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03/05/2007

Topo du 31 mars 2007 (suite)

La pensée du jour : Ben, pardon, mais ce soir, cela ne volera pas très haut parce que la pensée du jour est de moi! Je voulais simplement dire que je pense que l'humanité est constituée de 95 % de connards, dont peut-être, sans le savoir, je fais partie!!!

Je suis allée à un stage Education nationale cet après-midi. Sur mon temps libre et sans remboursement des frais de transport (alors que le bidule se faisait à 65 bornes de chez moi), soit dit en passant. La formatrice avait apporté des documents passionnants, mais n'en avait pas assez pour tout le monde. Elle a répété cent fois qu'elle était désolée, qu'elle n'attendait pas une telle foule (organisation Educ'nat'), mais elle a précisé qu'il fallait partager. Eh bien, ma voisine, elle, a tout pris pour elle, je suis revenue sans rien, comme une pauvre tache!!! En même temps, je n'ai pas non plus cherché à me battre pour trois feuilles. Si cela lui faisait plaisir, à cette conne, de tout faucher pour sa gueule, grand bien lui fasse! Si elle n'a que ça qui la fasse jouir dans la vie, c'est bien triste et, finalement, les feuilles, je les lui abandonne de bon coeur tant elle me fait pitié! Enfin, quand même, ne rions pas trop avec ces choses-là : ces spécimens sont censés éduquer les enfants de la nation!!!!! (Excusez-moi pour ce coup de colère, je suis désolée d'employer des mots grossiers mais, comme Giono, je leur reconnais une valeur thérapeutique).

Allez, remettons-nous du baume au coeur avec Thiéfaine : 

En avril 79, Thiéfaine passe au Printemps de Bourges. Parallèlement à cette explosion, il plonge dans l’alcool et la drogue, univers que l’on retrouve souvent dans ses chansons. Les albums s’enchaînent puisque, en 1980, c’est la sortie de « De l’amour, de l’art ou du cochon ? », dans lequel Thiéfaine déclare en ouverture : « Si j’étais Dieu, je croirais pas en moi ». On est donc assez loin de la prétendue vocation religieuse ! Il clame également : « Je ne chante pas pour passer le temps mais pour me rendre intéressant ». Cet album est d’une grande beauté, on peut y entendre le magnifique morceau « Vendôme Gardenal Snack », dont voici quelques extraits :

« tu traînes dans mes nuits comme on traîne à la messe

 

quand on n’a plus la foi et qu’on ne le sait pas »…

 

« je laisse derrière toi des mégots de boyards

 

le cri d’une chanson et des bouteilles vides

 

au hasard de ma route entre deux quais de gare

 

je ne fais que passer je n’aurai pas de rides… »

 

« tu vois des cathédrales qui affichent mon nom

 

pour un dernier concert à l’envers du décor

 

tu vois des échafauds qui tranchent l’innocence

 

et répandent la vie à trois mètres sous terre

 

où l’on voudrait aller quand on a joué sa chance

 

et qu’on reste k.o. la gueule au fond d’un verre ».

 

 

Financièrement, c’est beurre dans les épinards et compagnie. Mais la vie personnelle de Thiéfaine s’effrite. Sous l’effet de la drogue, il est la proie d’hallucinations et d’images de mort. C’est à cette époque qu’il travaille à l’album « Dernières balises avant mutation », dont il dira que c’est là un disque à l’écriture très junkie. La pochette de l’album donne d’emblée le ton : on y voit une petite fille maquillée à outrance et dans une tenue pas tout à fait de son âge, la cigarette aux lèvres. Près d’elle, une bouteille d’alcool. Le tout posé dans un décor glauque : un couloir sombre menant à une porte pas franchement engageante… La drogue est très présente, en effet, notamment dans la chanson « Redescente climatisée » :

« Un autre paumé descend les rues de ton ghetto

 

et tu pleures en essuyant ses yeux figés

 

combien de mutants ayant rêvé ton numéro

 

se sont perdus croyant l’avoir trouvé ? »

 

 

Je ne peux évoquer cet album sans parler de « Mathématiques souterraines », morceau dans lequel, il y a presque quinze ans, une phrase (« tu voudrais qu’il y ait des ascenseurs au fond des précipices ») me fit l’effet d’un électrochoc et me donna envie de me plonger complètement dans l’univers de Thiéfaine.

Un matin où il prend peur devant son teint livide, Thiéfaine décide d’aller se ressourcer au parc de la Vanoise, à 2 000 mètres d’altitude. Il en revient avec la ferme volonté de changer de vie.

Le 2 novembre 1981, il passe à l’Olympia. La presse est enthousiaste.

En 1982, Thiéfaine rencontre Francine Nicolas, dont il aura deux enfants par la suite, et qui, dès 1987, va être son manager.

Vient ensuite « Soleil cherche futur ». Alors qu’il enregistre cet album, Thiéfaine apprend le décès de son père. Cet album baigne dans une atmosphère très particulière, pas forcément joyeuse, avec « Les dingues et les paumés », le lancinant « Ad orgasmum aeternum », le magnifique morceau « Autoroutes jeudi d’automne », entre autres, et l’on peut se demander dans quelle mesure ce n’est pas, tout simplement, le futur qui cherche un soleil ! Dans cet album, Thiéfaine évoque sa frangine, sa compagne d’infortune, la mélancolie. Dans « Soleil cherche futur », il dit : « Et moi je reste assis les poumons dans la sciure

 

A filer mes temps morts à la mélancolie ». On trouve d’autres morceaux d’anthologie dans cet album, notamment : « C’est depuis le début du monde

 

Que l’homme s’est déchiré »,  « Les monstres galactiques projettent nos bégaiements

 

Sur les murs de la sphère où nous rêvons d’amour » ou encore : « Elle m’envoie des cartes postales de son asile

 

M’annonçant la nouvelle de son dernier combat

 

Elle me dit que la nuit l’a rendue trop fragile

 

Et qu’elle veut plus ramer pour d’autres Guernica ».  Voilà un album dont, grâce aux interventions de Yoann, vous allez  pouvoir découvrir un certain nombre de morceaux : « Lorelei Sebasto Cha », « Autoroutes jeudi d’automne », « Les dingues et les paumés ».

 

02/05/2007

Topo du 31 mars 2007

La pensée du jour : "Commencer en poète et finir en gynécologue! De toutes les conditions, la moins enviable est celle d'amant".
A votre avis, qui a bien pu écrire une chose pareille? Il n'y en a qu'un, non, pour oser tout massacrer ainsi en deux temps trois mouvements? Ben oui, c'est Cioran! Personnellement, j'adore!

 

Je vous propose de découvrir le topo que j'avais présenté le 31 mars à Paris lors de notre petite réunion consacrée à Hubert. J'avais choisi de dire, dans leurs grandes lignes, la vie et l'oeuvre de Thiéfaine. Voici donc le début :

 

Si l’on en croit Hubert-Félix Thiéfaine, cela fait « deux cent mille ans déjà qu’il zone sur la terre dans le grognement lourd des groins qui s’entrechoquent ». Il est né, comme il le dit lui-même dans une de ses chansons, « d’une vidange de carter séminal dans le garage intime d’une fleur sentimentale ». C’était le 21 juillet 1948, à Dole, dans le Jura, cette petite ville dont l’artiste ne dira pas que du bien dans sa chanson « Villes natales et frenchitude »… Selon lui, il ne s’y passe rien, il ne faut pas rêver d’une tornade dans ce lieu qui est à Thiéfaine à peu près, semble-t-il, ce que Charleville était à Arthur Rimbaud…

D’avant la naissance, Thiéfaine garde cette image de lui-même ayant essayé d’assassiner son double dans le ventre de sa mère… La naissance apparaît comme un traumatisme, qui nous mène loin de « la chambre des éprouvettes » et du « rougeoiement des planètes »… « La vie c’est pas du Bubble-gum », chante Thiéfaine, il paraît même que « rien que le fait de respirer lui fout des crampes dans le sternum »…

Ces quelques mots donnent déjà une idée, je crois, de l’univers dans lequel évolue l’artiste. Toute son œuvre porte le sceau d’une profonde mélancolie et d’une certaine incapacité à être heureux, sans doute parce que ce mot est embarrassant, rempli de trop d’images négatives pour Thiéfaine. A propos du bonheur, il dira :

« ça fout la trouille, parce qu’on a toujours peur de le perdre. Quand on est désespéré, on n’a rien à perdre ». Ou encore : « Le bonheur, ça ne peut pas fonctionner dans mon monde. Je ne peux pas le chanter. (…) Chaque fois que je pense bonheur, je vois un vieux bourgeois assis dans un fauteuil. Ça, je ne peux pas ».

Où faut-il chercher l’origine de cette fêlure intime ? En partie dans l’enfance, peut-être. Cette période de sa vie, Thiéfaine la passe dans le Jura. Son père, Maurice Thiéfaine, travaille dans une imprimerie. Hubert-Gérard-Félix Thiéfaine est le cinquième enfant qui naît de l’union de Maurice et d’Alice.

L’enfance de Thiéfaine est assez marquée par le catholicisme. Alice, sa maman, fait le catéchisme aux enfants du village. « Des prêtres passent régulièrement à la maison », comme l’écrit Jean Théfaine dans la biographie qu’il a récemment consacrée à l’artiste. D’ailleurs, un des frères de Maurice était curé. Thiéfaine ne tentera-t-il d’ailleurs pas lui-même de se convaincre (et de convaincre son entourage) qu’il a la vocation pour la religion ?!

De son enfance, Thiéfaine dit : « Jusqu’à sept ans, j’ai été heureux ». Ensuite, c’est la déchirure avec l’entrée dans le système scolaire. Thiéfaine va être plusieurs fois ballotté entre l’école laïque et l’école libre. A chaque passage d’un monde à l’autre, on fera sentir sa différence à Thiéfaine. Face à la cruauté ambiante, il va se créer son propre univers et se retirer dans cette vie intérieure. Au petit séminaire, ce sera son échappatoire. Qui sait si son imagination, à ce moment-là, ne lui a pas déjà fourni le terreau sur lequel pousserait ensuite cet univers lunaire qui lui est propre ?

« Les surveillants fouillaient dans nos placards, dans nos pupitres, lisaient nos lettres. Bref, le dernier endroit intime qui me restait, c’était ma tête. Là, les pions ne pouvaient pas entrer. Seulement, avec toutes les tensions, les humiliations et les injustices, j’avais toujours peur que mon crâne n’explose, fallait trouver un exutoire, quelque chose pour faire baisser la pression, et c’est là que j’ai commencé à écrire mes premières chansons », expliquera Thiéfaine en 1983 dans le journal Le Monde.

C’est ainsi qu’en cinquième, Thiéfaine signe sa première œuvre, « Merda zuta twist », une critique plus ou moins voilée du petit séminaire. Il travaille également l’harmonium, le piano et le chant.

Le petit séminaire, même si ce n’est pas l’enfer absolu, ressemble trop à un carcan aux yeux d’Hubert. Lorsqu’un jour un camarade lui reproche de ne pas agir en conformité aux préceptes de la Bible, il répond : « La Bible, je l’ai au cul ! ». On somme Thiéfaine de finir sa seconde et de quitter ensuite l’établissement. A partir de septembre 1965, il va aller chez les jésuites, à Dole.

L’écriture commence à faire partie intégrante du quotidien du jeune Hubert. Au lycée, il rencontre Claude Mairet, qui sera son guitariste de 1979 à 1989.

L’année durant laquelle il redouble sa terminale va marquer une étape importante de sa vie, puisque c’est à ce moment-là qu’il découvre les surréalistes. Ensuite, il s’inscrit à la faculté de droit de Besançon. Mai 68 fait rage, Thiéfaine a vingt ans. Il n’adhère pas au mouvement de révolte étudiante, loin s’en faut. Plus tard, dans la chanson « 22 mai », il dira assez clairement le fond de sa pensée : un séminariste percute de plein fouet un pylône (garé en stationnement illicite !), et « ce fut sans doute l’événement le plus important de ce mois de mai » !! De même, les études ne sont pas la préoccupation principale de Thiéfaine : aux cours de droit, il préfère les Doors, les Pink Floyd, Jimi Hendrix, les Who, Bob Dylan, ou encore Léo Ferré ! Il avouera plus tard avoir fait la connaissance de certains profs le jour de l’examen !

Après cet essai peu concluant, Thiéfaine s’inscrit en faculté de psychologie. En 1969, Claude Mairet resurgit dans sa vie.

Abandonnant une bonne fois pour toutes ses études, Thiéfaine quitte le Jura pour Paris. Il y arrive le 17 novembre 1971. Pour tout bagage, il a un peu plus de vingt ans, une guitare et un sac à dos ! C’est alors que commence, pour reprendre ses mots, une période de dèche et de twist… Il dort parfois sous les ponts, il souffre d’une carence en vitamines. A la même époque, sa mère meurt.

A la fin des années 70, Machin, un groupe de « folk déconnant », fait son apparition dans la vie de Thiéfaine. Tony Carbonare, un des membres du groupe, saura imposer son ami à Hervé Bergerat, producteur à qui il dira, en gros et en détail : « Si tu veux le prochain album de Machin, tu prends celui de Thiéfaine ».

Le tout est mis en boîte en cinq jours. Ce sera « Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir », album dans lequel on trouve déjà l’écriture Thiéfaine, à nulle autre pareille. « J’arriverai par l’ascenseur de 22h43 », chante-t-il en ouverture. D’emblée, on pénètre dans un univers légèrement surréaliste, où l’on est « invité à laisser l’Etat dans les WC où on l’a trouvé en entrant ». On rencontre déjà certains des personnages qui vont être comme les emblèmes de l’œuvre de Thiéfaine : le surveillant général qui vient de sortir de son laboratoire, Borniol, un fou qui a chanté 17 fois et qui a fini par mourir de désespoir, et l’incontournable fille du coupeur de joints ! Sous les accents un peu loufoques, on sent poindre une certaine tristesse. C’est sur cet album, par exemple, que l’on trouve la majestueuse chanson « La dèche, le twist et le reste ».

« Tous les deux on pousse nos haillons

dans un igloo à bon marché

sous les toits d’une masure bidon

en compagnie des araignées »…

« Moi je bricole et je fabrique

des chansons qui sont invendables »…

En 1979, les choses s’accélèrent. Claude Mairet refait surface. En février, le deuxième album de Thiéfaine, « Autorisation de délirer », est sorti. Là encore, on croise des personnages qui vont devenir totalement emblématiques de l’univers thiéfainien : la vierge au dodge WC 51, la môme kaléidoscope qui habite rue des amours lynchées, par exemple. Et l’album s’achève sur le puissant « Alligators 427 » « aux ailes de cachemire safran », vision apocalyptique d’un monde ravagé par le nucléaire. 

 

Suite au prochain numéro! 

 

 

30/04/2007

En mai, fais ce qu'il te plaît

La pensée du jour : "Mai joli mai mois de Marie

Fais ce qu'il te plaît de tes envies".

En ce presque premier jour du mois de mai, voici un texte bien trash, comme on les aime!

 

Joli mai mois de Marie

 

Mai joli mai mois de Marie

Fais ce qu’il te plaît de tes envies

Mai joli mai mois de Marie

Sodomie-trash et fantaisies

 

Les ptérodactyles virent en vrilles

Au-dessus des banana-shows

Et les beurdigailles font des trilles

Avec les gomina-yoyos

Les tapons ricanent dans les bois (1)

Et klaxonnent Bambi l’orphelin

Tandis qu’un stégobulle flamboie

Dans l’air transparent du matin

 

Mai joli mai mois de Marie

Fais ce qu’il te plaît de tes envies

Mai joli mai mois de Marie

Sodomie-trash et fantaisies

 

Les grapheurs fous sixtinent la zup

Et lorgnent les jambes incendiaires

Qui montent longuement sous les jupes

Jusqu’au noyau de l’univers

Le soleil déshabille les filles

Qui traînent le poids de leur soustingue

Dans l’excitation des pupilles

Des keumès au regard salingue

 

Mai joli mai mois de Marie

Fais ce qu’il te plaît de tes envies

Mai joli mai mois de Marie

Sodomie-trash et fantaisies

 

Mais c’est toujours au mois de mai

Qu’on a envie de se pendre

Mais c’est toujours au mois de mai

Qu’on a du mal à comprendre

Pourquoi faut quitter son igloo

Ses longues nuits de loup-garou

Pour venir se cramer le chou

Devant des conneries de barbecues

Avec les autres jaloux qui jouent

Du biniou et de la boîte à clous

A moitié fous dans leurs cailloux

A genoux ! poux !

 

Mai joli mai mois de Marie

Fais ce qu’il te plaît de tes envies

Mai joli mai mois de Marie

Sodomie-trash et fantaisies

 

Les sativas au crépuscule

Les gommiers bleus les maris roses

Les jeunes taureaux qu’on émascule

Dans la tulle des brumes en osmose

Les molards sous les papillons

L’hémoglobine sur mes stigmates

Ma treille bouffée par les morpions

Et ce putain de soleil qui me délatte

 

Mai joli mai mois de Marie

Fais ce qu’il te plaît de tes envies

Mai joli mai mois de Marie

Sodomie-trash et fantaisies

 

(1)   héron héron petit pas tapon

 

Paroles et musique : Hubert-Félix Thiéfaine

 

Bon, je crois que c’est la première fois que mon correcteur d’orthographe pète à ce point les plombs !!! Il n’aime pas « sodomie-trash », pas plus qu’il n’apprécie « sativas » ou « sixtinent », et j’en passe. C’est stupide, un correcteur d’orthographe : le verbe « sixtiner », c’est une très belle invention !

Si l’un de vous peut m’expliquer le mot « beurdigaille », je prends !!

Il me semble que « tulle » est un nom masculin. Vérifions. Oui, c’est masculin. Bon, passons !

 

Au fait, Petit-Jour, dans ton message, si j’ai bien compris, tu me disais que sur Canal+, lorsqu’il y avait l’annonce des films qui seraient diffusés en mai, le tout était joliment accompagné par le refrain de cette chanson. Ou n’ai-je rien pigé ?!

 

Encore un « au fait » : si je me souviens bien, à un concert de la dernière tournée, Thiéfaine a dit que s’il y avait un second tour des élections avec, « au menu », Sarkozy et Royal, il se barrait en Suisse, non ?!

 

26/04/2007

Romain Gary / Emile Ajar

La pensée du jour : "Tu es venue le voeu de vivre avait un corps", Paul ELUARD.

 

Aujourd'hui, je vous propose quelques extraits de Vie et mort d'Emile Ajar. Il me semble qu'ils éclairent assez bien les raisons de cette formidable supercherie!

 

« Je tiens à m’exprimer, ne serait-ce que par gratitude envers mes lecteurs, et aussi parce que cette aventure que j’ai vécue fut, à une exception près –celle de McPherson inventant le poète Ossian, au début du dix-neuvième siècle, cet Ossian mythique dont McPherson avait écrit lui-même l’œuvre acclamée dans toute l’Europe – fut, à ma connaissance, sans précédent par son ampleur dans l’histoire littéraire.
Je citerai ici, tout de suite, un épisode, pour montrer – et ce fut une des raisons de ma tentative, et aussi de sa réussite – à quel point un écrivain peut être tenu prisonnier de la « gueule qu’on lui a faite », comme disait si bien Gombrowicz. Une ‘gueule’ qui n’a aucun rapport ni avec son œuvre, ni avec lui-même ».

 

« J’étais un auteur classé, catalogué, acquis, ce qui dispensait les professionnels de se pencher vraiment sur mon œuvre et de la connaître. Vous pensez bien, pour cela, il faudrait relire ! »

 

« Il me faut, à présent, tenter de m’expliquer ‘en profondeur’.

J’étais las de n’être que moi-même. J’étais las de l’image Romain Gary qu’on m’avait collée sur le dos une fois pour toutes depuis trente ans, depuis la soudaine célébrité qui était venue à un jeune aviateur avec Education européenne (…) ‘On m’avait fait une gueule’. Peut-être m’y prêtais-je, inconsciemment. C’était plus facile : l’image était toute faite, il n’y avait qu’à prendre place. Cela m’évitait de me livrer. Il y avait surtout la nostalgie de la jeunesse, du début, du premier livre, du recommencement. Recommencer, revivre, être un autre fut la grande tentation de mon existence. Je lisais, au dos de mes bouquins : ‘plusieurs vies bien remplies… aviateur, diplomate, écrivain…’ Rien, zéro, des brindilles au vent, et le goût de l’absolu aux lèvres. Toutes mes vies officielles, en quelque sorte, répertoriées, étaient doublées, triplées par bien d’autres, plus secrètes, mais le vieux coureur d’aventures que je suis  n’a jamais trouvé d’assouvissement dans aucune. La vérité est que j’ai été très profondément atteint par la plus vieille tentation protéenne de l’homme : celle de la multiplicité. Une fringale de vie, sous toutes ses formes et dans toutes ses possibilités que chaque saveur goûtée ne faisait que creuser davantage ».

 

« Il y eut des moments comiques. Notamment, lorsque Paul Pavlowitch exigea de moi les manuscrits, pour ne pas être à ma merci, et moi, lorsque je ne lui donnai que les premiers brouillons, et encore après les avoir photocopiés, pour ne pas être à la sienne. La scène où Jean Seberg emballait lesdits manuscrits que je portais au coffre au fur et à mesure, était digne de Courteline.

Et les échos qui me parvenaient des dîners dans le monde où l’on plaignait ce pauvre Romain Gary qui devait se sentir un peu triste, un peu jaloux de la montée météorique de son cousin Emile Ajar au firmament littéraire, alors que lui-même avait avoué son déclin dans Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable…

Je me suis bien amusé. Au revoir et merci ».

Romain Gary

21 mars 1979

 

25/04/2007

Paul Eluard : Les derniers poèmes d'amour

Ce soir, je me permets de faire (encore!) une digression et de mettre ici ce magnifique poème d'Eluard, dont je redécouvre l'oeuvre en ce moment :

 

Ma morte vivante

 

Dans mon chagrin rien n'est en mouvement

J'attends personne ne viendra

Ni de jour ni de nuit

Ni jamais plus de ce qui fut moi-même

 

Mes yeux se sont séparés de tes yeux

Ils perdent leur confiance ils perdent leur lumière

Ma bouche s'est séparée de ta bouche

Ma bouche s'est séparée du plaisir

Et du sens de l'amour et du sens de la vie

Mes mains se sont séparées de tes mains

Mes mains laissent tout échapper

Mes pieds se sont séparés de tes pieds

Ils n'avanceront plus il n'y a plus de routes

Ils ne connaîtront plus mon poids ni le repos

 

Il m'est donné de voir ma vie finir

Avec la tienne

Ma vie en ton pouvoir

Que j'ai crue infinie

 

Et l'avenir mon seul espoir c'est mon tombeau

Pareil au tien cerné d'un monde indifférent

 

J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres.

 

 

24/04/2007

Romain Gary (suite et fin de la notice biographique)

La pensée du jour : "On n'est pas artiste sans qu'un grand malheur s'en soit mêlé", Jean GENET.

 

De 1970 à 1974 : Séparation d’avec Jean Seberg, publication de Chien blanc (1970), d’un récit, Les trésors de la mer rouge (1971), d’un autre roman, Les enchanteurs (1973) et d’un récit sous forme d’entretiens, La nuit sera calme (1974). Sous le pseudonyme de Shatan Bogat, Les têtes de Stéphanie (1974), d’abord écrit en anglais en 1971.

 

 

De 1974 à 1980 : Commence une période où beaucoup s’accordent à voir Romain Gary sur le déclin, notamment à cause de son roman sur l’impuissance Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable (1975). Mais il a déjà préparé sa contre-offensive en se lançant dans une écriture jubilatoire, tonique et inventive. Ce sera l’expérience Ajar, qui deviendra aussi l’une des plus importantes supercheries du vingtième siècle. Sous ce nouveau pseudonyme, Gary publiera d’abord Gros-Câlin (1974), remarqué par la critique, puis, l’année suivante, La vie devant soi qui obtiendra le prix Goncourt. La presse est en émoi ; Gary doit réagir : il choisit son neveu Paul Pavlowitch pour « incarner » Ajar. C’est le deuxième Goncourt de Gary, chose normalement impossible. Il écrit un troisième « Ajar », qui se donne à lire comme la confession délirante d’Emile Ajar, destinée à brouiller davantage les pistes : Pseudo (1976). Sous le nom de Gary, l’œuvre continue : Clair de femme (1977) et Charge d’âme (publié en anglais en 1973), une comédie, La bonne moitié (1979). La même année paraît un autre Ajar, L’angoisse du roi Salomon, puis l’année suivante le dernier roman de Gary, Les cerfs-volants. Mort de Jean Seberg en 1979.

 

 

2 décembre 1980 : Romain Gary se suicide chez lui, rue du Bac.

 

Source : en grande partie le livret accompagnant les deux CD "Romain Gary, Le nomade multiple".

22/04/2007

Petite parenthèse

Oui, petite parenthèse dans la présentation de la vie de Romain Gary. Je viens d'envoyer à Eric Issartel un compte rendu de la réunion du 31 mars, ainsi que deux photos faites par Jean-Jacques ce jour-là. Je maintiens mon idée, qui était de vous demander, à vous qui étiez présents ce jour-là, d'écrire quelques lignes sur vos impressions, etc. Vous me les postez en commentaires, et je fais la suite (c'est-à-dire que je transmets à Eric). Cela vous convient-il?

Evadné, je pourrais prendre les quelques lignes que tu m'as envoyées en message privé et les mettre aussi en "ornement" autour du compte rendu que j'ai fait. Serais-tu d'accord?

 

N'en oublions pas la pensée du jour : "On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d'années : on devient vieux parce qu'on a déserté son idéal", général Mac Arthur (j'aime tant ce texte qu'un jour je le mettrai ici dans son intégralité!).

 

21/04/2007

Romain Gary encore

La pensée du jour : "Lila s'était arrêtée de chanter; elle jouait avec sa chevelure et ses yeux, si bleus qu'il devait en coûter au ciel", Romain GARY.

 

Suite de la chronologie commencée hier :

 

De 1946 à 1951 : Nommé secrétaire et conseiller d’ambassade à Sofia, Bulgarie. Nommé à Berne, puis à la Direction d’Europe au Quai d’Orsay. Publication de Tulipe (1946) et du Grand Vestiaire (1949).

 

De 1957 à 1961 : Chargé d’affaires en Bolivie, puis consul général à Los Angeles. Sous le pesudonyme de Fosco Sinibaldi, publication de L’homme à la colombe (1958). Sous le nom de Gary, mais écrit d’abord en anglais, Lady L.Gary disait que le personnage de Lady L. était probablement –avec le Morel des Racines du ciel- le personnage dans lequel il avait mis le plus de lui-même. En 1960, paraît La promesse de l’aube –« un livre sur ma mère »- et, en 1961, est publiée la pièce de théâtre Johnnie Cœur.

De 1961 à 1969 : Quitte la diplomatie. Négocie un divorce avec Lesley, tandis que se développe sa relation avec l’actrice Jean Seberg avec qui il aura un fils, Diego, en 1962.

Parcourt le monde pour le compte de différentes publications américaines. Il réalise deux films : Les oiseaux vont mourir au Pérou (1968) et Kill (1972). Se consacre intensément à l’écriture. Gary publie en anglais deux romans qui deviendront en français un diptyque, La comédie américaine : Les mangeurs d’étoiles (1966, roman dont Thiéfaine aime citer la phrase « Un idéaliste, c’est un fils de pute qui pense que la terre n’est pas un endroit assez bien pour lui ») et Adieu Gary Cooper (1969). Puis il entame une trilogie, Frère Océan.

1967 : La danse de Gengis Cohn.

1968 : La tête coupable.

 


Petit mot pour Tommie : je suis en train de relire Vie et mort d'Emile Ajar, de Romain Gary. J'ai trouvé pas mal de pistes intéressantes qui peuvent expliquer son désir de changer de peau. Je t'en dirai plus dans quelques jours!