09/06/2007
Petit pêle-mêle
La pensée du jour : "Je n'ai évité aucun piège. Je me suis jeté dedans avec un appétit et une naïveté d'agneau. J'ai été très heureux et très malheureux. S'il fallait recommencer... Non, je crois qu'aujourd'hui j'aurais peur", René BARJAVEL.
Il y a quelques années, j’avais, parmi mes élèves, un gamin qui adorait Renaud. Dès qu’il le pouvait, il me casait des paroles de l’ami Séchan pendant les cours. En général, j’avais de quoi lui répondre, ayant été très fan de Renaud quand j’étais adolescente. Ce qui me permettait de dire fièrement au gamin : « J’écoutais Renaud, t’étais même pas né », chose que je m’étais entendu dire à propos de Thiéfaine plusieurs années auparavant et que j’avais trouvée amusante ! Bref, entre l’élève et moi, c’était devenu un jeu. Nous discutions souvent à la fin des cours. Un jour, il m’avait demandé ce que j’écoutais à part Renaud. Le moment idéal pour lui parler de Thiéfaine ! Le lendemain, je lui avais apporté une petite compilation de mon choix, pour laquelle j’avais soigneusement évité les chansons un peu trop … comment dire ? Enfin, vous voyez, quoi ! Par exemple, « Cabaret Sainte Lilith », je n’avais pas mis !!! Je ne voulais pas non plus me faire tomber sur le paletot par les parents du môme, sait-on jamais ! A ma grande joie, cela avait tout de suite fait tilt. Quelques jours après, le même élève débarquait dans mon cours en chantant « j’arriverai par l’ascenseur de 22h43 » !
Ce matin, à l’occasion de la journée portes ouvertes du collège, j’ai revu le jeune homme en question. Cheveux longs, guitare dans le dos. A un moment, il est allé s’asseoir dans la cour avec quelques copains et ils se sont mis à chanter et à gratouiller. Et il paraît (dixit le CPE) qu’ils ont chanté … « La fille du coupeur de joints » ! Et flûte, j’ai loupé ce grand moment !!
En tout cas, voilà quelqu’un à qui j’aurai appris non seulement un peu d’allemand, mais en plus de cela un peu … la vie !!!!! Oui, carrément, lançons-nous des fleurs, tant qu’à faire !
Très sympa aussi, la réflexion de cet ancien élève qui voulait à tout prix me revoir aujourd’hui, lui qui me fuyait plutôt lorsqu’il était encore élève au collège !! Je le lui ai gentiment rappelé !
Bon, finalement, un jour sur quatre, c’est quand même chouette d’être prof !
Pour en revenir à Thiéfaine, je voulais évoquer un petit truc qui me turlupine depuis longtemps : comment faut-il écrire « joint » dans « La fille du coupeur de joints » ? J’ai tendance à toujours mettre un « s », ce qui me paraît plus logique, mais les différentes versions se contredisent. On trouve tantôt un « s », tantôt pas. Comment voyez-vous les choses, vous ?
14:40 | Lien permanent | Commentaires (40)
08/06/2007
Une chanson de Romain Didier
La pensée du jour : "A perte de vue la vue de notre perte", Claude ROY (Temps variable avec éclaircies).
Voici donc le texte d'une chanson de Romain Didier :
J’ai noté
Ça fait vingt neuf mille deux cents heures
Qu’on a passées dans le même lit
Dont mille quarante à faire l’amour
Et sept cent vingt pour maladie
J’ai noté
Trois mille six cents p’tits déjeuners
A étaler dans la cuisine
Deux cents kilos de beurre salé
Sur cent dix mètres carrés d’tartines
J’ai noté
Neuf cent vingt heures à s’faire la guerre
Et trois cents autres à s’insulter
Soixante dix roses-anniversaires
Et cent pour me faire pardonner
J’ai noté
Environ dix huit mille deux cents mouchoirs
En ouate de cellulose
Dont les trois quarts pour te moucher
Et le restant pour pas grand-chose
J’ai noté vingt « je vais t’quitter »
Et vingt et un « je vais rester »
J’hésite encore, pour les baisers
A compter l’nombre ou l’temps passé
J’ai compté près de six mille repas
En tête à tête de préférence
A échanger le pain et l’eau
Et des propos sans importance
J’ai noté
Douze cents omelettes, huit cents poulets,
Quatre vingt plats plus difficiles
Et à chaque fois, douz’coups d’balai,
Au bout du compte soixant’douz’mille
J’ai noté
Trois cents départs le vendredi
Et forcément trois cents retours
Soit six cents heures entre Paris
Et le triangle de Roquencourt
J’ai noté
Trois cent quinz’ millions de secondes
Depuis qu’on fait horlog’commune
A moins qu’il faille quand on est deux
Compter l’temps plutôt deux fois qu’une
J’ai noté vingt « je vais t’quitter »
Et vingt et un « je vais rester »
J’hésite encore, pour les baisers
A compter l’nombre ou l’temps passé
Quatr’cents sam’di après-midi
Soit douz’cents heures à entasser
Deux à trois tonnes de cochonn’ries
Dans des caddies d’supermarchés
J’ai noté
Cinq cent restaus, trent’cinq musées,
Deux mille journaux télévisés
Quatre vingt trois sorties ciné
Dont un bon tiers pour des navets
J’ai noté
Six cent cinquante anti-douleurs
Sans acétilsalicylique
Un litre et d’mi de Chanel 5,
Quarante kilos de cosmétiques
J’ai noté
Rien qu’pour les trois premières années,
Huit mill’sept cent soixante « je t’aime »
Quatr’cents en tout pour les suivantes
Et à pein’six pour la dizième
J’ai noté vingt « je vais t’quitter »
Et vingt et un « je vais rester »
J’hésite encore, pour les baisers
A compter l’nombre ou l’temps passé
10:02 | Lien permanent | Commentaires (2)
07/06/2007
Vendredi dernier
La pensée du jour : "Et peu à peu cette dernière soirée se gravait pour plus tard, dans leur souvenir à tous deux, comme se gravent, on ne sait pourquoi, tant d'instants furtifs de la vie, à l'exclusion de tant d'autres", Pierre LOTI.
Vendredi dernier, j’ai passé une très belle soirée pour douze euros seulement : dans le cadre d’un petit festival de Meurthe et Moselle, joliment baptisé « Fleur des chants », j’ai vu, le même soir, Zoé et Romain Didier. La première est étonnante : elle fait un spectacle dans un décor de cuisine, elle s’amuse de temps à autre avec différents ustensiles, mais sans abuser non plus du truc. Elle évoque toutes sortes de thèmes, cela va des voisins casse-pieds à la grossesse (une chanson très drôle !), en passant par les soucis de couple ou encore la destruction de l’environnement. La demoiselle est vraiment épatante. Elle titille pas mal le public. A un moment, elle est allée chercher un jeune homme qu’elle a fait monter sur scène avec elle et à qui elle donnait des bécots, un « bisou araignée », un « bisou chienne », et d’autres dont j’ai oublié le nom. Ce soir-là, j’ai béni la nature qui a voulu que j’appartienne à la gent féminine car, en général, si une seule personne est invitée à monter sur scène, c’est ma pomme, et c’est ainsi que j’ai déjà dû passer une soirée complète sur une scène de théâtre, à me faire susurrer des poèmes d’Artaud dans les oreilles. Si !
Bref… Ensuite, ce fut au tour de Romain Didier. J’avais un peu lâché ses derniers albums. Or, il se trouve qu’il a beaucoup puisé, vendredi dernier, dans son répertoire récent. Ce qui m’a permis de le découvrir. A écouter, vraiment. Je suis sûre que parmi vous il s’en trouvera bien un ou deux pour totalement accrocher à cet univers. Pendant le spectacle, Romain Didier a récité les premiers vers d’un poème de Gérard de Nerval, et je me suis dit, une fois de plus, que je n’étais jamais très loin de l’ami Thiéfaine !
Voici donc ce poème de Gérard de Nerval. En le lisant, il y a quelques mois, je ne l’avais pas réellement apprécié, mais la prestation de Romain Didier me l’a fait aimer :
Fantaisie
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber ;
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize… Et je crois voir s’étendre
Un coteau vert que le couchant jaunit,
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs.
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens…
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue ! – et dont je me souviens !
15:50 | Lien permanent | Commentaires (4)
28/05/2007
Quatre étoiles dans Start up!
En ce joli mois de mai :
-d'abord, avez-vous fait ce qu'il vous plaisait de vos envies?
-ensuite et surtout, avez-vous fait l'acquisition du petit magazine gratuit "Start up" que l'on trouve chez certains disquaires? Le CD du "Scandale mélancolique tour" y est chroniqué et s'en sort plutôt bien : avec quatre étoiles!
Voici l'article (minuscule, mais quand même) :
"Après un dernier album qui a fait l'unanimité, HFT a enchaîné avec une tournée (pour une fois médiatisée), achevée au Zénith de Paris, où a été enregistré ce double album. Comme à son habitude, HFT gratifie son public d'une nouvelle orchestration de ses chansons incontournables et cette fois avec un son bien rock. Sur son hymne "La fille du coupeur de joints", Tryo et Didier Wampas s'en donnent à coeur joie".
Ce n'est pas grand-chose, mais cela fait toujours plaisir!!
21:58 | Lien permanent | Commentaires (5)
27/05/2007
Au fond du jardin du Michel
La pensée du jour : "Je suis amoureux du monde entier. C'est dire combien je le veux et combien je lui en veux", Louis SCUTENAIRE.
Le festival « Au fond du jardin du Michel » est en passe de devenir une institution, un peu comme « Le chien à plumes » ou « Les vieilles charrues ». « Du Michel » parce qu’en Lorraine il est assez courant de mettre un article défini devant les prénoms. C’est plus ou moins heureux… « Le Hubert », par exemple, cela ne le fait pas des masses !! Bref… « Au fond du jardin du Michel » est tellement en passe de devenir une institution qu’il faut à présent dire « JDM » pour faire branché !
Hier soir, monsieur Higelin (entre autres) jouait au fond du jardin du Michel. « Jouait », oui, et ce verbe a revêtu hier toutes les définitions possibles. Monsieur Higelin jouait comme un enfant, surtout. Quel bonheur de voir arriver ce grand homme ! Quelle présence sur scène ! Je ne sais plus si vous êtes nombreux à l’avoir déjà vu en concert (Tommie et Evadné, peut-être ?). C’est à chaque fois une fête intégrale ! J’adore Higelin, son œuvre et aussi sa façon d’être. On a l’impression que ce type-là a constamment « le cœur en fête », sans doute parce qu’il est dans le perpétuel don de soi. Hier, il a été tout simplement grandiose, comme les deux autres fois où je l’avais vu. Nous avons eu droit à « Tombé du ciel », « Champagne », « Lettre à la petite amie de l’ennemi public n°1 » et à beaucoup de titres du dernier album, « Amor doloroso », qui est à mes yeux un des meilleurs.
Avant le concert, j’étais sûre qu’Higelin aimerait ce lieu un peu atypique qu’est le jardin du Michel. Sûre aussi qu’il louerait comme il se devait l’investissement phénoménal des bénévoles. Il leur a presque consacré une chanson ! Quel talent ! Et il a magistralement présenté les choses, disant : « Le jardin du Michel, ce sont quelques personnes qui sont tombées en amour avec l’idée de faire venir des artistes ici ». Joliment dit, n’est-ce pas ?
Avant le concert, je me demandais si Higelin avait lui aussi son « Oh oh oh oh oh oh oh oh» genre « Fille du coupeur de joints ». Oui, sur l’air de « Champagne », chanson dans laquelle on trouve d’ailleurs un joyeux petit lexique que Thiéfaine ne bouderait pas : il y est question de Walkiries, de gargouilles (« émues »), de « frénésies bacchanales », etc.
Higelin a 67 ans, c’est encore mieux que je ne croyais ! Je lui donnais facilement quelques années de moins, et c’est sans doute dû à toutes les étincelles qui animent son regard quand il part dans ses belles histoires abracadabrantes !!
Deux conseils : achetez « Amor doloroso » et foncez voir ce grand bonhomme en concert !
Au fait, sur la tournée Higelin, on retrouve … Yann Péchin et Christopher Board !!
Mon petit rêve depuis hier : voir Thiéfaine au fond du jardin du Michel !! Allez, chiche, et nous vous offrons l’hébergement chez nous !!!! Tommie, Yoann, Evadné, JPA, je vous sens prêts à accueillir cette idée avec enthousiasme !!
10:54 | Lien permanent | Commentaires (15)
25/05/2007
Qu'est-ce que tu fous
La pensée du jour : "Jadis un coeur battait dans cette poitrine
Il ne battait que pour elle
Le coeur bat toujours mais on ne sait plus pourquoi", Robert DESNOS.
Aujourd'hui, ce texte d'Yves Jamait, avec une pensée toute particulière pour Tommie!
Excellente nouvelle : Nous allons voir Higelin demain soir!!!
QU'EST-CE QUE TU FOUS
R : Qu’est-ce que tu fous sans moi ?
Qu’est-ce que tu fous là-bas ?
Tu dois avoir, j’imagine, une raison à toi pour ne pas être là. Je suis sûr qu’il t’embobine. Je suis sûr qu’il te regarde avec, au fond des yeux, des promesses d’amour. Quel que soit le serment qu’il farde, tu n’y vois que du bleu dans cette basse-cour. Bien sûr il doit être adorable, charmant et gracieux et flatter tes atours. Quand moi, je suis là, misérable, imbécile et envieux, espérant ton retour.
R.
Ce n’est pas une chose à faire que poser son derrière sur des coussins moelleux. Quand je suis là le cul par terre psalmodiant des prières à je ne sais quel dieu. Toi qui ne bois jamais un verre, le cocktail qu’il te sert te fait briller les yeux. Moi, je vomis ma colère et la noie dans la bière, faisant de sombres vœux.
R.
Je me souviens pourtant du temps où nous étions heureux, où nous étions amants, tous les jours, tous les deux, inséparables. Mais qu’il est loin putain, ce temps. Je ne suis plus heureux. Je n’suis plus ton amant. Je suis seul et merdeux. Irréparable.
R.
C’est un bouquet de mots en fleur qui viendra caresser les formes de ton corps. Mais, dénuées de toute pudeur, ses mains, pour confirmer et avec ton accord.
R.
Yves JAMAIT
10:06 | Lien permanent | Commentaires (4)
22/05/2007
Une nouvelle fête nationale : le 22 mai
Ah oui, c'est vrai! Yoann vient de me le rappeler : le 22 mai est désormais décrété fête nationale du parti "Solitude et mélancolie"!!! Il y a quelques jours, 655321 m'avait informée de son désir de lancer l'idée sur un forum. Je vois que c'est chose faite, à moins que finalement quelqu'un ait eu la même idée que lui. A vérifier!
Je vous invite donc, en ce jour solennel, à cliquer de toutes vos forces sur le lien que Yoann a laissé dans son dernier commentaire!
Sans le vouloir, j'ai fêté à ma manière ce nouveau jour férié : je n'ai pas pu aller bosser, tant la foutue angine que j'ai chopée en un rien de temps m'a terrassée.
La pensée du jour, 22 mai oblige : "Le printemps qui refleurit fait transpirer le macadam" (Hubert-Félix THIEFAINE). A ce propos, je note que le 22 mai dernier, quelqu'un m'avait envoyé cette même pensée du jour en SMS. Les fans de Thiéfaine sont un peu barjots, n'est-ce pas?!
16:08 | Lien permanent | Commentaires (5)
21/05/2007
Ramuz
La pensée du jour : "J'ai traversé tout ça comme un brouillard épais, et tous ces souvenirs, si vivants que je les touche du doigt, il faut que je fasse effort pour me rappeler qu'en réalité je les ai vécus comme en pensant à autre chose, jamais tout à fait là où ma carcasse était", CAVANNA.
Ce soir, je vous sors un petit "surgelé" sur Ramuz. Il dort depuis des mois dans mon ordinateur!!
Charles-Ferdinand RAMUZ : écrivain suisse d’expression française. Né à Cully, près de Lausanne (canton de Vaud), le 24 septembre 1878, mort au même lieu le 23 mai 1947. Sorti d’une famille modeste, il prit sa licence ès lettres à l’Université de Lausanne et devint maître d’étude au Collège d’Aubonne. Peu fait pour ce métier, dès l’âge de 24 ans, il résolut de partir pour Paris sous prétexte d’y préparer son doctorat ès lettres. « J’y étais venu pour six mois et avec quelques absences j’y suis resté plus de douze ans », dit-il lui-même dans Paris (Notes d’un Vaudois). De sa thèse, dont le sujet était Maurice de Guérin, il n’écrivit jamais une ligne. Aux cours de la Sorbonne, il préférait toujours le spectacle que lui donnaient les divers quartiers de la capitale. Disposant de peu d’argent et enclin à la solitude, d’autant qu’il avait parfois le mal du pays, il noircit alors beaucoup de papier : Le Petit Village (1904), Aline (1905), La Grande Guerre de Sonderbond (1905), Les Circonstances de la vie (1907), Jean-Luc persécuté (1909), Aimé Pache, peintre vaudois (1910), Vie de Samuel Belet (1913), Adieu à beaucoup de personnages (1914). Il n’obtint avec ses romans qu’un maigre succès. Au début de 1914, sentant l’imminence de la guerre, il quitta Paris sans espoir de retour et vécut désormais dans le canton de Vaud. Il ne devait plus en bouger jusqu’à sa mort. Ayant compris que sa vocation était de chanter son terroir, Ramuz, dès lors, sera tout acquis à ce qu’il veut édifier : à l’œuvre, on connaît l’artisan. C’est dire que sa vie est pauvre en événements. En 1916, il fonde avec Edmond Gilliard et Paul Budry Les Cahiers vaudois, revue où il donnera ses nouveaux romans : La Guérison des maladies (1917), Le Grand Printemps (1917), Les signes parmi nous (1919), Salutation paysanne (1921), Terre du ciel (1921), paru en 1925 sous le titre Joie dans le ciel et La Séparation des races (1923). S’étant par là même acquis l’audience d’un nombre croissant de lettrés, Ramuz fit, dès 1924, la conquête du public français grâce à l’éditeur parisien Bernard Grasset. Du coup, sa vie matérielle, jusque là plutôt difficile, s’améliora sensiblement. Sitôt paru, chacun de ses livres est traduit en plusieurs langues. Il faut citer : Passage du Poète (1923), paru à Paris sous le titre La fête des vignerons (1929), La Grande peur dans la montagne (1926), La Beauté sur la terre (1927), Farinet ou la fausse monnaie (1932), Taille de l’homme, Derborence, Le Garçon savoyard, Besoin de grandeur, Si le soleil ne revenait pas. Porté aux plus graves réflexions par la menace d’une nouvelle guerre, le romancier se mua parfois en moraliste : témoins Questions (1935) et Fragments de journal (1941). Rappelons qu’il fournit à Igor Stravinsky le livret d’une de ses plus belles compositions : Histoire du soldat (1920). De parti pris naturel, Ramuz fut ce qu’on peut appeler un écrivain immobile. Incrusté dans le décor qui se trouve en porte à faux sur le haut Léman, il y a puisé sans relâche toute sa matière de romancier, comme sa matière de moraliste. Peignant des êtres poussés d’abord par leur instinct, Ramuz a mis la main sur mainte vérité qu’on doit bien tenir pour incontestable. Il s’est peint plus d’une fois lui-même dans ses héros. Témoin ce vigneron : « Il est grand, il est maigre… il se tient face à la bise qui vient d’en haut, levant la tête, les mains autour du manche du fossoir, sous le soleil, contre la terre ; et il est lui-même la terre où seulement l’esprit vivrait… » Quoiqu’on ait souvent critiqué son style, on a dû admettre, en fin de compte, qu’il avait su plier la langue à l’objet même de son étude : paysages et créatures. Qu’on le veuille ou non, l’influence de l’auteur a été considérable sur tout le roman paysan, y compris l’œuvre de Giono. Tempérament exceptionnel, Ramuz est bien, comme on l’a dit, « l’écrivain le plus représentatif de la Suisse romande depuis Benjamin Constant ».
Source : Dictionnaire des auteurs, éditions Robert Laffont.
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