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18/06/2007

"Et quand le pinocchio baveux poussera ma brouette à l'Ankou"...

La pensée du jour : "Il en est du bonheur comme de la santé : on ne le constate pas", Raymond RADIGUET.

 

Voici à présent un dernier extrait du Guide de la Bretagne mystérieuse, toujours à propos de l'Ankou :

 

Il existe des moyens d’entrer en relation avec l’Ankou et de connaître de lui le jour et l’heure de ses échéances. Ces moyens sont les intersignes, faits ou gestes annonciateurs de trépas. Certains d’entre eux ne posent aucun problème d’interprétation, leur évidence est aveuglante (ils peuvent même relever de la simple télépathie) : telle mère voit en rêve le naufrage où périt son fils.

La familiarité avec l’Ankou s’est manifestée, d’une manière remarquable, par la construction des ossuaires, où l’on rassemblait jadis les ossements retirés du cimetière. Ces édifices furent, durant des siècles, de véritables temples des défunts, où les paroissiens venaient méditer devant les crânes de leurs ancêtres. Toute une littérature en est née, sermons dominicaux, cantiques réalistes et sombres récits de veillées. Les sentences sculptées au fronton de ces curieux monuments ont répété leurs sinistres avertissements à des générations entières. Elles continuent à mettre en garde nos contemporains contre l’oubli de leurs fins dernières. « Je vous tue tous », proclame celle-ci. « Je suis le parrain de celui qui fera fin », affirme celle-là. Ailleurs, elle parle breton :

Maro han barn han ifern ien

Pa ho soign den e tle crena

« La mort, le jugement, l’enfer froid

Quand l’homme y songe, il doit trembler ».

Ou bien, un défunt s’adresse aux vivants en latin : Hodie mihi, cras tibi, « Aujourd’hui à moi, demain à toi ».

 

 

17/06/2007

Une petite adresse sympa

A aller voir le plus vite possible :

http://never-been95.spaces.live.com

 

16/06/2007

"Et quand le pinocchio baveux poussera ma brouette à l'Ankou"...

La pensée du jour : "Ne crois pas que tu t'es trompé de route, quand tu n'es pas allé assez loin", Claude AVELINE.

 

La moitié Bretonne que je suis ne résiste pas à l’envie de vous parler de l’Ankou, que Thiéfaine évoque dans sa chanson « Psychopompes / métempsychose et sportswear ». Voici un extrait du Guide de la Bretagne mystérieuse dans lequel il est question de l’Ankou :

« Rien n’est plus particulier à la Bretagne que la préoccupation et la familiarité de la mort. De tout temps, il semble que la terre d’Armorique ait été vouée aux divinités de l’au-delà. Aujourd’hui encore, le trépas n’y est considéré ni comme la fin de l’être ni comme le simple arrêt de la vie physiologique mais comme la rencontre avec un personnage surnaturel, connu dans tout le pays sous le nom d’Ankou.

C’est la langue bretonne qui nous donne de lui le meilleur aperçu. Il est le proche parent d’Anken, « le chagrin », et d’Ankoun, « l’oubli ». Ajoutons que l’Anankè des Grecs, la dure « nécessité », ne lui est pas étrangère.

On le représente généralement sous l’aspect d’un squelette tenant une faux, et les récits qui parlent de lui le voilent souvent d’un suaire. Il circule la nuit, dans les chemins creux, sur un chariot dont les essieux grincent : ce funèbre convoi est le terrifiant Karrig an Ankou., « le char de l’Ankou », que personne n’a jamais vu sans perdre la vie sur-le-champ. Dans certaines régions du littoral, une embarcation, le bag noz, « bateau de nuit », remplace le sinistre véhicule : le capitaine en est le premier mort de l’année, ou le plus jeune, ou le plus âgé. De même que Karrig an Ankou, le bag noz joue le rôle d’un intersigne accordé à celui qui en a la vision : c’est une annonce de mort prochaine.

La personnalité de l’Ankou n’est pas exactement définie. Il s’agit d’un être masculin dont le rôle essentiel est d’emporter dans l’Au-delà ceux dont l’heure dernière est arrivée ».

 

15/06/2007

Louis Calaferte

La pensée du jour : "Je pose

la mort

au front bleu de la rose

et linceulise l'univers", Louis CALAFERTE.

 

Tommie, voici deux poèmes qui te donneront un avant-goût de ce qui t'attend dans Rag-time. Grâce à toi, je m'y suis replongée ce matin. C'est d'une grande beauté!

 

"Je suis planté de ruines

                          massacres

                           trous béants

                           suppliances

                            fureurs

On ne distingue plus son passé devant soi

On a perdu les villes

                                C'est le cri

                                et la peur

                                tocsins de la Passion

Je hurle         

         qu'ai-je à dire

                            personne ne m'entend

Je crache des goudrons

J'ai des amours reptiles

                                 C'est Dieu défiguré

                                  après sa longue absence

                                  Il pleure à tout écho

J'habite des naufrages

Où les jeunes épouses ont des lèvres d'oursins

                                  C'est la brume

                                   un cancer

                  Il tonne à tout écho

 

J'y cajole mes doux cadavres

                                    mes biches

                                    mes remords

Qui saurait sinon moi vous parler

                                               ô mes morts

Je suis cloué au mur par les fusils du temps"

 

 

 

 "Sous les ponts a passé tant d'eau

ils sont jeunes moi je suis vieux

voici l'âge silencieux

je sens l'automne dans mes os

 

Rien désormais ne me ressemble

soûlé d'indolente tristesse

je regarde mon temps qui cesse

la mort et moi partons ensemble

 

Ce que j'aimais ne m'aime plus

les désirs perdent leur raison

tout penche à la morte-saison

et mes chemins sont parcourus

 

Je sens l'automne dans mes os".

14/06/2007

René Char

"L'approche est toujours plus belle que l'arrivée", ALAIN-FOURNIER.


Aujourd'hui, René Char aurait eu cent ans. Voici deux textes de ce poète. Merci à Evadné, qui m'a envoyé ces deux trésors et m'a suggéré la note de ce jour!

Si vous avez un moment, branchez-vous sur France Inter de 13 heures 30 à 14 heures! Dans "Deux mille ans d'histoire", il sera question de René Char, justement. Auparavant, à 13 heures, vous pouvez retrouver Gainsbourg sur France3, me semble-t-il, dans un "Trente millions d'amis" datant de 1976 ou 1979 (je ne sais plus). Enfin, ce soir, ne ratez pas le très beau film qui va passer sur Arte : "Sophie Scholl, die letzten Tage". Il y est question du triste destin de Sophie Scholl (magnifiquement interprétée par Julia Jentsch) qui fit partie du mouvement de résistance à Hitler, "Die weiße Rose".

 

Allégeance:

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?

Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?


 

 


A une sérénité crispée


Tu es mon amour depuis tant d'années,

Mon vertige devant tant d'attente,

Que rien ne peut vieillir, froidir ;

Même ce qui attendait notre mort,

Ou lentement sut nous combattre,

Même ce qui nous est étranger,

Et mes éclipses et mes retours.



Fermée comme un volet de buis,

Une extrême chance compacte

Est notre chaîne de montagnes,

Notre comprimante splendeur.



Je dis chance, ô ma martelée ;

Chacun de nous peut recevoir

La part de mystère de l'autre

Sans en répandre le secret ;

Et la douleur qui vient d'ailleurs

Trouve enfin sa séparation

Dans la chair de notre unité,

Trouve enfin sa route solaire

Au centre de notre nuée

Qu'elle déchire et recommence.



Je dis chance comme je le sens.

Tu as élevé le sommet

Que devra franchir mon attente

Quand demain disparaîtra.

 

 

 

09/06/2007

Petit pêle-mêle

La pensée du jour : "Je n'ai évité aucun piège. Je me suis jeté dedans avec un appétit et une naïveté d'agneau. J'ai été très heureux et très malheureux. S'il fallait recommencer... Non, je crois qu'aujourd'hui j'aurais peur", René BARJAVEL.

 

Il y a quelques années, j’avais, parmi mes élèves, un gamin qui adorait Renaud. Dès qu’il le pouvait, il me casait des paroles de l’ami Séchan pendant les cours. En général, j’avais de quoi lui répondre, ayant été très fan de Renaud quand j’étais adolescente. Ce qui me permettait de dire fièrement au gamin : « J’écoutais Renaud, t’étais même pas né », chose que je m’étais entendu dire à propos de Thiéfaine plusieurs années auparavant et que j’avais trouvée amusante ! Bref, entre l’élève et moi, c’était devenu un jeu. Nous discutions souvent à la fin des cours. Un jour, il m’avait demandé ce que j’écoutais à part Renaud. Le moment idéal pour lui parler de Thiéfaine ! Le lendemain, je lui avais apporté une petite compilation de mon choix, pour laquelle j’avais soigneusement évité les chansons un peu trop … comment dire ? Enfin, vous voyez, quoi ! Par exemple, « Cabaret Sainte Lilith », je n’avais pas mis !!! Je ne voulais pas non plus me faire tomber sur le paletot par les parents du môme, sait-on jamais ! A ma grande joie, cela avait tout de suite fait tilt. Quelques jours après, le même élève débarquait dans mon cours en chantant « j’arriverai par l’ascenseur de 22h43 » !

Ce matin, à l’occasion de la journée portes ouvertes du collège, j’ai revu le jeune homme en question. Cheveux longs, guitare dans le dos. A un moment, il est allé s’asseoir dans la cour avec quelques copains et ils se sont mis à chanter et à gratouiller. Et il paraît (dixit le CPE) qu’ils ont chanté … « La fille du coupeur de joints » ! Et flûte, j’ai loupé ce grand moment !!

En tout cas, voilà quelqu’un à qui j’aurai appris non seulement un peu d’allemand, mais en plus de cela un peu … la vie !!!!! Oui, carrément, lançons-nous des fleurs, tant qu’à faire !

Très sympa aussi, la réflexion de cet ancien élève qui voulait à tout prix me revoir aujourd’hui, lui qui me fuyait plutôt lorsqu’il était encore élève au collège !! Je le lui ai gentiment rappelé !

Bon, finalement, un jour sur quatre, c’est quand même chouette d’être prof !

Pour en revenir à Thiéfaine, je voulais évoquer un petit truc qui me turlupine depuis longtemps : comment faut-il écrire « joint » dans « La fille du coupeur de joints » ? J’ai tendance à toujours mettre un « s », ce qui me paraît plus logique, mais les différentes versions se contredisent. On trouve tantôt un « s », tantôt pas. Comment voyez-vous les choses, vous ?

 

08/06/2007

Une chanson de Romain Didier

La pensée du jour : "A perte de vue la vue de notre perte", Claude ROY (Temps variable avec éclaircies).

 

Voici donc le texte d'une chanson de Romain Didier :

J’ai noté

 

 

Ça fait vingt neuf mille deux cents heures

Qu’on a passées dans le même lit

Dont mille quarante à faire l’amour

Et sept cent vingt pour maladie

J’ai noté

Trois mille six cents p’tits déjeuners

A étaler dans la cuisine

Deux cents kilos de beurre salé

Sur cent dix mètres carrés d’tartines

J’ai noté

Neuf cent vingt heures à s’faire la guerre

Et trois cents autres à s’insulter

Soixante dix roses-anniversaires

Et cent pour me faire pardonner

J’ai noté

Environ dix huit mille deux cents mouchoirs

En ouate de cellulose

Dont les trois quarts pour te moucher

Et le restant pour pas grand-chose

 

 

J’ai noté vingt « je vais t’quitter »

Et vingt et un « je vais rester »

J’hésite encore, pour les baisers

A compter l’nombre ou l’temps passé

 

 

J’ai compté près de six mille repas

En tête à tête de préférence

A échanger le pain et l’eau

Et des propos sans importance

J’ai noté

Douze cents omelettes, huit cents poulets,

Quatre vingt plats plus difficiles

Et à chaque fois, douz’coups d’balai,

Au bout du compte soixant’douz’mille

J’ai noté

Trois cents départs le vendredi

Et forcément trois cents retours

Soit six cents heures entre Paris

Et le triangle de Roquencourt

J’ai noté

Trois cent quinz’ millions de secondes

Depuis qu’on fait horlog’commune

A moins qu’il faille quand on est deux

Compter l’temps plutôt deux fois qu’une

 

J’ai noté vingt « je vais t’quitter »

Et vingt et un « je vais rester »

J’hésite encore, pour les baisers

A compter l’nombre ou l’temps passé

 

 

Quatr’cents sam’di après-midi

Soit douz’cents heures à entasser

Deux à trois tonnes de cochonn’ries

Dans des caddies d’supermarchés

J’ai noté

Cinq cent restaus, trent’cinq musées,

Deux mille journaux télévisés

Quatre vingt trois sorties ciné

Dont un bon tiers pour des navets

J’ai noté

Six cent cinquante anti-douleurs

Sans acétilsalicylique

Un litre et d’mi de Chanel 5,

Quarante kilos de cosmétiques

J’ai noté

Rien qu’pour les trois premières années,

Huit mill’sept cent soixante « je t’aime »

Quatr’cents en tout pour les suivantes

Et à pein’six pour la dizième

 

 

J’ai noté vingt « je vais t’quitter »

Et vingt et un « je vais rester »

J’hésite encore, pour les baisers

A compter l’nombre ou l’temps passé

 

07/06/2007

Vendredi dernier

La pensée du jour : "Et peu à peu cette dernière soirée se gravait pour plus tard, dans leur souvenir à tous deux, comme se gravent, on ne sait pourquoi, tant d'instants furtifs de la vie, à l'exclusion de tant d'autres", Pierre LOTI.

 

Vendredi dernier, j’ai passé une très belle soirée pour douze euros seulement : dans le cadre d’un petit festival de Meurthe et Moselle, joliment baptisé « Fleur des chants », j’ai vu, le même soir, Zoé et Romain Didier. La première est étonnante : elle fait un spectacle dans un décor de cuisine, elle s’amuse de temps à autre avec différents ustensiles, mais sans abuser non plus du truc. Elle évoque toutes sortes de thèmes, cela va des voisins casse-pieds à la grossesse (une chanson très drôle !), en passant par les soucis de couple ou encore la destruction de l’environnement. La demoiselle est vraiment épatante. Elle titille pas mal le public. A un moment, elle est allée chercher un jeune homme qu’elle a fait monter sur scène avec elle et à qui elle donnait des bécots, un « bisou araignée », un « bisou chienne », et d’autres dont j’ai oublié le nom. Ce soir-là, j’ai béni la nature qui a voulu que j’appartienne à la gent féminine car, en général, si une seule personne est invitée à monter sur scène, c’est ma pomme, et c’est ainsi que j’ai déjà dû passer une soirée complète sur une scène de théâtre, à me faire susurrer des poèmes d’Artaud dans les oreilles. Si !

Bref… Ensuite, ce fut au tour de Romain Didier. J’avais un peu lâché ses derniers albums. Or, il se trouve qu’il a beaucoup puisé, vendredi dernier, dans son répertoire récent. Ce qui m’a permis de le découvrir. A écouter, vraiment. Je suis sûre que parmi vous il s’en trouvera bien un ou deux pour totalement accrocher à cet univers. Pendant le spectacle, Romain Didier a récité les premiers vers d’un poème de Gérard de Nerval, et je me suis dit, une fois de plus, que je n’étais jamais très loin de l’ami Thiéfaine !

Voici donc ce poème de Gérard de Nerval. En le lisant, il y a quelques mois, je ne l’avais pas réellement apprécié, mais la prestation de Romain Didier me l’a fait aimer :

Fantaisie

Il est un air pour qui je donnerais

Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber ;

Un air très vieux, languissant et funèbre,

Qui pour moi seul a des charmes secrets.


Or, chaque fois que je viens à l’entendre,

De deux cents ans mon âme rajeunit :

C’est sous Louis treize… Et je crois voir s’étendre

Un coteau vert que le couchant jaunit,

 

 

Puis un château de brique à coins de pierre,

Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,

Ceint de grands parcs, avec une rivière

Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs.


Puis une dame, à sa haute fenêtre,

Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens…
Que, dans une autre existence peut-être,

J’ai déjà vue ! – et dont je me souviens !