu'ils ignorent, lors même qu'ils en jouissent ». MONTESQUIEU.

 

« Si on ne voulait être qu'heureux, cela serait bientôt fait. Mais on veut être plus heureux que les autres, et cela est presque toujours difficile parce que nous croyons les autres plus heureux qu'ils ne sont ». MONTESQUIEU.

 

« Il est difficile de ne pas s'exagérer le bonheur dont on ne jouit pas ». STENDHAL.

 

« Il faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple ». Jacques PREVERT.

 

« Le bonheur a les yeux fermés ». Paul VALERY.

 

« N'ayez pas peur du bonheur ... Il n'existe pas ». BERRY.

 

« Le bonheur ça n'est pas grand-chose (...) C'est du chagrin qui se repose ». Léo FERRE.

12/12/2009

Satyros...

La pensée du jour : "Je sais qu'il manquera toujours quelqu'un en bout de table"... CALI.

 

 

Non, mon cher Doc, je ne t'ai pas oublié ! La traduction demandée est faite depuis un petit moment déjà. J'attendais seulement que l'amie allemande chargée de la relire me donne son avis. Elle est toujours indulgente avec moi et trouve que j'ai fait du bon boulot, mais je ne suis pas satisfaite de ma traduction de "bekleiben"... Enfin, tant pis, j'ai opté pour "rester". C'est l'idée de "persister" (fortdauern), quelque chose comme ça.
Petite précision pour tous ceux qui ne sont pas le Doc : Ce qui va suivre est un extrait du "Satyros", de Goethe. Ces mots sont dits par Jürgen Frenz à la fin de "Diogène série 87" :

 

 

Johann Wolfgang von Goethe

 

Satyros : Von euch Schurken keinen Spott !

Ich tät euch Eseln eine Ehr an,

Wie mein Vater Jupiter vor mir getan;

Wollt eure dummen Köpf belehren

Und euren Weibern die Mücken wehren,

Die ihr nicht gedenkt ihnen zu vertreiben;

So mögt ihr denn im Dreck bekleiben.
Ich zieh meine Hand von euch ab,

Lasse zu edlern Sterblichen mich herab.

 

 

 

 

Vous, gredins, ne vous moquez pas !

Je vous ferais un honneur à vous, les ânes,

Comme l'a fait mon père Jupiter avant moi;

Il voulait instruire vos têtes idiotes

Et défendre vos femmes contre les mouches

Que vous ne songiez pas à écarter d'elles;

Alors restez donc dans la fange.
Je retire ma main de vous,

Je m'abaisse vers d'autres mortels plus nobles.

05/12/2009

"Scandale mélancolique" : suite et fin de la dissection

La pensée du jour : "Quelles que soient nos douleurs, elles s'endorment tôt ou tard dans l'étreinte de ce qui leur succède". Nicolas BREHAL. Ah ben ça fait du bien de lire cela, il y a donc un peu d'espoir !!

                   

 

 

Peut-être que la scandaleuse mélancolie qui me prend à la gorge ce soir m'autorise à me replonger dans les eaux « funérailleuses » de « Scandale mélancolique »...

J'en étais restée à « Confessions d'un never been ». Parlons donc de la chanson qui suit : « Le jeu de la folie ». Entre les deux textes, dans le livret, on trouve ces mots de Groucho Marx : « Profondément déprimé, je me rendis compte à quel point ma propre compagnie m'ennuyait. J'avais déjà entendu tout ce que j'avais à dire. Je connaissais toutes mes histoires drôles, et je n'avais aucune envie de m'écouter »...

« Cimetière de Charleville, cimetière d'Auvers-sur-Oise ». Dès le début, la chanson me parle. Charleville, j'y ai souvent traîné mes guêtres quand j'habitais dans les Ardennes. J'avais là-bas un ami poète, qui bossait chez Gallimard, et avec qui j'ai fait de folles soirées entre la place Ducale et le cimetière où repose le brave Rimb'... Auvers-sur-Oise, je n'y suis jamais allée, mais Van Gogh fait partie des peintres que j'aime. Dès les premiers mots, le décor est planté. Rien que le titre : « Le jeu de la folie ». Baudelaire, Nerval, voilà des poètes dont je convoque souvent les vers. « Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle », « Le bonheur passait, il a fui », « J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans », « Le poète est pareil au prince des nuées », « Je suis le ténébreux, -le veuf, -l'inconsolé », et tant d'autres ! J'adore « le jeu de la folie » ! J'adore ces mots : «Mon âme funérailleuse me fusille le cerveau », « « mon vide pathétique et ma douleur femelle sur mon dos de bossu ». Merci, monsieur Thiéfaine, de mettre des mots sur ce désespoir que nous avons en commun et que je ne saurais décrire... « Ne m'attends pas ce soir car la nuit sera blanche et noire », avait écrit le pauvre Nerval à une parente, avant de se pendre rue de la Vieille-Lanterne. Ben oui, la poésie, c'est rarement le fait d'êtres qui vont bien...

« Last exit to paradise » est une chanson que j'apprécie moyennement. Je préfère largement sa grande soeur, « Première descente aux enfers par la face Nord ». Non, vous ne pensez pas qu'il y a une parenté ?!

Ensuite, c'est « L'étranger dans la glace », et je ne sais que dire de cette chanson sublime sur le temps qui passe, sur « avec le temps, va, tout s'en va »... Les yeux déjà nécrosés, cet homme comptabilise ses plaies, ne cherchant même plus à les recoudre. L'indifférence s'empare de lui, son regard se fait distrait, et j'imagine que c'est ce qui nous guette tous... On se laisse descendre, on se laisse glisser dans la « soufflerie  où se terre le mystère inquiet des ondes et de l'asymétrie des paramètres au coeur violet »... Le violet, c'est aussi une couleur de deuil, n'est-ce pas ? « Scandale mélancolique » est habité par la camarde. On sait bien qu'à la fin, c'est elle, « l'ultime prédatrice, dans sa robe de vamp-araignée », qui gagnera la bataille...

Le titre « Les jardins sauvages » vient semer un peu de légèreté dans cet album. Je trouve le texte hautement érotique, je l'ai déjà dit ici. Cela me rappelle le joli « rayon des fruits défendus » dont il est question dans « Défloration 13 »... Et, sur tous les sites consacrés à Hubert, le lien fut souvent fait entre ces « jardins sauvages » et un texte de Verlaine, si je ne m'abuse. Mais j'en ai oublié le titre, le contenu, tout !

Que dire de « Télégramme 2003 », chanson qui suscita tant de polémiques ? Je l'aime bien, je trouve que la musique de ce Télégramme est très belle et rendait divinement bien en concert. Pour ce qui est du contenu, j'aurais envie d'écrire, à l'instar du brave Jacques Higelin, qu'il n'y a rien à dire, que nous n'y étions pas...

« Loin des temples en marbre de lune » ne me plaît qu'à moitié. J'aime assez le texte (« on vient tous d'une capote usée », et ce que je pense être un clin d'oeil à Céline : le coup du caniche, cela ne vous rappelle pas la phrase célinienne, « l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches » ?!). La musique de cette chanson ne m'enchante pas des masses. Désolée.

« La nuit de la Samain » est une chanson que j'ai fini par apprivoiser, après de nombreuses vaines tentatives. Mais ça y est, c'est bon, j'y suis, et je vois même un petit pont entre cette nuit de la Samain et cette autre nuit, « higelinesque » cette fois, qui « promet d'être belle ». Quant au coup des « os broyés », dans la chanson de Thiéfaine, cela me fait toujours bien rire, vu la proximité phonétique de ces mots avec mon nom de famille. De là à voir là-dedans un clin d'oeil du père Hubert à mon endroit, il n'y a pas des kilomètres, je vous le dis !!!!!

Vient ensuite « When Maurice meets Alice ». Je ne sais pas quand je pourrai réécouter cette chanson sans fondre en larmes dès les premières notes. J'adore ce morceau, mais c'est trop pour mes frêles épaules. C'est sans doute parce que mon père s'appelle Maurice...

« That angry man on the pier » est une belle chanson qui vient clore avec beaucoup de grâce un album splendide. J'aurais aimé que Thiéfaine fasse quand même quelques petits efforts de prononciation. Je ne suis pas bien douée en phonétique anglaise, mais il y a deux ou trois imperfections qui n'échappent pas aux oreilles un peu attentives... Bah, ce n'est pas bien grave. Après tout, ce n'est que de l'anglais !!!!!!!!!!!!!!!!

Je reviens au livret. Juste après le texte de « That angry man on the pier », on peut lire : « L'homme qui ne médite pas vit dans l'aveuglement, l'homme qui médite vit dans l'obscurité. Nous n'avons que le choix du noir ». C'est signé Victor Hugo. Nous v'là pas dans la mélasse si j'ai bien pigé. Celui qui ne médite pas se cogne aux parois du vide, celui qui médite à celles de l'obscurité . Ben zut alors. Je pensais bien qu'on était tous dans la merde, mais pas à ce point-là...

04/12/2009

LE MAL

La pensée du jour : "Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer". Arthur RIMBAUD

 

Le mal ... Un poème que j'aime beaucoup. Dès que je peux, je poursuis la dissection de "Scandale mélancolique"...

 

 

 

LE MAL

 

Tandis que les crachats rouges de la mitraille

Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu;

Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,

Croulent les bataillons en masse dans le feu;

 

 

Tandis qu'une folie épouvantable broie

Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant;

-Pauvres morts ! Dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,

Nature ! Ô toi qui fis ces hommes saintement !...

 

 

-Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées

Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or;

Qui dans le bercement des hosannah s'endort,

 

 

Et se réveille, quand des mères, ramassées

Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,

Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !

 

Arthur RIMBAUD

27/11/2009

Méthode de dissection : "Scandale mélancolique"

La pensée du jour : "si dérisoire

ce qui m'est donné

au regard

de ce qu'escomptait

ma soif", Charles JULIET.

 

 

Année de parution de cet album: 2005.

 

Titres :

Libido moriendi

Scandale mélancolique

Gynécées

Confessions d'un never been

Le jeu de la folie

Last exit to paradise

L'étranger dans la glace

Les jardins sauvages

Télégramme 2003

Loin des temples en marbre de lune

La nuit de la Samain

When Maurice meets Alice

That angry man on the pier

 

 

 

Une pochette assez surprenante. On y découvre un Thiéfaine encagé, vêtu de noir. Un noir qui tranche sur le fond blanc. Le bras de ferraille est levé, mais Thiéfaine lui-même n'aurait pas assez d'espace pour suivre ce mouvement. Il est totalement enfermé. Dans sa condition d'être humain ?

 

Cela fait des lustres que je n'ai pas écouté cet album alors qu'il fait partie de mes préférés. La dernière fois que je l'ai mis, c'était dans ma voiture, en été, en vacances, et j'ai fondu en larmes. Il faut dire que la Camarde est là partout, dès la première chanson, et que pour moi, il n'est pas encore possible de réentendre (encore moins de chanter) des mots comme « les morts parlent en dormant et leurs cris oniriques traversent nos écrans ». D'une certaine façon, je n'ai pas besoin d'écouter ces chansons pour en parler. Je les porte en moi, elles m'accompagnent en permanence...

Ce scandale mélancolique (ou cette scandaleuse mélancolie) s'ouvre sur une histoire de quai de gare. Tiens, cela me rappelle « des adieux ». « Nous voilà de nouveau branchés sur le hasard », entre un train qui part, un autre qui arrive. Et nous restons là, les bras ballants, à attendre. Nous ne partons pas. Pas encore. Mais « l'ultime prédatrice » ne nous loupera pas et saura nous flanquer dans les mains, à l'heure qu'elle choisira pour nous, un aller simple pour la destination finale. J'adore « Libido moriendi ». « Le calme froid de l'aurore », « les chiens vitreux de la peur » qui « flairent l'odeur sucrée de la mort », tout y est, on s'y croirait.

La deuxième chanson, « Scandale mélancolique », n'offre pas une thématique plus gaie ! « Les mères qui nous rappellent », intransigeantes, « sous leur lingerie de pierre » (quelle image puissante !) ne sont au final guère plus avenantes que l'ultime prédatrice drapée de sa robe de vamp-araignée. C'est du pareil au même. On finira sous la lame du couteau tranchant, nos errances demeurent chimériques... Cela me donne envie de citer Hermann Hesse, tiens :

« Denn ich weiß : auf allen meinen Wegen

Steht der Tod und bietet mir die Hände »...

Lourd, tout ça, bien lourd, comme le marbre dont il est question dans ce morceau...

« Gynécées », en duo avec Cali, vient apporter un peu de légèreté dans le décor. Et encore ! En même temps qu'il souligne ici ce qu'il considère comme la grandeur féminine (« elles ont le monde entre leurs seins », je note au passage que cette idée, assez masculine au fond, m'a toujours fait sourire : je ne vois pas en quoi la femme serait supérieure à l'homme. Homme ou femme, idem à mes yeux, même impressionnant potentiel de connerie et de cruauté), oui, donc, en même temps qu'il souligne cette soi-disant grandeur féminine, Thiéfaine dépeint les hommes comme des « oiseaux perdus, des ptérodactyles en déclin avec des sentiments tordus ». Vous avez déjà vu un ptérodactyle ? Je veux dire : pas en vrai, mais comme ça, dans le dictionnaire par exemple. Voici :

 

Il est vrai que cela ne donne pas franchement envie et on comprend pourquoi cette espèce a fini par s'éteindre ! Oui, donc, les hommes sont décrits ici comme de gros balourds, les femmes comme des déesses vaporeuses incarnant la douceur, la folie tranquille, le vrai, le brillant. Ouais... J'aime bien le mariage de la voix de Thiéfaine avec celle de Cali. En revanche, l'idée selon laquelle, en gros, la femme serait l'avenir de l'homme n'a jamais trouvé aucun écho en moi.

Puis, c'est « Confessions d'un never been ». Une chanson que j'adore. Que j'adore écouter à fond. La musique est sympa, le texte est sublime. Déjà rien que le début : « les joyeux éboueurs des âmes délabrées se vautrent dans l'algèbre des mélancolies ». On donnerait cher pour être l'auteur de ces mots !! « Je suis l'évêque étrusque, un lycanthrope errant qui patrouille dans le gel obscur de mon mental »... Le texte atteint son sommet en ces mots, je trouve. A signaler : l'allusion à Nietzsche et le clin d'oeil au Sturm und Drang. Quand je vous disais que pas un album n'échappe à ma théorie des références à l'Allemagne !!!

 

La suite dans quelques jours, quand je serai revenue de mon week-end vadrouille... Demain, je m'en irai flirter avec l'univers foutraque de monsieur Thomas Fersen. A mon avis, un grand moment m'attend !

21/11/2009

Méthode de dissection : "Défloration 13" (2ème partie)

La pensée du jour : "Nous ne savons jamais si nous ne sommes pas en train de manquer notre vie", Marcel PROUST.

 

  

Oui, je disais donc qu'avec « Joli mai mois de Marie » s'ouvrait ma partie préférée de l'album « Défloration 13 ». Déjà, « joli mai » est une chanson que j'adore ! Musique, texte, tout me plaît. J'aime bien cette idée selon laquelle « c'est toujours au mois de mai qu'on a envie de se pendre » ! De jolies trouvailles encore dans ce texte : « Les grapheurs fous sixtinent la zup » (« sixtiner », quel verbe magnifique !) ou encore : « les tapons ricanent dans les bois » (avec cette note explicative au bas des paroles : « héron héron petit pas tapon » !!!).

« Camélia : huile sur toile » est une chanson dédiée à Charles Belle (voir image insérée ci-dessus, mais aussi et surtout : http://www.charlesbelle.com/). J'aime beaucoup "Camélia : huile sur toile". Il se dégage de ce texte et de cette musique une profonde mélancolie (« camélia et brumes hivernales

vers ce vieux Nord toujours frileux

exil blême et sentimental

dans la tristesse des soirs pluvieux »,

ou encore :

« camélia et rature finale

sur l'agenda des mots perdus

lèvres glacées masque animal

au carnaval des coeurs déchus »).

Ensuite, c'est « Parano-safari en ego-trip transit ou comment plumer son ange gardien ». Chanson rock pour un texte pas bien gai. L'histoire de quelqu'un qui passe toutes ses nuits « à s'attendre jusqu'au matin » et « la moitié de son ennui à s'estropier dans les blizzards ». Quelqu'un qui, désabusé, préfère les marshmallows aux biodolls « programmées pour une heure » qui sont censées lui permettre de « rincer sa libido ». Seuls les charmes d'une Lara Croft virtuelle semblent pouvoir le troubler et le mettre sur « danger d'amor », c'est dire !!

Viennent ensuite mes trois chansons préférées. Ah oui, vraiment, je les mets au-dessus de toutes les autres de l'album « Défloration 13 » !

« Eloge de la tristesse », d'abord, nous balance en pleine face son refrain vidé de toute illusion :

« apprends donc à tenir ta laisse

t'es pas tout seul en manque de secours

la tristesse est la seule promesse

que la vie tient toujours ».

Mélancolique ritournelle d'un qui a trop vécu et qui, rompu aux bassesses de l'existence, n'espère plus rien . Genre « qu'importe le soleil ? Je n'attends rien des jours », façon Lamartine. Même l'amour, qui semblerait être la clé de la rédemption, nous joue un tour bien foireux :

« Peut-être qu'un jour chez Norauto

tu verras ta reine arriver

au volant de la stéréo

d'un tuning-car customisé

mais l'amour s'use à la lumière

et les louttes sont toutes un peu louffes

elles te feront jouer du somnifère

dans un HP avec les oufs » (tiens, subitement, comme ça, cela me rappelle la fin de « L'agence des amants de madame Müller » !!!!!).

Même le succès tourne au vinaigre : « mais d'applauses en salamalecs

de backstages en mondanités

la réussite est un échec

pour celui qui veut plus danser ».

Faut-il voir là un lien avec la chanson précédente ? Les « biodolls le font danser », mais pas la peine de s'esquinter, laissez tomber, il ne veut plus, je vous dis !

« Roots et déroutes + croisement » est une chanson surprenante. La musique, surtout, est très particulière. Clin d'oeil à Robert Johnson, clin d'oeil dont il fut question ici il y a fort longtemps. « Le diable en personne », vous vous souvenez peut-être ?

Une chanson sublime vient assurer brillamment la fermeture de cette défloration vertigineuse : « Les fastes de la solitude ». A mes yeux, un des textes les plus aboutis de Thiéfaine ! A chaque fois que j'écoute « Les fastes de la solitude », je me prends en pleine face la beauté de ces mots qui s'emboîtent si magiquement les uns dans les autres. Rien que le début :

« Les fleurs de rêve obscur sécrètent de noirs parfums

dans la féerie marbrée des crépuscules forains

théâtre d'harmonie panorama lunaire

aux délicieuses lenteurs de cortège funéraire

où les âmes nuageuses nimbées de sortilèges

s'évaporent dans l'ivresse glacée d'un ciel de neige » (ces mots me reviennent à l'esprit à chaque fois que l'hiver nous offre un ciel de neige, d'ailleurs).

« banquises phosphorescentes et bleue mélancolie

qui projette ses violons

sur d'étranges rhapsodies

aux étranges accords sous d'étranges latitudes

qui te révèlent les fastes de la solitude ». J'en suis encore époustouflée, sans voix, sans mots ! A quand le plaisir d'entendre cette chanson sur scène ?!

 

Les sacro-saintes références à l'Allemagne ne manquent pas ici non plus : clin d'oeil à Nietzsche avec « Also sprach Winnie l'ourson » et allusion à Dürer dans « Les fastes de la solitude ».

Bientôt, je pourrai faire un joli CQFD concernant ma « thèse » des références à l'Allemagne : il y en a dans chaque album !

 

PS : Un petit moment tranquille ce week-end ? Alors n'hésitez pas à écouter Rougge et à poster un commentaire au bas de la note du 17 novembre ! Ce serait drôlement sympa !

PS 2 : Bon, eh bien, certaines chansons de « Déflo » ne sont pas très gaies. Moi qui n'ai déjà pas un moral flamboyant en ce samedi d'automne, je sens que je vais passer encore une bonne partie de mon week-end à « rester assise, les poumons dans la sciure, à filer mes temps morts à la mélancolie ». Merdouille ! Oui, décidément, la tristesse est bien « la seule promesse que la vie tient toujours »...

 

20/11/2009

Méthode de dissection : "Défloration 13"

La pensée du jour :  

 

Ben pourquoi pas, après tout ?!! Avec "Défloration 13", on est dans les fleurs, de toute façon, il suffit de regarder la pochette de ce CD :

 

Qui dit « Défloration 13 », dit forcément Arabesque ! Maintenant, à chaque fois que j'écoute cet album, je pense à elle ! Et même, tiens, je lui dédie cette note, je sais à quel point « Déflo » (pour les intimes !) l'a marquée !

 

A l'époque où le CD « Défloration 13 » est sorti, j'étais un peu loin de mes préoccupations thiéfainesques. Si, c'est vrai, ça m'est arrivé parfois ! Pas souvent quand même, hein, n'allez pas me faire dire ce que je n'ai pas dit.

« Défloration 13 ». Déjà, quel titre !! Normalement, si je ne m'abuse, une défloration, il n'y en a qu'une dans une vie. Alors croiser un mec qui en est à sa 13ème, cela force le respect, il faut bien le dire ! Trêve de plaisanterie : « défloration 13 » parce que 13ème album studio. Le mot me semble vouloir évoquer la violence de la création. La violence avec laquelle elle s'impose parfois au créateur.

La pochette est déjà à elle seule une histoire ! Les jolies fleurs qui l'ornent, on les doit à Charles Belle. Rien à voir, je trouve, avec les pochettes auxquelles Thiéfaine nous a habitués.

Notons aussi ce délicieux avertissement de l'auteur : « Cet album faisant référence à un certain nombre d'éléments susceptibles de choquer de trop jeunes esprits ou des esprits adultes désinformés, l'usage en est fortement déconseillé aux enfants de moins de 14 ans et aux personnes souffrant de crispations cérébrales ».

 

 

Revenons quelques années en arrière. Lorsque ce CD arrive sur le marché, je suis un peu moins dans mon trip Hubert (et je vis avec un type qui trouve que décidément, ce Thiéfaine, je l'écoute un peu trop, ce qui n'aide pas !!). J'achète « Déflo » quand même, bien sûr, n'allez pas me faire dire ce que je n'ai pas dit.
Je l'écoute une fois, deux fois, je ne sais plus. Je n'accroche pas. J'ai l'impression de ne pas retrouver le Thiéfaine auquel je suis habituée, je suis déroutée (tiens, ça tombe bien, avec un album dont un des titres est justement « roots, déroutes + croisement » !!). Je range le bel objet dans un coin (honte à moi). Et ne le ressors que quelques mois plus tard, lorsque je sens approcher la tournée et me dis que je vais arriver là comme un chien dans un cimetière, totalement ignare. Donc, je réécoute « Déflo ». Et c'est là que je tombe raide. Raide dingue de cette oeuvre à nulle autre pareille. D'une grande richesse et d'une belle complexité. « Une ambulance pour Elmo Lewis » vous pose tout de suite l'ambiance du truc. La musique semble se déchirer par moments, j'adore.

« Quand la banlieue descendra sur la ville » reste en revanche le titre que j'aime le moins sur cet album. Je ne sais pas pourquoi. La musique ne me plaît pas des masses.

De même, « Le Touquet juillet 1925 »ne me parle pas trop. Cela fait un peu chanson facile, écrite un brin à la hâte... « Le soleil joue sur nous » sans réellement nous brûler...

« Also sprach Winnie l'ourson » n'est pas ma chanson préférée, mais j'en aime le titre (forcément, il détourne brillamment celui de Nietzsche, « Also sprach Zarathustra » !!!). Mais il n'y a pas que le côté allemand. Le texte recèle des trouvailles phénoménales, comme par exemple :

« et faut ramer toute la journée tu es damné

tu es fiché sur le fichier qui fait chier les

fauchés échauffés et les chattes échaudées ».

J'aime assez la façon saccadée dont Thiéfaine chante ces mots. Le refrain me gonfle parfois un peu, à trop grande écoute.

« Guichet 102 » est une chanson que je trouve sympa et joyeuse. J'étais étonnée d'apprendre, dans « Comment j'ai usiné ma 13ème défloration », que Thiéfaine l'avait écrite après avoir eu affaire à une employée totalement revêche et antipathique de je ne sais plus quelle administration !!

Ensuite, avec « Joli mai mois de Marie », s'ouvre ma partie préférée de cet album.

J'en parle dans les jours qui viennent...